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Coignet, Jules [Hrsg.]; Achard, Amédée [Hrsg.]
Bade et ses environs — Paris, 1858

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https://doi.org/10.11588/diglit.11216#0027
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LE VIEUX CHATEAU.

jette au fond de l'abîme comme un ruisseau. Ici la lumière vous inonde, là l'ombre vous enveloppe ;
vous foulez le dur rocher ou le tapis de mousse, mais partout la nature mêle sa grâce maternelle aux
plus terribles aspects. Des fleurs bleues parent cette solitude, des framboisiers la parfument.

Quelquefois, en face du rempart de ces falaises où les plaintes de la foret gémissante rappellent les
murmures de l'Océan, se dressent tout à coup des aiguilles aux angles rigides, à la pointe chauve. Le
corbeau sinistre ou l'épervier y posent leurs serres et s'y arrêtent-, quelques herbes y frissonnent çà et
là. Le pied de l'homme n'a jamais touché leur faîte.

Mais les formes et les aspects varient à chaque pas. Ce sont à tous les détours des surprises nouvelles.
Les Alpes n'ont rien de plus sauvage, la forêt Noire n'a rien de plus hardi.

Deux fois le sentier s'arrête, brusquement interrompu par une déchirure du rocher; mais un léger
pont de bois unit les deux lèvres de la plaie ouverte à pic, et l'on arrive sans péril jusqu'à une plate-
forme étroite, d'où la vue plonge jusqu'au fond de la vallée.

Elle s'ouvre comme une immense coupe dont Bade et son mamelon occupent le milieu ; sur la gauche,
le mont Mercure ferme l'horizon ; à droite, une échancrure pratiquée entre deux chaînes de mon-
tagnes livre au chemin de fer un passage jusqu'à la plaine. Ce ruban d'argent qui luit tout là-bas
au soleil, c'est le Rhin. Le regard vole de croupe en croupe et passe de la villa coquette aux forêts
sombres.

Un rocher nu est près de vous, de toutes parts isolé, qui saille du milieu de l'abîme. Quelques pieds
à peine vous en séparent, mais il faudrait les ailes de l'oiseau pour les franchir. Il rappelle avec ses
flancs anguleux et décharnés, ses arêtes vives où frissonne un brin d'herbe, son élancement superbe,
les aiguilles éclatantes qui surgissent le long des falaises à Étretat.

Asseyez-vous un instant sur la plate-forme voisine, et regardez. La magie de ce spectacle ne s'effacera
jamais de votre souvenir. De la tour d'Yburg à la tour de Mercure, les prairies se mêlent aux forêts,
et pour cadre à ce paysage harmonieux vous aurez un amphithéâtre de montagnes.

Écoutez cependant. Le vent vous apporte le bruit lointain des mélodies que la musique autrichienne
exécute sur la terrasse du palais de la Conversation ; malgré la distance, vous percevez chaque son.
C'est comme si vous aviez pris une stalle sur les rochers.

Le clair de lune donne à ce paysage grandiose de nouvelles grâces et de plus charmantes harmonies.
Cette solitude profonde est rendue alors plus profonde et plus mystérieuse. Une gaze d'argent enve-
loppe la forêt, et semble en dérober les contours en l'éclairant. L'ombre opaque se mêle aux rayons,
et le feuillage des érables et des sapins tremble sur le rocher. Si le vent souffle, de longs murmures
s'échappent de l'abîme : on dirait les plaintes d'esprits invisibles. Le bruit monte et s'efface, recom-
mence et s'éteint. La nuit respire et gémit. Alors du vieux château on ne voit plus qu'une masse
confuse perdue dans une transparente obscurité, et quelques étincelles qui tremblent au fond de la
vallée vous disent que Bade et toutes ses splendeurs sont là-bas.

Après avoir parcouru le sentier qui par mille détours suit la crête des Rochers, descendez cet escalier
capricieux qui s'enfonce à leur pied. Descendez toujours, et ne vous lassez pas de suivre tous les
méandres de cet étroit chemin qui fuit entre des masses croulantes de rochers, et semble découvert
par des chèvres.

Quand vous serez tout là-bas, un autre spectacle vous attend; il n'est pas moins surprenant ni
moins beau.

La falaise se dresse devant vous dans toute sa hauteur, partout fendue et déchirée. D'énormes piliers,
pareils à de gigantesques tours, saillent de terre et semblent en défendre les approches. A leur base
d'énormes quartiers de roches gisent couverts de mousse. Partout où le sapin a pu accrocher ses racines,
il s'élance dans le vide. On dirait que l'arbre et la pierre luttent à qui montera le plus haut. Quelquefois
l'arbre fde comme une flèche le long de la paroi verticale, sa tige droite est collée au rocher comme
un soldat qui grimpe ; plus loin il s'en détache obliquement et se penche sur l'abîme comme un soldat
qui tombe. On dirait que la forêt monte à l'assaut du rempart.
 
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