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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 1.1875 (Teil 1)

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Yriarte, Charles: Fortuny, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16670#0417
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les exécuteurs des hautes œuvres restent immobiles, accroupis sur les tapis, en proie au spleen
lumineux de l'Orient.

.Mais je reviens au Poêle. Fortuny, comme nous l'avons dit, avait fait deux études de jardin, l'une
d'après le sien propre, l'autre dans celui de Don Rafaël Contreras. Il imagina un poète qui fait répéter
un rôle à une actrice et un public très-restreint qui, placé à distance, juge de l'effet de cette répétition
en plein air, dans cette huertaluxuriante, pleine de lumière et de soleil. Les costumes appartiennent encore
au xvm' siècle, le groupe du poëte et de la tragédienne est dramatique de geste, tandis que celui des
amateurs est sobre et contenu. Il serait curieux de savoir quel est le lien, l'association des idées qui a
pu produire cette composition singulière qui éveille la pensée et pique assez notre curiosité pour que
nous nous préoccupions à ce point de l'origine. Quelque poëte espagnol a-t-il fait une lecture dans un
jardin, et Fortuny a-t-il brodé sur ce thème-là? A-t-il assisté à Rome a une scène de ce genre? Fst-ce
le résultat de quelque lecture, de quelque récit, une impression fugitive qui a éveillé sa pensée? Nous
l'ignorons, mais en tout cas nous retenons deux choses : le fond est connu, il est réel et il est le point
de départ, et pour la première lois peut-être Fortuny, par ce sujet qui a quelque chose d'étrange,
d'indécis, de rêvé, éveille notre pensée et nous emporte an delà.

Une autre étude sur nature intitulée « Los Cerdos, les Porcs », qui représente un intérieur de
basse-cour à Grenade, est restée en la possession de l'artiste et passe auprès des peintres du Cénacle
pour son_ chef-d'œuvre. Ce fond, très-intéressant dit-on, fût devenu sans doute aussi vin prétexte à
quelque œuvre nouvelle.

Nous avons parlé au commencement de cette étude de l'habileté de main de Fortuny et de son
adresse incomparable ; il a exécuté quelques objets tels que niellures, pommeaux d'épée, travaux de fine
orfèvrerie qu'on pourrait comparer aux belles choses de l'école italienne et de l'école espagnole. Un
artiste, qui est regardé comme un homme de la plus haute compétence en cette matière, M. Edouard
de Beaumont, a eu dans la main un pommeau d'épée exécuté par Fortuny et il déclare que l'œuvre est
digne des maîtres. L'artiste donna à Grenade une preuve singulière de ce goût particulier pour les tra-
vaux manuels qui se rattachent aux arts du dessin; il voulut exécuter lui-môme un grand vase en
repoussé de cuivre rouge ajouré, dans la forme d'une lampe de mosquée, et, avec l'aide de son ami le
peintre Tapiro, il consacra un certain temps à l'exécution qui réussit à souhait. Il avait étudié les des-
sins d'abord, puis les procédés chimiques d'exécution; son outillage à Rome était des plus restreints,
il avait à peine les outils indispensables, et cependant il arrivait à de très-curieux résultats; on en
pourra juger d'ailleurs le jour où on vendra publiquement tout ce qu'il laisse après lui.

Il ne reste plus que deux années d'existence à cet artiste si jeune, si fortement constitué morale-
ment et physiquement, et que sa nature même met à l'abri des mélancolies profondes, des agitations
secrètes et tumultueuses qui, ici-bas, abrègent souvent la vie de ces hommes qui remuent des idées,
font jaillir de leur cerveau des étincelles qui illuminent les ténèbres où vivent les autres hommes, et
meurent parfois à la fleur de l'âge parce qu'ils ont donné leur cœur en pâture à l'humanité. Dans For-
tuny rien de semblable, il est bien équilibré, et ce n'est point un rêveur ni un nébuleux; d'aplomb sur
le sol qu'il foule, il sait ce qu'il veut, il sait où il va et raisonne plus qu'on ne suppose : il a cependant
ses songes, il est doué d'une sorte d'imagination très-spéciale; dans la chambre noire de son cerveau,
il combine des couleurs et des effets comme d'autres combinent des pensées et improvisent des scéna-
rios. Un jour, par exemple, l'essai de ses pinceaux laisse sur le papier des taches bizarres; cette palette
de hasard frappe ses yeux et éveille sa pensée; il voit là des harmonies singulières et'il exécute une
très-curieuse aquarelle, « la Mascarade », où, dans un Pincio idéal OU un coin rêvé de quelque villa
Albani qui n'a jamais existé, un groupe de masques, qui n'ont ni patrie ni histoire, viennent faire le
décaméron à l'ombre d'arbres dont les feuilles sont des taches et les troncs sont des valeurs. Sur le
premier plan, de grands cygnes colorent de leur duvet blanc les ondes noires et bleuâtres d'un bassin;
c'est à la fois étrange et séduisant, et d'un coloriste très-délicat qui ne pouvait sans doute pas
conduire son rêve jusqu'au bout et en faire une réalité picturale. Mais ceux qui aiment la peinture
savent tout le charme qu'on trouve dans certaines esquisses que la pensée achève et complète, et
où le spectateur se prend à voir un monde de choses qui flottent au gré de son imagination.

La dernière période de la vie de Fortuny est certainement celle où il eut le plus d'audace; il était

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