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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Sarcey, Francisque: De la mise en scène, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0200
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l02

L'ART.

Voyez-le, au jour de l'an, entrer dans les magasins de librairie, où étincellent les tranches dorées
des livres d'étrennes. Parmi les ouvrages illustrés, quels sont ceux qu'il achète de préférence? Vous
le verrez toujours prendre ceux dont le texte est insignifiant et banal, que l'on n'a aucune envie de lire,
qu'on feuillette page à page en regardant les gravures. C'est qu'il le sait bien, avec ces sortes de
livres, l'illustration est le principal et le texte n'est que l'accessoire. Ce sont, comme disent les enfants,
des livres à images. Toutes les fois que les éditeurs ont pris, pour l'enrichir d'illustrations très-nom-
breuses, une œuvre remarquable, ils ont échoué ; ils ont, pour me servir du mot consacré, bu un
bouillon. Le public se révoltait à cette idée que, dans un ouvrage de génie, ce fût le peintre qui prît le
pas sur l'écrivain, le dessin sur le texte. Quand on veut illustrer Manon Lescaut, Paul et Virginie, ou
quelque autre œuvre de ce genre, il faut le faire avec discrétion ; un petit nombre de jolies vignettes
reproduisant les situations principales et les expliquant aux yeux; quelques culs-de-lampe par-ci
par-là et c'est tout. Si les gravures tirent l'œil, si elles détournent trop l'attention du texte, si elles
n'invitent pas à y revenir, en y ajoutant un commentaire lumineux, elles rebutent le lecteur. L'acces-
soire étouffant le principal, il se produit en lui un je ne sais quel sentiment de disproportion dont il
souffre. Ce même livre, qu'il aurait prisé tout nu et sans gravure, il le rejette illustré, et précisément
parce qu'il est trop abondamment illustré.

C'est l'histoire du théâtre. Il y a des pièces qui se donnent franchement pour ce qu'elles sont
en réalité, des pièces à spectacle. C'est le nom sous lequel on les connaît le plus communément. Elles
ressemblent aux livres illustrés, qui sont faits pour l'illustration. Là, on ne tient qu'un compte médiocre
du texte. Je ne veux point dire qu'il soit absolument inutile que le dialogue amuse ou ennuie; non,
ce détail a bien son importance ; mais ce n'est qu'un détail. Quand le public entre dans un théâtre
qui l'a convoqué pour une féerie ou pour tout autre spectacle de ce genre, il y arrive avec l'inten-
tion formelle de tourner, page à page, les feuillets d'un ouvrage merveilleusement illustré. On fait
passer sous ses yeux les cortèges et les ballets, il ne s'embarrasse point si toutes ces fêtes du regard
ont quelque rapport à l'action du drame. Sait-il seulement s'il y a une action? il est venu là pour
repaître ses yeux de beaux spectacles. Si donc les décors sont peints avec goût, si les costumes sont
beaux et harmonieux, si le jeu des machines est imprévu et divertissant, si la mise en scène est
variée et splendide, le théâtre a compagnie. Le texte, à vrai dire, ne comptait pas.

Ce n'est pas cependant que ce soit chose si aisée de fabriquer une féerie. Il faut, pour mettre en
mouvement tous ces chœurs dansants, pour ouvrir au machiniste et au décorateur des espaces bien
appropriés, pour trouver à tous ses déploiements de mise en scène des prétextes ingénieux et nou-
veaux qui en paraissent le cadre naturel, il faut un génie particulier que ne possèdent pas toujours
des hommes très-capables d'écrire un drame admirable. Ce n'est pas le cas de dire ici qui peut le plus
ne peut pas le moins. Augier et Dumas fils n'auraient peut-être pas composé les Pilules du Diable,
Molière a excellé dans cette partie de l'art comme dans toutes les autres.

Quand une œuvre de théâtre ne s'annonce pas d'avance pour être une pièce à spectacle, quand
elle affiche la prétention d'être un vrai drame ou une comédie sérieuse, il est tout naturel en ce cas
que le texte reprenne son importance, et que l'illustration perde de la sienne ; ou plutôt que l'illus-
tration ne soit plus que ce qu'elle doit toujours être, le commentaire vivant de l'idée.

On se trompe souvent, dans le monde, sur le vrai ssns de ce mot si fréquemment employé : la
mise en scène. Beaucoup de gens n'entendent par là que cet ensemble d'effets décoratifs, arbitraires et
surabondants, de cortèges, de processions, de ballets, de tableaux vivants, de poses plastiques,
d'exhibitions quelconques enfin, telles que meutes aboyantes, lions rugissants, éléphants portant des
palanquins, chevaux, ânes ou mulets attelés ou non attelés, tous les déploiements de spectacle, en
un mot, dont un directeur aux abois bouche les trous de l'action dans un drame trop pauvre.
Ce n'est pas là, sachez-le bien, la vraie mise en scène.

La vraie mise en scène fait partie intégrante de la pièce qui doit être représentée. Laissons
parler sur ce sujet un homme qui, ayant été longtemps directeur de théâtre, et directeur fort
hibile, M. Charles de la Rounat, a monté beaucoup de drames et de comédies, et sait le métier
à fond:

« Mettre en scène, dit-il, c'est transporter dans une représentation matérielle et vivante la créa-
 
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