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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Yriarte, Charles: J.-F. Millet
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0169
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i^i L'ART.

donner l'impression des saisons, de la température, de l'atmosphère, de Fépiderme des choses : motte
de terre, touffe de bruyère dans les grandes plaines, sol détrempé par la pluie, neige sourde,
arbres morts aux branches noircies qui accrochent un flocon neigeux, feuilles jaunies jonchant
un sol gercé et couvert de givre qui crie sous le pied du paysan; il saisira l'insaisissable, il peindra
l'air lui-même, humide et lourd, la pluie qui tombe serrée, drue, le nuage cotonneux au ton d'encre
qui va crever sur les sillons. Et dans ce cadre approprié, sur ces fonds d'une justesse rare, il va
détacher ses compositions dont l'ensemble formera ce poëme de la Terre. La nature est son vaste
champ, il se fait paysan; il écrit, à sa façon, des Géorgiques auxquelles il manque peut-être tout un
côté gracieux pour que ce mot s'applique à l'œuvre avec toute justesse.

A la porte même de cet atelier construit à la lisière d'un bois, il assiste aux semailles, éternel
mystère et joie éternelle! Et Millet peint son Senteur qui, d'un beau geste, confie aux entrailles de
la terre la semence qu'elle rendra au centuple. Détachez la figure sur un fond d'or, supprimez l'exé-
cution, ne considérez dans ce paysan accomplissant banalement sa fonction sacrée, que la ligne
générale et sa silhouette, et vous avez une œuvre qui a certainement son côté épique.

Le grain a germé, le brin d'herbe est devenu un épi, le vent a balancé dans les champs
les blés alourdis, l'heure de la moisson est venue : il peint les Moissonneurs. Déjà on dresse la meide
massive, qui penche toujours d'un côté; l'orage pourrait venir; là-bas à la lisière, un nuage noir,
chargé de pluie, lutte contre un pâle soleil d'automne; et l'artiste peint cette vaste scène où, courbés
sur leurs fourches, actifs, haletants, les Botteleurs redoublent d'ardeur pour finir leur tâche avant la
pluie. Choisissez dans l'ensemble et vous aurez, je le répète, tous les chants du poëme avec ses
mille épisodes variés.

Le Paysan greffant un arbre (1855), la Tondeuse de moutons (1861), la Récolte des pommes de
terre, le Berger ramenant son troupeau (1863), les Paysans rapportant à leurs habitations un veau né dans
les champs (1864), la Veillée, la Femme cardant la laine, le Retour du travail, la Baratteuse, la Lessiveuse :
autant d'épisodes, autant de chapitres.

Après avoir célébré à sa façon la vie du paysan, il va nous rendre la poésie des champs et
l'impression profonde des Heures : le Malin, avec les tendresses de ton des nuages rayés de lueurs
rosées ;

L'heure chaude du Midi et le repos des moissonneurs.

Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,

Tombe en nappe d'argent des hauteurs du ciel bleu.

Le Soir mélancolique et silencieux ; il semble que peu à peu des voiles noirs, légers
d'abord, puis plus épais, tombent un à un et enveloppent la terre. La lisière de la forêt est
incertaine, est-ce un arbre, est-ce la silhouette indécise d'une meule ou le toit de la ferme
qui se détache sur le ciel ?

Prends garde de choir,
La terre le soir
Est brune;

la Nuit, recueillie, paisible, pleine de vagues bruits qui ressemblent à des soupirs.

Voyez ! la lune monte à travers le feuillage !
Ton regard tremble encor, belle reine des nuits.

Ce regard qui tremble encore, ces impressions indicibles, et surtout ce scintillement de l'astre
nocturne, qui ne semblent point du domaine de la peinture et qui nous portent à appeler à
notre aide les plus grands noms de la poésie, Millet les a rendus mieux que personne dans le
Parc aux moutons.

Nous ferons plus tard les restrictions qu'exige le jugement sincère qu'on doit porter sur
 
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