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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Vimenal, Charles: Hector Berlioz
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0165

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i40 L'ART.

En s'y décidant il comptait, sinon sur un triomphe, du moins sur une de ces grandes batailles dont
il avait savouré jadis les rudes mais chaudes émotions. Ces infortunés Troyens ne furent pas même
insultés. Sauf un « coup de sifflet honteux », mais obstiné, sauf quelques « imprécations 1 » qui retardaient
évidemment, pas de manifestations hostiles, pas de tumulte. On écouta. On eut même l'indélicatesse
d'applaudir maint passage de la partition. L'ouvrage, au lieu de s'écrouler avec fracas dans la
tempête, vécut vingt et une soirées honorables mais languissantes. Quelle différence avec les luttes
d'autrefois! Et Berlioz, qu'avait longtemps exaspéré « l'antagonisme existant entre son sentiment
musical et celui du gros public parisien 2 », Berlioz, plus cruellement affecté encore de l'indifférence
respectueuse d'un public qu'il ne réussissait plus même à mettre en colère, en arrivait à regretter le
temps où il était conspué, bafoué, détesté et redouté. On comprend le découragement immense,
incurable qui s'empara alors de cette âme jusque-là si fortement trempée. On s'explique ce mot qu'il
écrit en tète du dernier chapitre de ses Mémoires : « Au diable tout! » Ni acclamé ni combattu, c'était
trop peu pour ce génie fiévreux. Aussi renonce-t-il à tout : à sa besogne de critique qui lui a tou-
jours pesé, bien qu'il y excellât, et à son art qui a désarmé la haine des coteries sans conquérir l'en-
thousiasme des foules, et qui ne lui promet plus les honneurs de la guerre. Son cœur, lassé de tout,
même de l'espérance, maudit l'humanité, l'art et la vie elle-même. Il attend la mort. Elle ne devait
pas tarder à répondre à son appel.

Berlioz a beaucoup souffert. Pourtant il ne faudrait pas croire qu'il n'ait jamais connu les joies du
succès. Ses Mémoires nous disent les ovations qui lui ont été décernées en Belgique, en Angle-
terre, en Allemagne, en Russie et même à Paris. Il y avait en lui du virtuose. Il n'était pas
homme à se contenter des satisfactions paisibles et intimes de la création artistique, à composer pour
le plaisir de composer, et, comme Jean-Sébastien Bach, à entasser les partitions dans sa bibliothèque,
en laissant à la postérité le soin de les y dénicher et de les déchiffrer. Une œuvre achevée, son
démon le poussait à se dépenser tout entier pour la présenter au public dans toute la vibration de la
vie et avec toutes les flammes qui en avaient déterminé la conception. L'argent lui importait peu,
mais il aimait la bataille ; il se plaisait non-seulement à provoquer la lutte, mais surtout à se jeter
personnellement dans la mêlée. Chef d'orchestre incomparable, c'était pour lui une volupté intense
de diriger l'exécution de ses œuvres, et il semble que pour lui-même elles ne prissent corps qu'à dater
du moment où il les sentait frémir sous sa main. Enfin il avait la passion des voyages. De là ses nom-
breuses expéditions à l'étranger, où il trouva de précieux appuis, par exemple en Allemagne Mendels-
sohn, Schumann et même Meyerbeer, et où il reçut partout un accueil triomphal. Mais il faut noter
que, dans ces concerts, Berlioz n'exécutait le plus souvent que des fragments de ses œuvres, des
fragments heureusement choisis, et précisément ceux qui resteront. Il en est d'admirables, mais ce ne
sont que des fragments. Le maître ne laisse pas une grande œuvre que l'on puisse considérer comme
complètement digne d'elle-même d'un bout à l'autre, sauf peut-être la symphonie avec chœur Roméo
et Juliette, dont Berlioz préférait l'adagio (la scène d'amour) à tout ce qu'il a produit, et dont il faut
citer aussi les deux scherzos, inspirés par la légende aérienne de la reine Mab, et l'imposant finale.
Il y a également des beautés de premier ordre dans la symphonie fantastique, dans la symphonie
d'Haroldj le Requiem, la Damnation de Faust, l'Enfance du Christ, dont la seconde partie, la Fuite en
Egypte, est un petit chef-d'œuvre de grâce et de naïveté poétique. Mais il est rare que l'œuvre se
soutienne.

Dans les œuvres dramatiques, Benvenuto, Béatrice et Benedict, les Troyens à Cartilage, les inégalités
sont plus flagrantes encore. Il y a des éclairs d'inspiration, des merveilles de ciselure, puis tout à
coup le musicien se dérobe, la forme lui échappe ; on dirait d'une langue nouvelle, dont la syntaxe
n'est pas encore nettement définie. C'est qu'en musique il ne s'agit pas seulement de faire des vers
antiques sur des pensers nouveaux. La nouveauté du sentiment appelle la nouveauté de la forme, et
ce qui nuit à l'œuvre de Berlioz c'est le défaut d'homogénéité entre ces deux éléments, c'est la
réalisation incomplète d'un idéal qui n'est encore qu'entrevu.

x. Mémoires, p. 474.
3. Ibid.} p. 457.
 
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