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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Ménard, Louis: Les fouilles de Pompéi et le Musée de Naples, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0073

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LES

FOUILLES

DE

POMPÉI

ET

LE MUSÉE DE NAPLES'

(suite.)

L'art antique n'était pas froid et guindé comme le prétendent fort injustement ceux qui le jugent
d'après les gauches imitations de ses maladroits copistes. Les anciens, qui savaient si bien associer
la sculpture à l'architecture, qui répandaient à profusion les statues à l'intérieur et à l'extérieur des
monuments, sur les places publiques, dans les jardins et dans les campagnes, n'auraient jamais pu com-
prendre le rôle inutile que nous donnons à la sculpture dans nos édifices. Tantôt nous les plaçons le
long d'un mur ou dans des niches de même couleur, et il est impossible de les voir, parce qu'elles se
confondent avec le fond; tantôt nous les accumulons sur le toit des édifices à des hauteurs où l'œil ne
peut les découvrir qu'à l'aide d'un télescope. Nous avouons ainsi implicitement que la sculpture n'est
pour nous qu'une excroissance et une superfétation ; qu'elle ne répond ni à nos goûts, ni à nos idées,
ni à nos mœurs, tandis qu'elle était un organe nécessaire dans la vie intellectuelle et morale de l'an-
tiquité.

Il n'y a pas ici un parti pris de dénigrer le présent et d'exalter le passé. Je reconnais que la
peinture ancienne, si on la juge par les œuvres que nous connaissons, est inférieure à la peinture
moderne; mais, dans la sculpture, la supériorité des anciens est écrasante, et les modernes l'ont
généralement reconnu, puisqu'on dit souvent que la sculpture est un art païen2. Seulement on se
trompe quand, pour expliquer cette supériorité, on ajoute que la sculpture ne peut rendre que la
forme matérielle, et que l'expression n'est pas de son domaine. Une forme exprime toujours une idée ;
il n'y a donc pas de forme sans expression, ni d'expression sans forme. Seulement la sculpture
n'ayant pas à sa disposition la lumière et la couleur, ne doit pas chercher à rendre le mouvement et
la passion, qui sont des accidents fugitifs et mobiles comme les jeux de la lumière et de la couleur.
Elle doit s'en tenir à l'expression des caractères, qui sont permanents comme la forme. La sculpture,
antique a rendu avec la même perfection les types généraux et universels dans les statues des dieux,
et les types individuels dans ses admirables portraits. La sculpture moderne, au contraire, même dans
ses chefs-d'œuvre, cherche toujours la passion et le mouvement, au lieu de se borner à l'expression
de l'attitude et du caractère; elle veut lutter avec la peinture sur un terrain où elle a nécessairement
le dessous. C'est de là que vient le maniérisme, qui est le fléau de la sculpture moderne.

Quand on parcourt une de nos expositions de sculpture, on éprouve une impression pénible en
voyant une statue condamnée à froncer éternellement les sourcils, une autre à garder continuellement
une position fatigante, où le modèle qui a servi à la faire n'aurait pas pu rester cinq minutes. Rien
de pareil dans une galerie de statues antiques. Toutes ces figures sont tranquilles ; on dirait qu'elles
s'arrêtent pour vous regarder passer, et que, du haut de leur sérénité divine, elles sourient à l'aspect
des agitations de la vie. Quelquefois cependant vous apercevez une tète prétentieuse, un geste
théâtral; mais approchez-vous, et vous reconnaîtrez que ces intentions dramatiques sont toujours le
résultat d'une restauration moderne. Presque toutes les statues antiques nous sont parvenues plus ou
moins mutilées, par suite de cette effroyable destruction des chefs-d'œuvre du paganisme sous les
empereurs chrétiens. Que faire de ces fragments? Si on les conservait tels qu'on les trouve, ils ne
seraient appréciés que des sculpteurs et de quelques amateurs intelligents. Pour les mettre en état
de se présenter devant le public et de faire honneur à leurs propriétaires, il faut les restaurer. Le
sculpteur qu'on charge de ce travail n'a qu'une idée fixe : donner une signification à l'œuvre qu'il veut

1. Voir les numéros i et 2 de L'Art, pages 9 et 29.

2. L'opinion contraire a été développée avec conviction et avec talent dans l'ouvrage de mon collaborateur Véron, intitulé Supériorité
des arts modernes sur les arts anciens.
 
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