324 L'ART.
d'hommes, les Égyptiens ont exagéré d'une façon particulière la barbiche, qu'ils faisaient descendre
toute droite et carrément jusqu'au thorax, de manière à servir de tenon. En même temps pourtant
ils la modifiaient dans sa forme, en supprimant la difficulté qu'aurait causée l'extrémité qui, comme
on le voit dans les bas-reliefs et les papyrus, se redresse en finesse et est dégagée du cou; ils ont
aussi éliminé le travail qu'aurait nécessité le cordon qui servait à attacher la barbe.
La coiffure, quelquefois très-haute et très-mince d'épaisseur, comme celle en forme de disque,
et qui aurait été très-délicate au travail, est toujours soutenue par derrière sur presque toute sa
largeur. Toute la figure elle-même est engagée postérieurement dans un pilier plus ou moins épais,
destiné à lui donner de la solidité et à diminuer la quantité de matière à enlever. La présence de ce
pilier et la raideur architecturale des figures debout, les bras le long du corps, une jambe en avant,
pose adoptée le plus souvent pour les cariatides (comme celles du Pandrosium à Athènes), pourraient
faire croire que la première idée de ces figures vient de statues adossées à la porte d'un temple,
comme on en trouve tant d'exemples.
Ce serait là une erreur, et il suffit pour s'en convaincre d'examiner attentivement les figures et
surtout leurs piliers de renfort. Si, en effet, ces piliers avaient dû être adossés à un monument quel-
conque, il est clair que leurs faces postérieures eussent dû être brutes ou au moins dénuées d'orne-
Égyptiens polissant un bloc de granit.
Peinture de l'abasse de Thèbes.
ments. Or, tout au contraire, on constate que très-souvent une inscription est gravée sur toute la
surface postérieure de ce contre-fort, autour duquel par conséquent on devait pouvoir circuler.
Nous en avons un exemple curieux au Louvre, dans la statue de Séti II (A, 24), déjà citée par nous.
Le colosse est de grès rouge, substance très-tendre, la figure très-allongée, surtout par un long
sceptre et une tiare très-haute; aussi le tout est-il consolidé par un pilier qui porte une inscription à
la partie postérieure, et qui, par sa hauteur et sa forme, a tout à fait le caractère d'un obélisque
adossé à la statue. Cette forme particulière est-elle due au désir d'offrir une forme simple pour le
travail, heureuse de lig ne, livrant un champ vaste aux inscriptions ? Ou bien l'auteur de la statue
a-t-il seulement eu l'idée de donner au pilier un aspect intéressant? Nous l'ignorons, mais nous
penchons pour la première hypothèse.
Cette particularité du sceptre, dans la figure de Séti II, est très-importante, et, certainement,
cet ornement ne fut ajouté à la sculpture que parce que la matière très-tendre permit de le faire.
De telles complications et de telles difficultés de travail sont soigneusement évitées dans les
monuments en pierres dures, et quoique le sceptre fût peut-être l'attribut égyptien le plus important,
les artistes se sont contentés, pour éluder la difficulté et gagner du temps, de mettre, si la figure
était assise, les mains sur les genoux, et si elle était debout, de laisser tomber les bras le long du
d'hommes, les Égyptiens ont exagéré d'une façon particulière la barbiche, qu'ils faisaient descendre
toute droite et carrément jusqu'au thorax, de manière à servir de tenon. En même temps pourtant
ils la modifiaient dans sa forme, en supprimant la difficulté qu'aurait causée l'extrémité qui, comme
on le voit dans les bas-reliefs et les papyrus, se redresse en finesse et est dégagée du cou; ils ont
aussi éliminé le travail qu'aurait nécessité le cordon qui servait à attacher la barbe.
La coiffure, quelquefois très-haute et très-mince d'épaisseur, comme celle en forme de disque,
et qui aurait été très-délicate au travail, est toujours soutenue par derrière sur presque toute sa
largeur. Toute la figure elle-même est engagée postérieurement dans un pilier plus ou moins épais,
destiné à lui donner de la solidité et à diminuer la quantité de matière à enlever. La présence de ce
pilier et la raideur architecturale des figures debout, les bras le long du corps, une jambe en avant,
pose adoptée le plus souvent pour les cariatides (comme celles du Pandrosium à Athènes), pourraient
faire croire que la première idée de ces figures vient de statues adossées à la porte d'un temple,
comme on en trouve tant d'exemples.
Ce serait là une erreur, et il suffit pour s'en convaincre d'examiner attentivement les figures et
surtout leurs piliers de renfort. Si, en effet, ces piliers avaient dû être adossés à un monument quel-
conque, il est clair que leurs faces postérieures eussent dû être brutes ou au moins dénuées d'orne-
Égyptiens polissant un bloc de granit.
Peinture de l'abasse de Thèbes.
ments. Or, tout au contraire, on constate que très-souvent une inscription est gravée sur toute la
surface postérieure de ce contre-fort, autour duquel par conséquent on devait pouvoir circuler.
Nous en avons un exemple curieux au Louvre, dans la statue de Séti II (A, 24), déjà citée par nous.
Le colosse est de grès rouge, substance très-tendre, la figure très-allongée, surtout par un long
sceptre et une tiare très-haute; aussi le tout est-il consolidé par un pilier qui porte une inscription à
la partie postérieure, et qui, par sa hauteur et sa forme, a tout à fait le caractère d'un obélisque
adossé à la statue. Cette forme particulière est-elle due au désir d'offrir une forme simple pour le
travail, heureuse de lig ne, livrant un champ vaste aux inscriptions ? Ou bien l'auteur de la statue
a-t-il seulement eu l'idée de donner au pilier un aspect intéressant? Nous l'ignorons, mais nous
penchons pour la première hypothèse.
Cette particularité du sceptre, dans la figure de Séti II, est très-importante, et, certainement,
cet ornement ne fut ajouté à la sculpture que parce que la matière très-tendre permit de le faire.
De telles complications et de telles difficultés de travail sont soigneusement évitées dans les
monuments en pierres dures, et quoique le sceptre fût peut-être l'attribut égyptien le plus important,
les artistes se sont contentés, pour éluder la difficulté et gagner du temps, de mettre, si la figure
était assise, les mains sur les genoux, et si elle était debout, de laisser tomber les bras le long du