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Oppermann, Charles A. [Hrsg.]
Album pratique de l'art industriel et des beaux-arts — 4.1860

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No 2 (Mars-Avril 1860)
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H

L’ART INDUSTRIEL.

A* ANNÉE. — MARS-AVRIL 1860.



ques lignes extraites d’un article de M. Deléclüze, sur l’exposition des
tableaux.

Voilà comment il s’exprime :

« En commençant la revue du Salon, nous avons signalé la dimension
excessive de certains tableaux, non-seulement en raison de l’impor-
tance très-secondaire de quelques sujets, mais relativement aux lois de
l’optique. Il serait bien à désirer qu’un artiste, versé dans la science de
la perspective, en fît un traité vraiment pittoresque. Dans tous les livres
où cette science est traitée, on part de principes abstraits, par consé-
quent conventionnels. Ainsi, la ligne d’horizon, toujours courbe dans la
nature, puisqu’elle n’est qu’un segment du cercle de la terre, est con-
stamment figurée, dans les traités de perspective savante, par une ligne
droite tirée rigoureusement à la règle. En outre, les lignes perpendi-
culaires à l’horizon qui est courbe, tendant au centre de la terre, sont
considérées par la science comme parallèles. Pour reconnaître combien
l’application de ces principes abstraits est antipittoresque, on n’a qu’à
comparer le dessin d’un monument, fait par un artiste dont l'œil est
juste et la main obéissante, avec la reproduction du même édifice ob-
tenue par les moyens scientifiques employés ordinairement par les ar-
chitectes.

En effet, à l’aide de la perspective savante, on peut, sans s’éloigner
beaucoup d’un objet, en donner un aspect, mais qui présentera des
anamorphoses épouvantables; tandis qu’en obéissant à la perspective
pittoresque, forcé que l’on sera de tenir compte de la portée de la vue
et du cercle de vision dans lequel cet organe peut saisir facilement la
forme caractéristique des objets, on obtiendra des aspects sous lesquels
la chose représentée sera aussi peu déformée que possible, résultat des
plus importants pour l’art. »

M. Deléclüze occupe une place trop élevée parmi les hommes qui se
sont donné la mission de juger les artistes, pour qu’il soit permis de
laisser passer sans réponse lesjtrreurs accumulées dans les lignes pré-
cédentes.

D’abord, le mot de perspective savante, mis à chaque instant en oppo-
sition avec la perspective pittoresque, indique assez le peu d’estime que
M. Deléclüze paraît professer pour la première de ces deux méthodes.
J’aurais désiré cependant qu’il nous eût donné, avant tout, une bonne
définition de ce qu’il entend par perspective pittoresque. Mais je soup-
çonne qu’il n’emploie cette expression, dans le cas actuel, que pour in-
diquer la perspective qui n’est pas savante. Je crois cependant que
M. Deléclüze aurait mieux fait comprendre sa pensée en distinguant
les deux sortes de perspectives dont il a voulu parler,, par les mots de
perspective géométrique et de perspective artistique; ou, s’il le préfère,
perspective des géomètres et perspective des peintres.

J’ajouterai cependant que je laisse à M. Deléclüze toute la respon-
sabilité de cette distinction; car, pour moi, je ne connais qu’une seule
espèce de perspective, c’est la perspective exacte.

Il faut d’ailleurs que M. Deléclüze soit bien effrayé par la géométrie,
pour donner le nom de perspective savante à des méthodes qui n’exigent
que les premières notions de la géométrie la plus élémentaire.

Je conviens avec M. Deléclüze que la plupart des exemples donnés
dans les ouvrages purement géométriques sont faits pour dégoûter de
l’étude de la perspective; mais il ne faut pas en accuser la géométrie.

Les principes théoriques et abstraits donnés par les géomètres sont
rigoureusement exacts, et par conséquent ne sont pas conventionnels,
comme dit M. Deléclüze, car il n’y a pas de convention dans la géo-
métrie ; mais ces principes ont été mal appliqués, parce qu’ils l’ont été
par des théoriciens, par des hommes qui n’étant pas artistes, n’a-
vaient aucune idée des conditions nécessaires pour obtenir de bons ré-
sultats.

Ii en est de même de tous les principes quand on ne sait pas les ap-
pliquer. Ainsi, la vapeur, l’électricité sont'Certainement des principes
vrais et qui n’ont rien de conventionnel; mais si dans leur application
on ne prend pas toutes les précautions nécessaires, on s’exposera aux
plus grands dangers.

Si un homme invente une machine utile, qui fonctionne mal, parce
qu’il aura essayé de l’exécuter lui-même au lieu d’en charger d’habiles
ouvriers, cela devra-t-il faire rejeter une invention dont on n’aura pas
fait d’abord une application convenable. Laissons faire les praticiens au
lieu de les décourager, ils sauront bien tirer tout le parti possible de
cette nouvelle machine.

Il ne faut donc pas accuser la géométrie. Il faut seulement accuser
ceux qui ne savent pas s’en servir : la seule différence, c’est que les
géomètres s’en servent maladroitement, parce qu’ils n’ont pas le senti-
ment artistique; et que les artistes ne s’en servent pas du tout, parce
que ne la comprenant pas, ils ne peuvent soupçonner combien elle leur
serait utile.

Au surplus, il suffit, pour éviter les anamorphoses ridicules données
dans la plupart des traités purement géométriques, d’éloigner le point

de vue jusqu’à la distance où devrait se placer un bon dessinateur pour
obtenir un dessin convenable. Or, j’ai fait voir ailleurs que cette con-
dition, souvent impossible à obtenir pour l’artiste, est toujours facile
pour le géomètre.

M. Deléclüze n’est pas heureux dans le choix des moyens qu il
propose pour obtenir une perspective pittoresque. Ainsi il dit que la
ligne d’horizon est toujours courbe dans la nature, puisqu’elle n’est
qu'un segment du cercle de la terre; et, partant de là, il reproche à la
perspective savante de figurer cette ligne par une droite rigoureusement
tirée à la règle.

On sait en effet que l’horizon réel est un arc du cercle suivant lequel
la surface du globe est touchée par un cône dont le sommet serait si-
tué dans l’œil du spectateur. On sait de plus que la perspective de cet
arc de cercle est un arc d’hyperbole ; mais ce n’est pas là un motif pour
donner de la courbure à la ligne d’horizon d’un tableau.

En effet, je ferai d’abord remarquer qu’il ne peut être question ici
des paysages, dans lesquels l’horizon réel est ondulé suivant la silhouette
des terrains, montagnes ou collines qui bornent la vue. C’est donc
seulement dans les sujets maritimes que la ligne d'horizon réel est
figurée sur le tableau. Or, ici, je suis fort embarrassé; car, pour dé-
montrer ce que je vais dire il faudrait employer la géométrie, et M. De-
léclüze a une si grande aversion pour cette science que, si j’en dis un
seul mot, 11 ne m’écoutera plus. Je me contenterai donc, pour le mo-
ment, de donner le résultat du calcul que tout le monde peut faire sans
être savant. II suffit, pour cela, de connaître un peu de géométrie élé-
mentaire.

Si pour faire un tableau de marine on suppose que le spectateur est
sur une dune ou sur une falaise, élevée de 60 mètres au-dessus du ni-
veau de la mer, ce qui est à peu près la hauteur des tours de Notre-
Dame , la ligne d’horizon sur ce tableau sera une courbe dont la flèche
1

ne serait que de sa longueur, en supposant le spectateur éloigné,

comme le veut M. Deléclüze, d’une quantité égale à trois fois la largeur
du cadre.

Ainsi, sur un tableau qui aurait 6 mètres de largeur, la flèche ne sera
6m

que de = 0m,001 = 1 millimètre, ce qui serait à peu près l’épais-
seur du crayon. Or, en supposant que l’on parvînt à tracer une sem-
blable courbe sur une toile de 6 mètres de large, je ne sais pas si le ta-
bleau serait beaucoup plus pittoresque.

En admettant pour l’horizon une courbure qui n’existe qu’en théorie,
et qu’il est impossible d’exprimer en pratique, M. Deléclüze se hâte
d’en conclure que les verticales, perpendiculaires à l’horizon qui est
courbe, ne peuvent pas être parallèles entre elles. Cela est parfaitement
logique; mais il est évident que, si la courbure de l’horizon est insen-
sible, le défaut de parallélisme des verticales le sera également.

En effet, on sait en géométrie que les parallèles comprises entre les
deux côtés d’un angle sont entre elles comme leurs distances au som-
met. Or, prenons pour exemple les axes de deux colonnes de 20 mè-
tres de hauteur chacune, et rappelons que le rayon de la terre est de
6366260 mètres.

Les distances entre les axes de ces deux colonnes, mesurées à la hau-
teur des bases et des chapiteaux, seront entre elles comme 6366260 est à
6366280 ; c’est-à-dire que la distance des axes à la hauteur des chapi-

20

teaux ne surpassera la distance à la hauteur des bases que de -- ------

1

ou — de cette dernière quantité. Ainsi, pour un monument dont
313313

la façade parallèle au tableau aurait 30 mètres de largeur, le dé-
faut de parallélisme des deux verticales extrêmes serait exprimé par

30m

313313

= 0m,00009, c’est-à-dire moins que la dixième partie d’un mil-

limètre : et si la perspective du monument n’occupait sur le tableau
qu’une largeur de 1 mètre, la différence des distances prises en bas et
en haut des verticales extrêmes ne serait que 0m,000003, c’est-à-dire la
millième partie de 3 millimètres.

Je serais curieux de connaître l’artiste assez sûr de son coup d’œil et
de l’obéissance de sa main, pour rendre appréciable une courbure aussi
microscopique; et, dans tous les cas, je demanderai encore ce que cela
pourrait ajouter de pittoresque à un tableau.

Les maçons qui ont construit la colonnade du Louvre ont dû certai-
nement employer le fil à plomb pour régler la pose des pierres; il
s’ensuit donc que les colonnes sont perpendiculaires à la surface du
globe, et que par conséquent elles ne sont pas parallèles. Or j’avoue
que jusqu’à présent ce défaut de parallélisme m’a toujours échappé.

En suivant les conseils de M. Deléclüze, un artiste, entraîné par l’a-
mour du pittoresque, empruntera quelque jour un compas pour tracer
la ligne d’horizon, et peindra la colonnade du Louvre sous la forme
 
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