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«Quand il fut arrivé,,il secoua la neige qu’il avoit
« aux pieds, tendit ses collets, et englua de longues
« verges avec la glu qu’il avoit apportée : puis s’assit
« en aguet là auprès : mais de la maison il ne sortoit
« personne , ni homme , ni femme, ni coq, ni poulie ,
« ainssetenoient tous enfermés, clos et couverts au long
« du feu : dont le pauvre Daphnis estoit en grand
« esmoi d’estre venu si mal à poinct et à heure si mal-
« heureuse.
« Si osa bien penser de controuver quelque occasion
« pour entrer dedans la maison , discourant en lui-
« mesme quelle couleur seroit la plus croyable. S’il
« disoit : — Je viens quérir du feu ; on lui eust peu
« répondre : — Eh comment! n’avez-vous pas de plus
« proches voisins? — Je demande du pain. — Ton
« bissac est tout plein de vivres. — Je cherche du vin.
« — Il n’y a que trois jours que vous avez faitven-
« danges. — Le loup m’a poursuivi. — Et où en est la
« trace? —J’étais venu chasser aux oiseaux. — Eh
« bien ! que ne t’en vois-tu doncques après que tu en as
« assez prins? «— Je veux voir Cliloé Eh! qui con-
« fesserait à un père ou à une mère estre venu pour
« veoir leur fille ? Par-tout les garçons se taisent sur
« ce point. Ainsi n’y a-t-il pas une de toutes ces occa-
« sions-là où il n’y ait toujours quelque soupçon. Il
« vaut donc mieux que je me taise; je reverrai Cliloé
« au printemps, puisque les Dieux ne veulent pas,
« comme je crois, que je la voie en hiver. » ( Daphnis
et Cliloé, livre 3 )■
Ce charmant dessin, tiré du cabinet de MM. Didot,
est remarquable par la simplicité de la composition,
l’expression naïve de la figure, et la vigueur de l’effet.
«Quand il fut arrivé,,il secoua la neige qu’il avoit
« aux pieds, tendit ses collets, et englua de longues
« verges avec la glu qu’il avoit apportée : puis s’assit
« en aguet là auprès : mais de la maison il ne sortoit
« personne , ni homme , ni femme, ni coq, ni poulie ,
« ainssetenoient tous enfermés, clos et couverts au long
« du feu : dont le pauvre Daphnis estoit en grand
« esmoi d’estre venu si mal à poinct et à heure si mal-
« heureuse.
« Si osa bien penser de controuver quelque occasion
« pour entrer dedans la maison , discourant en lui-
« mesme quelle couleur seroit la plus croyable. S’il
« disoit : — Je viens quérir du feu ; on lui eust peu
« répondre : — Eh comment! n’avez-vous pas de plus
« proches voisins? — Je demande du pain. — Ton
« bissac est tout plein de vivres. — Je cherche du vin.
« — Il n’y a que trois jours que vous avez faitven-
« danges. — Le loup m’a poursuivi. — Et où en est la
« trace? —J’étais venu chasser aux oiseaux. — Eh
« bien ! que ne t’en vois-tu doncques après que tu en as
« assez prins? «— Je veux voir Cliloé Eh! qui con-
« fesserait à un père ou à une mère estre venu pour
« veoir leur fille ? Par-tout les garçons se taisent sur
« ce point. Ainsi n’y a-t-il pas une de toutes ces occa-
« sions-là où il n’y ait toujours quelque soupçon. Il
« vaut donc mieux que je me taise; je reverrai Cliloé
« au printemps, puisque les Dieux ne veulent pas,
« comme je crois, que je la voie en hiver. » ( Daphnis
et Cliloé, livre 3 )■
Ce charmant dessin, tiré du cabinet de MM. Didot,
est remarquable par la simplicité de la composition,
l’expression naïve de la figure, et la vigueur de l’effet.