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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 3,1.1900/​1901

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No. 28 (Janvier 1901)
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Jacques, G. M.: Paradoxes
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https://doi.org/10.11588/diglit.34205#0205

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JANVIER 1901

PARADOXES
Labusquière, qui déploie beaucoup de zèle
. pour l'embellissement de Paris et de l'édu-
cation artistique des masses, a déposé au Conseil
municipal une proposition ayant pour but d'amé-
liorer l'enseignement du dessin dans les écoles.
On en trouvera plus loin le texte et l'exposé des
motifs.
Cette proposition ne trouvera pas de contra-
dicteurs. Aujourd'hui, tout le monde comprend
que le dessin, autrefois considéré comme « art
d'agrément)), est un des plus grands, peut-être le
plus grand agent d'éducation. Banville a expliqué
cela dans un conte délicieux. Le poète y mettait
en scène un père préoccupé du bonheur de son
fils, et l'exerçant avant toutes choses au dessin,
pour que son œil apprît à scruter tous les secrets
des formes et que plus tard il n'y eût pas de
surprise dans le choix de la femme dont la beauté
devrait charmer sa vie.
Le but de la proposition de M. Labusquière est
aussi de former des générations plus aptes aux
travaux artistiques de l'industrie. Rien ne doit être
négligé pour que l'industrie française, menacée
par une concurrence étrangère toujours plus
active et mieux armée, puisse triompher de
celle-ci par la beauté de ses produits.
Rien de mieux. Mais cela suffit-il? Je ne crois
pas.
Si c'est au point de vue de l'art industriel qu'on
se place, la possession du dessin n'est pas le but,
comme on le croit communément. Elle n'est que
le moyen. On peut être très habile à dessiner
une tête, un groupe de personnages, un paysage,
des fleurs, on peut savoir faire vivre la nature
dans l'image, et montrer l'incapacité la plus ex-
trême à composer un bel objet. C'est même le cas
le plus fréquent.
Ce qu'il faut pour la composition dans l'art in-
dustriel, c'est avant tout de se rendre compte des
raisons pour lesquelles un objet peut être beau ou
laid. Qu'on ne prétende pas que dans l'apprécia-
tion de la beauté des objets, la justesse est ques-
tion de goût naturel, une qualité innée. C'est
une affaire de raisonnement et de bonne ou de
mauvaise éducation. Cela peut s'enseigner, et
devrait s'enseigner. C'est parce que personne ne
l'apprend que les objets laids forment l'immense
majorité dans la production d'art industriel. Avec
le petit savoir-faire du dessinateur des plus in-
fimes camelotes de bazars, l'homme qui sait ce
qui rend un objet beau ou laid fera des œuvres
honorables.
Il faudrait, en d'autres termes, qu'on expliquât
aux apprentis artistes industriels les lois de la
beauté des objets, et qu'on leur apprît à concevoir
leurs travaux d'après ces lois, et non sur des songes
creux.
C'est par là que la concurrence allemande vient

de se révéler redoutable. L'Allemagne nous a mon-
tré à l'Exposition un art lourd, morose, gourmé,
dont l'expression nous laisse froids, choque nos
instincts de Latins, mais supérieur au nôtre
par une haute raison qui commande le respect
en dépit des défauts. Pendant que nous nous
attardions à de sentimentales niaiseries, l'Alle-
mand studieux et dialecticien se posait sérieu-
sement le problème d'un art nouveau, le raison-
nait, le discutait, cherchait à remonter aux causes
et les trouvait.
Il, y a des branches d'art industriel —il faut nous
l'avouer! —, dans lesquelles nous nous montrons
d'une infériorité lamentable, avec tout notre goût
et toutes nos qualités aimables, tandis que l'Alle-
mand y triomphe, uniquement parce qu'au lieu
de faire au hasard la chose qui lui passe par la
tête, il a raisonné ce qu'il fallait faire et ne pas
faire, l'a trouvé, en a déduit des règles, suit un
plan méthodique. De l'œuvre ainsi faite émane une
haute expression d'ordre, qui satisfait. Et cette
expression d'ordre, ce n'est point par intuition
que l'Allemagne l'a trouvée! C'est en s'efforçant
à pénétrer les causes, puis en en vulgarisant la
connaissance.
Nous, nous en sommes à rabâcher un axiome
encore plus erroné que vieux. Un peu de nature
sur tout; le rappel de la nature partout, un petit
tableau de fleurs sur chaque objet, sur le plafond,
les murs, la table, la soupière et le cure-dent,
voilà l'art! On propose comme but à l'apprenti
décorateur de faire luire dans l'âme du monsieur
retirant ses chaussures un reflet de l'émotion res-
sentie dans les champs, tandis qu'il contemple
son tire-botte. Hélas! Et que l'on comprend, de-
vant cette niaiserie, que des révoltés en soient
venus à proscrire toute représentation naturelle
dans l'objet, et à ne lui accorder pour parure que
leurs maigres réseaux de lignes grimaçantes!
Est-ce qu'il ne se trouvera pas quelqu'un pour
enseigner cette vérité si simple qu'on ne peut être
à la fois oiseau et page du roi ; que l'émotion
en face de la nature et l'intérêt que les objets
peuvent éveiller en nous sont deux sentiments
d'ordre différent et sans rien de commun; qu'on
ne peut superposer l'un à l'autre; que toute tenta-
tive en ce sens conduit directement à diminuer
le second, d'abord en troublant la vision d'où doit
découler l'intérêt par une autre vision, ensuite et
encore plus, en remplaçant les traits qui fortifie-
raient la première par d'autres qui l'affaiblissent;
que si l'on choisit pour décorer l'objet des motifs
tirés de la nature — et c'est ordinairement ce
qu'on a de mieux à faire, car il est difficile de
tirer de notre fonds des motifs qui puissent lutter
d'élégance avec ceux-là, — ils ne valent pas en
tant qu'imagé de la nature, mais uniquement
en raison de la vigueur ou de la délicatesse
avec laquelle les sources d'intérêt propres à
l'objet sont accusées ou renforcées par eux; que


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