Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

DOI Artikel:
Desnoiresterres, Gustave: Pigalle et la statue de Voltaire
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0147

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
130 L'ART.

éclosion du veau d'or dans les vingt-quatre heures; et il n'a pas assez de railleries et de sarcasmes pour
ce vieux conte à dormir debout : on voit bien que Moïse n'avait pas lu Y Encyclopédie, à l'article Fonte.
« Ayant eu dessein, dit-il, de faire élever une petite statue équestre du roi, en bronze, dans une ville
qu'on bâtit à l'extrémité du royaume1, je demandai, il n'y a pas longtemps, au Phidias de la France, à
M. Pigalle, combien il faudrait de temps pour faire seulement un cheval de trois pieds de haut; il me
répondit par écrit : « Je demande six mois au moins. » J'ai sa déclaration datée du 3 juin 17702. » Il
écrira les mêmes choses au comte de Schomberg, l'un des dix-sept du fameux dîner : « J'ai raisonné
beaucoup avec Pigalle sur le veau d'or qui fut jeté en fonte, en une nuit, par cet autre grand prêtre
Aaron; il m'a juré qu'il ne pourrait jamais faire une telle figure en moins de six mois. » Et, une troi-
sième fois, dans Un Chrétien contre six juifs, il opposera la compétence de Pigalle à ceux qui auront le
courage de se porter les défenseurs du texte sacré. Sûrement ce n'est point ici le lieu d'entrer dans le
détail de cette polémique curieuse où l'abbé Guénée se révéla d'une façon aussi remarquable qu'inat-
tendue; mais il fallait qu'on sût quelle considération si puissante avait bien pu contraindre le turbulent
vieillard à se prêter avec une docilité absolue à ce qu'on implorait de lui si vainement depuis huit jours.

Les souscriptions s'étaient élevées au chiffre de dix-huit mille sept cent soixante-quinze livres,
comme cela résulte d'un compte de la succession de Delaleu 3. Ce résultat était plus qu'honorable ; le
reste dépendait de l'artiste. La statue de Pigalle fut dès l'abord vivement discutée, mais il devait s'y
attendre; le parti de reproduire dans une presque complète nudité ce corps décharné, osseux, peu sculp-
tural (comme le reconnaissait tout le premier le grand homme dont on prétendait léguer la ressemblance
à la postérité), parut au moins bizarre, et le statuaire eut besoin du zèle de ses amis pour défendre
l'idée. Mais encore l'idée n'est pas de lui; elle est de l'auteur du Neveu de Rameau, dont l'esprit se
plaisait dans ces conceptions paradoxales qu'il développait d'ailleurs avec une verve, une éloquence
incomparables. « C'est à Diderot qu'il faut s'en prendre, nous dit l'abbé Morellet, de cette bévue,
car c'en est une, c'est lui qui avait inspiré à Pigalle de faire une statue antique comme le Sénèque se
coupant les veines. En vain plusieurs d'entre nous se récrièrent, lorsque Pigalle apporta le modèle. Je
me souviens d'avoir bien combattu et Diderot et Pigalle; mais nous ne pûmes détourner de cette
mauvaise route ni le philosophe ni l'artiste échauffé par le philosophe. » Pigalle vit, avant tout, dans
le projet de Diderot, l'occasion de triompher de l'impossible et de développer de grandes facultés
anatomiques. Il est vrai que Grimm, qui oublie un peu sa première impression et ne trouve pas néces-
saire de révéler la complicité de son illustre ami, donne à la détermination du sculpteur une raison
tout autre que l'amour de la difficulté et de la lutte. « Pigalle ne sait pas draper, nous dit-il, et il
ne se soucie point de faire ce qu'il ne fait pas supérieurement ; il fallait charger de ce monument
Vassé 4, qui n'a pas le goût aussi sauvage que Pigalle, et qui s'en serait tiré avec plus de succès. » Mais
il est douteux qu'il eût fait mieux que cette statue assise d'Houdon, si réelle, si bien posée, d'une
draperie si savante, qu'on ne se lasse pas d'admirer dans le vestibule du Théâtre-Français. Toutefois
ce squelette parut vivant à ceux auxquels il agréait le moins. Un rival, Le Moine, déclarait que
l'antique n'avait rien de plus beau ni peut-être d'égal dans ce style, politesse de confrère plus
qu'appréciation sans appel, mais dont il est juste de tenir compte. L'atelier ne désemplissait pas.
Le roi de Suède s'y rendit comme tout le monde, mais en sortit désenchanté et se vengea par un bon
mot de cette petite déception. Le gros du public ne fut jamais conquis, et ne pouvait l'être; mais le
modèle eut des enthousiastes qui, comme Le Moine, le proclamèrent un véritable chef-d'œuvre.
François Tronchin, qui était à la fois un amateur et un connaisseur 5, le vit, en 1771, et fut frappé
de la noblesse de la pose, de la correction de l'ensemble, de la précision des vérités de nature.
Si Pigalle hésitait, c'était sur le choix de la matière, marbre ou bronze : pour le reste il avait la

I. A Versoix.

a. Dictionnaire philosophique.

3. Compte. La succession Delaleu et les souscripteurs de la statue de Voltaire, 10 may 1776. Bordereau des comptes des souscripteurs.
Documents communiqués.

4. Claude-Louis Vassé, élève de Bouchardon, qui devait mourir deux ans plus tard.

y. Tronchin des Délices. Il parvint à former successivement deux cabinets de tableaux des plus grands maîtres, dont le premier fut
acquis par l'impératrice de Russie.
 
Annotationen