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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Genevay, Antoine: Jean Baptiste Isabey, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0072

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JEAN-BAPTISTE 1SABEY.

61

troublé la cervelle; les deux amis menèrent la vie grand train, et la somme épargnée s'en alla où
étaient allées tant d'autres. Le beau-père ni le gendre ne furent jamais propriétaires.

A la chute de l'Empire, Isabey se conduisit très-noblement : après l'abdication, il courut à Fontai-
nebleau porter à la majesté déchue l'hommage de son respect. Peu de temps après , il quittait Paris
pour se rendre à Vienne, où tous les souverains et tous les diplomates, réunis en congrès, se parta-
geaient les peuples comme un vil troupeau. Isabey fut très-recherché; on se disputa son pinceau à prix
d'or, et il exécuta un très-beau dessin, le Congres, dans lequel il avait, avec un rare bonheur, repré-
senté tous les diplomates à la fin d'une conférence. Ce bel ouvrage appartient à l'Angleterre, mais
toutes les collections en possèdent la gravure. Ayant appris le débarquement de Napoléon, il quitta
tout, brûla les routes, et arrivait à Paris en même temps que l'empereur.

Après Waterloo, la Restauration lui ayant fait très-froide mine, il sortit de France et se rendit
en Angleterre. Elle ne lui fut point hospitalière; il revint et obtint avec peine la permission de publier
la gravure du Congrès. Incapable de bouder longtemps, sans fortune, il ne tarda point à se rallier
aux Bourbons.

En 1817, il exposa au Salon l'Escalier du Musée, le plus grand ivoire qui eût été peint. Ce tableau lui fit
le plus grand honneur, et l'artiste rentra dans l'existence mondaine qui, pour lui, était un véritable besoin.

Lorsque la lithographie fut découverte, il s'adonna à ce travail, et l'on trouve quelques-unes de
ses pierres dans l'Ancienne France de MM. Rodier et Taylor. Il publia aussi l'Arrivée du duc de Bor-
deaux à Chambord, — scène imaginaire, —qui obtint beaucoup de succès.

Charles X fut plus bienveillant pour lui que ne l'avait été Louis XVIII épris du talent de M'"0 de
Mirbel; il le chargea d'une partie des travaux du Sacre et le nomma dessinateur et peintre de son
cabinet. La révolution de 1830 l'afFecta; l'âge, quoique vertement porté, arrivait avec son cortège de
soucis, la société se transformait, il fallait vivre dans un nouveau milieu, dans un milieu bourgeois, qui
n'avait pour lui ni charme ni attrait. En 1837, Louis-Philippe le créa conservateur-adjoint des Musées
royaux et lui donna un logement à Versailles.

C'est dans cette situation que 1848 le trouva. La République se montra respectueuse pour lui.
L'administrateur du palais de Versailles, chargé d'expulser les parasites qui l'habitaient, prit sur lui de
maintenir M. Isabey, il en référa au ministre qui le loua de cette initiative.

Napoléon III donna au peintre de sa mère une pension de six mille francs, un appartement à
l'Institut et la croix de commandeur de la Légion d'honneur. Il était membre de l'ordre dès sa création.

Tranquille sur l'avenir, il passait ses étés à Saint-Martin-d'Abloir, chez la marquise de Talhouet,
ou à Pontchartrain, chez la marquise d'Osmond. Il y était fêté, gâté. Ces dames moururent; il n'avait
plus le temps de créer des amitiés nouvelles, il s'éteignit le 18 avril 1855, à l'âge de quatre-vingt-huit ans.

Marié deux fois, il eut de sa première union deux fis : —l'un périt à l'armée pendant la campagne
de 1814, l'autre, Eugène, s'est fait un nom dans les arts, — et une fille qui épousa le peintre Cicéri. De
son second mariage est issue une fille que Napoléon III dota richement, ayant reçu de ses mains une
très-belle série de dessins et d'ivoires que l'artiste avait laissée.

Le Musée du Louvre, sous le n° 420, possède un beau portrait en pied d'Isabey donnant la main
à sa première fille. Il est signé Gérard, ij<)S- Ce portrait rappelle un trait qui fait trop d'honneur à la
mémoire d'Isabey pour que nous le passions sous silence.

Gérard, encore inconnu, venait de peindre son Bélisaire; il était pauvre, personne ne se présen-
tait pour acheter son œuvre. Isabey, se disant autorisé par une personne désirant rester inconnue,
demanda à son camarade combien il voulait de sa toile : « Trois mille francs. — Tiens, les voilà. » La
toile fut emportée. Quelque temps après, un Hollandais, ayant vu le Bélisaire, en offrit six mille francs.
Le marché conclu, Isabey porta encore trois mille francs à Gérard, qui sut alors quelle main l'avait
obligé. Il voulut que cette généreuse action ne fût pas oubliée ; il peignit le beau portrait que M. Eugène
Isabey a offert au Musée du Louvre.

Aidé par les travaux de MM. Lenormant et Ed. Taigny, nous avons pris plaisir à écrire cette
biographie, non-seulement parce qu'Isabey a été un artiste remarquable, mais encore parce qu'il fut une
nature légère peut-être, mais honorable et bonne.

A. Genevay.
 
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