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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Guiffrey, Jules: Le pensionnaire de l'Académie de France à Rome
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0189
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LE PENSIONNAIRE DE L'ACADÉMIE DE FRANCE A ROME. 171

héritiers. Mais ces exemples sont des exceptions, et d'ailleurs ce ne fut que grâce à la faveur royale
et par suite des grands travaux dont ils furent chargés, que ces privilégiés s'élevèrent au-dessus de la
condition ordinaire de leurs confrères.

L'ambition de tout jeune homme était donc d'entrer le plus tôt possible à l'Académie, d'obtenir ce
brevet de peintre du roi qui ouvrait pour ainsi dire la porte à toutes les distinctions, à toutes les faveurs,
aux récompenses de toute nature, aux pensions, aux commandes, aux places bien rétribuées. Or le plus
sûr moyen d'arriver, et d'arriver vite, au titre d'académicien, était de remporter le prix de Rome. Le
lauréat était certain de trouver dès son retour une bienveillante disposition à l'admettre d'emblée dans
la compagnie. Habitué de longue date à l'exacte discipline de la maison paternelle, puis de l'école, il
trouvait presque une émancipation à partir, à voyager seul, à visiter sur son chemin des pays et des
chefs-d'œuvre inconnus, fût-ce pour aller accepter la loi, les conseils et môme les réprimandes d'un
nouveau maître. D'ailleurs ce maître, qui vivait bien plus intimement alors avec ses élèves qu'il ne le
peut faire aujourd'hui, le nouveau venu le connaissait le plus souvent; c'était presque un ami. Il
retrouvait aussi là-bas des camarades avec lesquels il avait longtemps travaillé, et qui formaient pour
ainsi dire une famille étroitement unie dans leur nouvelle patrie.

Le nouvel arrivé, habitué à considérer la pension qu'il recevait comme une pure libéralité du roi
qui pouvait aussi bien la reprendre que la donner, sachant très-bien en outre qu'après son retour à
Paris il ne trouverait à travailler, c'est-à-dire à vivre, qu'au service du roi, acceptait sans difficulté les
conditions qu'il plaisait au roi de mettre à ses bienfaits.

Louis XIV, voulant affranchir la France du tribut qu'elle payait aux artistes et aux artisans italiens,
n'avait rien trouvé de mieux que d'envoyer ses sujets demander à la terre classique des arts les leçons
que ses enfants allaient jadis répandre dans les pays étrangers. Mais aussi les artistes habiles qui
obéissaient à ses ordres étaient-ils assurés de trouver ensuite auprès de lui l'emploi de leurs talents.
Les travaux ne manquèrent jamais aux peintres, aux sculpteurs, ni aux architectes pendant la
seconde moitié du xvii1' et tout le xvm* siècles. Les châteaux de Versailles, de Marly, de Trianon, de
Choisy, les Invalides, l'Ecole militaire et vingt autres monuments publics offraient à tous l'occasion de
montrer leur mérite. Ceux qui se signalaient dans ces concours solennels obtenaient, en récompense
de leur talent reconnu, le titre de Premier Peintre, la direction des Gobelins, de Beauvais et plus tard
de Sèvres; les moins favorisés ou les moins habiles avaient cependant leur part; à eux, les ateliers du
Louvre, les pensions viagères ou les gratifications ; à eux, la décoration des églises, des tombeaux, la
commande des statues royales pour toutes les villes de France. Mais tout se faisait par le roi et pour
le roi. Il était donc naturel de pousser les jeunes gens dans la voie dont ils ne devaient pas s'écarter de
toute leur vie. Cette discipline rigoureuse, qui leur était appliquée dès leur jeunesse, les suivait dans
l'âge mûr. Le talent, le succès même, ne les affranchissaient pas. Et si l'Académie était tentée d'opposer
quelques molles résistances aux volontés ou aux caprices du souverain, elle ne tardait pas à s'en
repentir. L'exemple de l'Académie d'architecture, suspendue pour avoir repoussé une créature de
M. de Marigny, est là pour le prouver.

Il semble donc naturel qu'un jeune artiste, qui attendait tout de la bienveillance royale, se
préoccupât avant tout de l'obtenir et ne songeât pas à s'élever contre des règlements qui le menaient
doucement à une position, sinon brillante, du moins assurée.

Sans doute les établissements que nous avons cités existent encore et offrent aux vétérans des
luttes artistiques une retraite honorable; mais le nombre de ces situations enviées est resté le même,
s'il n'a pas diminué, tandis que le nombre des peintres et des sculpteurs devenait dix fois, vingt fois
plus considérable.

Maintenant vous laissez un jeune homme s'engager dans une voie sans issue, si l'État n'est pas
toujours à ses côtés, prêt à lui venir en aide. Pour obtenir l'honneur, si disputé aujourd'hui, de porter
le titre de pensionnaire de la villa Médicis, il lui faut travailler cinq ans, dix ans dans ce but exclusif.
S'il échoue ou si, après plusieurs insuccès, il prend bravement son parti et se jette résolument dans la
mêlée, je ne le plains guère, surtout s'il a du talent; car il peut faire son chemin tout seul, et beaucoup
de ceux qui n'ont pas réussi dans les concours du prix de Rome sont parvenus plus vite à la renommée
que leurs contemporains couronnés.
 
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