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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 1,1.1898/​1899

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No. 2 (Novembre 1898)
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L' art français moderne
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https://doi.org/10.11588/diglit.34201#0067

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L’ART FRANÇAIS MODERNE
M. JOSSOT
L’artiste singulier qu’est M. Jossot étonnerait
partout; mais il ne pouvait apparaître plus
étrange nulle part que dans son propre pays,
tant son art contraste avec le milieu et donne
une note bizarrement détonnante dans l’en-
semble des productions de la France.
Car l’œuvre de M. Jossot est tout ce qu’on
peut imaginer de plus endehors du génie
français. D’abord, elle est essentiellement
«linéaire», nous voulons dire par là qu’elle
agit par la vision des lignes indépendamment
de toute impression de surface ou de modelé.
En d’autres termes, les lignes y jouent le rôle
d’éléments autonomes, au lieu de n’être que
les délimitations des surfaces, comme il en est
dans la généralité des œuvres de l’art français.
Ensuite, cet art «linéaire» de M. Jossot voit les
hommes sous un jour et leur fait parler une
langue auxquels aucun Français n’aurait jamais
pensé si M. Jossot n’existait pas.
M. Jossot ne se rattache par aucun lien
à cette école unique au monde de la carri-
cature française, qui commence à Daumier pour
finir à Forain. Daumier, Henri Monier, Ga-
varni et l’inoffensif Chain, comme aujourd’hui
Forain, Lautrec, Ibels sont des humoristes dont
le groupe forme, en somme, une des frac-
tions de l’école réaliste, et plus, celle dont la
vision des hommes et des choses est le plus
étroitement en communion avec le caractère
national. Mais M. Jossot n’est ni un humoriste,
ni un satirique; personne assurément ne prétendra
trouver l’ombre de ces manières d’être dans la
fameuse affiche des «Sardines Saupiquet» où cinq
célébrités parisiennes (pourquoi ces célébrités,
nul ne sait) dégustent des sardines sans la
moindre visée philosophique, sociale, ni morale;
l’intention gouailleuse même n’est pour rien

dans cette bizarre élucubration. Rien de tout
cela n’existe chez M. Jossot.
M. Jossot n’est pas un caricaturiste dans
le sens propre du mot. C’est un ornementiste.
Ses charges ne sont autre chose que des orne-
ments linéaires. Dans les visages, il ne voit
pas, comme d’autres, des états d’âme ou des
passions: la douleur, la joie, l’ennui, la vanité
n’existent point pour lui. C’est uniquement le
grotesque qu’il surprend, le grotesque qui, sous
son crayon, se résoud, on ne sait comment, en
arabesques.
Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que ce
tour d’esprit, si inattendu chez un Français,
n’est nullement voulu chez M. Jossot. C’est
son instinct. On a vu des artistes, Beardsley
et Bradley par exemple, chercher à s’assimiler
le goût des Japonais pour le grotesque; mais
malgré tout leur talent, il y a toujours quelque
chose de forcé, de pas naturel chez ces Occi-
dentaux quand leur crayon essaie d’obéir à
un instinct qui n’est pas de notre race.
M. Jossot, au contraire, «voit grotesque» par
nature. Il connaît le Japon, cela va sans
dire, mais les Japonais ne sont pour rien dans
son art; il l’a créé lui-même de toutes pièces.
Les Japonais lui en fournissent la justification,
rien de plus.
Aujourd’hui qu’un «art des lignes» est
dans l’air, les travaux de M. Jossot apportent
une contribution personelle a l’ornement nouveau
qui, il faut bien le dire, se contente trop facile-
ment de stylisations plus ou moins heureuses,
d’emprunts à l’exotique et d’habiles démarquages
de moyens anciens. Nous aurons plus d’une
fois encore l’occassion de le faire voir en publiant
d’autres travaux de M. Jossot, car le peu que
nous avons pu réunir dans ce numéro ne le
montre que très incomplètement.
Après avoir appliqué son talent à des pro-
ductions- simplement amusantes, telle son album


L’ART DÉCORATIF. No. 2.
 
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