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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Leroi, Paul: M. Auguste Lanc̨on: à Aug. de L.
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0096

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8 2

L'ART.

« On l'a proclamé un homme d'un grand goût. Je ne saurais être tout à fait de cette opinion,
M. Ingres a un goût parfois rare, si je puis m'exprimer ainsi, qui lui a fait protester, — par ses
œuvres, — contre la banalité du style de l'École impériale, et qui l'a fait longtemps regarder comme un
adversaire par l'Institut. Le docte corps voyait en lui un hérésiarque de dangereuse espèce, avant de
l'accepter pour le suprême arbitre de l'art contemporain.

« Frès-souvcnt AI. Ingres manque de goût. Tous les grands artistes ont leurs formules banales, —
leurs rengaines, jiour employer un mot de l'argot des ateliers, — mais où se montre encore la trace
de leur force et de leur génie. — Les rengaines de M. Ingres sont de la pire espèce : il remplace
l'originalité par le baroque ; et les badauds d'admirer les figures de saints ou de saintes, les dieux et les
déesses perpétuellement enrhumés du cerveau, aux poignets engorgés, aux yeux de face dans des
têtes de profd, ses draperies prétentieuses, mais tirées à quatre épingles, mesquines et souvent mal
ajustées.

« Pour moi, M. Ingres reste néanmoins de la race des maîtres : mais je le place au dernier rang
parmi eux. Je crois que son influence sur l'art contemporain a été plus néfaste qu'utile. L'école
qu'il a fondée est de celles où l'on passe pour savant sans avoir besoin de rien apprendre, où l'esprit
d'imitation remplace les véritables études, les études sérieuses.

« Les peintres de la fin du xvmc siècle, où notre école nationale était en pleine décadence, où la
■pratique envahissait tous les ateliers, étaient en réalité des artistes laborieux et pleins de conscience
et de respect pour la nature, si on les compare aux plus grands ingristes. »

C'était parler d'or; ce n'était que justice et respectueuse indulgence. Le temps a marché depuis
1858; on ne se laisse plus imposer avec la même facilité des opinions et des admirations toutes
faites, sous prétexte qu'elles sont bien portées ; il en résulte qu'on est de moins en moins disposé à
encenser un faux dieu et qu'on a vu avec une indifférence absolue ses autels enfin renversés pour
ne plus se relever, par le seul fait de l'exhibition d'une partie considérable de son œuvre au profit
des Alsaciens-Lorrains. Ç'a été un tel naufrage qu'un des maîtres de la critique, dont les études
publiées dans la Galette des Beaux-Arts n'ont négligé aucun tableau important, Al. Paul Alantz,
constatant que rien, parmi un si grand nombre de toiles, ne surnageait si ce n'est la Source, le
portrait de Bertin, celui du peintre à l'âge de vingt-quatre ans et celui de M"" de Vauçay, M. Alantz
s'est décidé à honorer ce désastre d'un silence aussi dédaigneux qu'éloquent1.

Amiens Plato sed ma gis arnica Veritas; que ce soit là notre devise à tous, mon ami 5 ne nous
effrayons jamais de l'austère nudité de notre guide et nous nous sentirons sans cesse plus affermis dans
notre propagande et nous verrons se grouper autour de nous de nouveaux, de nombreux, de fervents
adeptes de notre ardente foi dans l'Art. Il y a mieux à faire, ce doit être votre avis comme le mien,
qu'à nous efforcer à glorifier des pastiches et à élever sur le pavoi un nom quelconque qui n'a des
maîtres illustres que la plus prétentieuse, la plus vaine apparence. Ce n'est point porter atteinte à la
renommée de la moderne école française de peinture que de lui faire l'honneur de rester à son égard
rigidement vrai; c'est l'honorer davantage. Elle a l'insigne gloire de compter dans son nécrologe deux
hommes de génie : Eugène Delacroix2, Théodore Rousseau; — deux hommes d'un immense talent :

1. Je me trompe; l'éminent critique de la Galette des Beaux-Arts n'a pas été d'un mutisme aussi absolu. Je ne sais pas d'exécution plus
spirituellement cruelle que son laconisme : « Nos fils et nos neveux sont aujourd'hui de grands garçons, et, appelés à étudier par eux-
mêmes des œuvres dont leur enfance a tant de fois entendu parler, ils revisent dans la sincérité de leurs jeunes impressions, les juge-
ments peut-être un peu aventureux qu'on a portés il y a vingt ans. Ils voient l'œuvre d'Ingres; ils savent et ils diront sans doute lesquels
se trompaient de ceux qui ont applaudi sans restriction, ou de ceux qui, plus prudents, ont cru devoir résister et résistent encore. » Cet
assez clair; mais patience, ce n'est pas tout! //; caudâ venenum : « Toutefois il est, même dans le bagage des maîtres que conteste la jeune
génération, des œuvres qui gardent leur valeur. L'Assassinat du duc de Guise est de celles-là. » (Galette des Beaux-Arts, livraison du
\" septembre 1874, pages 204 et 205, tome X, 2" période.) La légitime exception faite en faveur d'une des compositions de Paul Dclaroche,
vous Ja chercherez vainement appliquée à un seul des ouvrages de M. Ingres.

Je crois que je commence à me rendre compte de « nos dissidences; » la Galette exécute un enterrement en bloc, tandis que la modé-
ration de l'Art ne lui a permis que de procéder à un enterrement partiel.

2. Le génie de Delacroix est de ceux qui conquièrent même les esprits qui paraissaient les moins faits pour le comprendre. Ainsi de
M. Ludovic Vitet qui s'est grandement honoré par sa belle élude sur la Chapelle des Saiuts-.Anges de Saint-Sulpice ; c'esl lui qui n'a pas
hésité à proclamer le céleste cavalier ailé supérieur à « son rival du Vatican. » Il le déclare avec raison « moins bourru, moins brutal, » que
celui de Raphaël; « il y a dans son attitude, dans sa personne, dans ses traits, je ne sais quoi de serein, de noble, d'idéal. Ce n'est pas un
centurion en colère, c'est vraiment un archange. »
 
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