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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Chronique de l'Hôtel Drouot
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Nécrologie
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0361

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336

L'ART.

le faire en traitant de cette question vitale avec toute l'attention
qu'elle réclame. Nous ignorons si des divisions se sont produites
en moins d'un an parmi les sociétaires, toujours est-il que l'expo-
sition du boulevard ne s'est pas renouvelée et qu'il n'en est pas
jusqu'ici question pour cette année; c'est là un fait profondément
regrettable ; il pourrait en effet réagir sur les dispositions d'autres
groupes à se constituer dans le but de faire enfin leurs affaires
eux-mêmes comme les font si bien les artistes anglais, pour ne
parler que de nos voisins d'outre-Manche.

Quatre des exposants des anciens Salons de Nadar ont jugé
qu'ils ne devaient pas, en tout cas, abandonner la partie et il
faut les en louer. Ce sont M,w Berthe Morisot, MM. Claude
Monet, A. Renoir et A. Sisley. Ils ont transformé pendant
quarante-huit heures la salle n° 3 de l'hôtel Drouot en exposi-
tion à leur usage personnel, et le troisième jour Me Charles
Pillet, assisté de M. Durand-Ruel, expert, a adjugé les soixante-
treize tableaux, — nous disons tableaux par courtoisie, —
aquarelles et pastels sur lesquels le public avait été appelé à se
prononcer. Rien de plus correct, rien de plus digne d'encoura-
gement que cette libre manifestation en tant que manière de pro-
céder. Nous ne saunons trop hautement regretter que ceux qui
ne professaient qu'une admiration essentiellement négative pour
les œuvres mises en vente, ne l'aient pas compris et ne se soient
point bornés à protester par leur absence ; contribuer le plus
possible à faire le vide, c'était leur droit ; au lieu de cela, la
salle était littéralement bondée et les enchères ont été plus d'une
fois troublées par de fâcheux écarts en tout temps d'un goût
douteux et cette fois tout particulièrement blâmables, puisqu'on
oubliait que parmi ceux à qui s'adressaient ces sarcasmes, il y
avait une femme, une femme très-remarquablement douée,
nous n'hésitons pas à le reconnaître. Naturellement un petit
camp s'est constitué en opposition à ces troubles-fêtes ; à côté
des critiques sérieux qui soutenaient le bon droit des quatre
artistes à se présenter directement au jugement raisonné du
public, on ne pouvait voir sans sourire quelques braves gens
bien forts en matière de denrées coloniales, de calicot ou de
flanelle, se pâmer pour poser en connaisseurs, devant les plus
informes barbouillages ; nous avons entendu l'un d'eux parler du
génie de M. Claude Monet et prononcer, à propos des ignorantes
aberrations de ce peintre, le grand nom de Turner, un génie
celui-là et l'un des plus illustres, à coup sûr le plus original de
l'art moderne. Il nous a fallu tout notre calme et notre connais-
sance de ce que valent tant de pseudo-collectionneurs qui ne sont
que des spéculateurs vulgaires, pour laisser l'un d'eux démontrer
niaisement que Rousseau n'avait désormais qu'à bien se tenir ;
il est vrai que les Théodore Rousseau, ces pages immortelles,
sont pour ce monde-là les raisins de la fable.

Pour en revenir aux quatre vendeurs, l'acte qu'ils ont posé
et que nous approuvons, leur donne droit à la vérité tout entière
de la part de la critique; nous ne sommes pas de ceux qui use-
ront de périphrases pour la leur dire. De tableau, il n'y avait
pas trace parmi les œuvres soumises au public; un tableau
exige des qualités de composition, de dessin, de modelé, en un
mot tout le savoir qui constitue l'artiste ; sinon nous ne nous
trouvons qu'en présence d'impuissants ayant des aspirations
qu'ils sont incapables de réaliser. Commencer par des pochades,
c'est de toutes les erreurs la plus grossière; c'est par là qu'on
finit, si 1 on veut que des pochades vivent ; quand les grands
maîtres ont jeté sur la toile de ces inspirations de premier jet
volontairement inachevées, ils leur ont assuré l'immortalité uni-
quement parce que nous retrouvons dans ces productions, en ap-
parence si peu faites, toute leur science qui même nous apparaît
plus grande dans ce déshabillé, et notre admiration n'en est que
d'autant plus vive; ce que l'on vient de nous exhiber brille au
contraire par une ignorance radicale des lois éternellement
élémentaires de l'art.

Nous nous abstiendrons au sujet de MM. Sisley et Claude
Monet, on ne discute pas le néant; quant à M. Pierre-Auguste
Renoir, il était permis, au boulevard des Capucines, de le regar-
der, en dépit d'innombrables défauts, comme une espérance.
Tels que ces messieurs se sont montrés à Drouot, ils ont sim-
plement tout à apprendre; on objectera qu'ils ont vendu de
leurs tableaux deux et trois cents francs; ils en ont même vendu
à cinquante. Qu'ils progressent réellement, qu'ils parviennent à
montrer qu'il y a en eux quelqu'un ailleurs que dans les charges
d'ateliers et de brasseries, et nous les défendrons de tout notre
pouvoir, et nos encouragements leur seront acquis comme à tous
les jeunes gens qui luttent dans une voie sérieuse, dans une voie
vraiment artistique. Pour ce qui est de leurs œuvres actuelles,
nous les verrons revendre un jour cinquante francs le tas ; alors,
s'ils sont parvenus à dégager quelque talent de leurs informes
bégaiements d'aujourd'hui, ils seront les premiers à rire de leurs
incartades passées et à les proclamer du pur vandalisme.

Reste M"" Berthe Morisot, une transfuge, —inconsciente sans
doute, — mais une transfuge certaine, n'en doutez pas un in-
stant. Cette jeune femme possède une fleur de coloris d'une dis-
tinction suprême; sous ce rapport elle est douée. Quand on l'est
à ce point, madame, on se hâte de fausser compagnie à ceux
parmi lesquels vous vous êtes fourvoyée; apprenez bien vite tout
ce qui vous manque; intelligente comme vous l'êtes, cela vous
sera plus aisé qu'à personne et vous devez être, nous le gage-
rions, la première à le désirer ardemment. Qu'il soit donc fait
ainsi, et, au lieu de nous permettre de vous donner des conseils,
nous vous tresserons des couronnes.

NECROLOGIE

— Mélingue, le plus populaire des comédiens du boule-
vard, vient de mourir, à Paris, d'une attaque d'apoplexie
nerveuse. Né à Caen en 1812, il vint jeune à Paris et tra-
vailla d'abord comme sculpteur à l'église de la Madeleine.
Entraîné par le démon du théâtre, il parcourut la province ;
il joua même à la Guadeloupe, puis, après avoir passé quel-
que temps à la maison paternelle, il revint à Paris, où il fut
engagé à la Porte-Saint-Martin.

Avec Mélingue disparaît l'un des derniers types de l'an-

cien drame de cape et d'épée, où les grandes audaces et le
entreprises héroïques, mêlées aux grands coups de rapière,
enlevaient les foules.

Mélingue a obtenu une médaille pour la sculpture au
Salon de Paris où il a plusieurs fois exposé, notamment
Y Histrion, un Improvisateur italien et sa statuette d'He'Oe
qu'il refaisait chaque soir dans le drame de Benvenuto Cel-
lini.

Ses obsèques ont été célébrées lundi 29 mars.

U Gérant. HIPPOLYTE HEYMANN.
 
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