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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Sarcey, Francisque: De la mise en scène, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0269

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DE LA MISE EN

SCÈNE

Cette exagération de la mise en scène eut sur l'exploitation des théâtres des effets bien
funestes, qui ne tardèrent pas à se faire cruellement sentir. Jadis il en coûtait assez peu pour
monter une pièce, même importante. Il est bien entendu que j'excepte les féeries, qui forment
un genre à part. Le drame, quel qu'il fût, se passait presque toujours dans le même décor;
ou si l'auteur avait cru devoir rompre l'unité de lieu, on se contentait aisément soit d'un salon,
soit d'un jardin, soit d'une forêt, qui avait déjà servi,'et qui, avec quelques retouches, pouvait
resservir encore. L'attention du public n'étant pas appelée spécialement sur le détail, le directeur
n'en tenait compte que dans une certaine mesure; il reportait tous ses soins sur l'interprétation.

De même pour les costumes. On était assez coulant sur cet article. Le temps n'est
pas encore très-loin — nous l'avons vu en notre première jeunesse — où la comédie la plus
longue n'exigeait qu'une robe et qu'une coiffure pour ses cinq actes! Que dis-je! il y avait
des conventions admises par le public, qui facilitaient singulièrement cette partie de la mise
en scène. Une robe blanche, une simple robe de mousseline, — ô sainte mousseline! —
suffisait à l'ingénuité. Une ceinture de couleur, qu'on y ajoutait, marquait que la robe était
de cérémonie. Avec 100 francs, on s'en tirait; et ces toilettes, une fois qu'elles avaient été
portées au théâtre, étaient encore d'usage à la ville.

On comprend combien cette frugalité de l'antique mise en scène rendait l'exploitation
des théâtres moins onéreuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Aussi les places étaient-elles bien
meilleur marché. Je ne suis pas déjà si vieux; je me rappelle encore qu'en ma jeunesse les
petits ménages allaient couramment au spectacle sans le moindre apprêt.
Le soir, à table, au milieu du dîner, la femme disait :
« Tiens! qu'est-ce qu'on joue donc aujourd'hui? »
On consultait le programme des spectacles :
« Tiens! si nous allions là! »

Aussitôt dit, aussitôt fait; on hâtait le café; la femme passait vivement un chapeau, et
l'on s'en allait de son pied léger au théâtre choisi. Si l'on n'y trouvait pas de place, on se rabattait
sur un autre théâtre ; on connaissait déjà la moitié du spectacle , mais un acte nouveau
suffisait. Les places coûtaient si bon marché : trois francs, quatre francs au plus; et si
par hasard on ne s'amusait pas autant qu'on l'avait espéré, on n'avait pas trop regret à l'argent
dépensé.

Toute cette classe de spectateurs a été, dans ces vingt-cinq dernières années, éloignée
du théâtre qui est devenu un plaisir infiniment trop coûteux. Ne me dites pas que c'est un des
effets du renchérissement universel des objets de consommation. Cette cause générale a eu sa
part d'action sans doute, mais il en est une autre particulière au théâtre, dont le pouvoir s'est
fait sentir avec bien plus d'énergie.

Et quelle est cette cause ?

La manie des mises en scènes somptueuses. Songez que, pour toute pièce un peu impor-
tante, il n'y a pas de directeur qui ne se croie obligé à des frais énormes. Je ne parle pas
seulement des pièces, dites pièces à spectacle, qui ont, hélas ! au grand détriment de l'art,
envahi la plupart de nos théâtres ; mais un simple drame ne va plus sans cinq ou six déco-
rations magnifiques, dont une au moins doit avoir un cachet particulier, et, comme on dit, faire

t

courir tout Paris.

C'est qu'en effet les théâtres ne peuvent plus vivre, à cette heure, qu'en faisant courir

I. Voir pages 181 et 200.
 
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