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L' art décoratif: revue de lárt ancien et de la vie artistique moderne — 3,1.1900/​1901

DOI Heft:
No. 29 (Février 1901)
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Jacques, G. M.: Paradoxes
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https://doi.org/10.11588/diglit.34205#0254

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PARADOXES

'ART DECORATIF

yL se présente une occasion si belle d'expliquer
j par l'exemple ce que je voulais dire l'autre
mois, qu'on me pardonnera de revenir sur le
sujet.
L'exemple est éclatant. Il est fourni par les
orfèvreries de Cardeilhac, pièces superbes, la
noblesse et le goût même, sur lesquelles les musées
étrangers sont « tombés ') à l'envi. Plusieurs sont
reproduites dans ce numéro.
Pour ma démonstration, j'opposerai le décor de
la plupart des pièces d'orfèvrerie usagère vues
dans la section française de l'Exposition à celui
des pièces de Cardeilhac.
Dans les premières, une fleur, une branche, un
assemblage d'éléments pris dans la flore est pré-
senté sur la surface du vase métallique. Cela est
plus ou moins heureusement dessiné, jeté plus
ou moins adroitement sur le fond. Tantôt l'auteur
traduit la nature littéralement, tantôt il « stylise ",
« interprète ", c'est-à-dire qu'il simplifie, régularise,
assujettit fleurs, feuilles et tiges à son gré. Dans
les deux cas, l'intérêt du décor est indépendant de
celui du vase ; l'un et l'autre intérêt ne s'incor-
porent pas, ils se superposent. D'un côté la satis-
faction que nous procure la vue de l'objet fabriqué
par l'homme s'il est proprement fait, de forme con-
venable et agréable; de l'autre, l'appel au plaisir
qu'éveille en nous la fleur, soit pur et simple, soit
mélangé de celui d'une fantaisie curieuse.
Or, je demande à toute personne sensée s'il
existe un rapport entre ces deux sentiments, la
satisfaction de l'objet bien fait et le ravissement
devant l'image de la fleur; et, par conséquent, s'il
y a la moindre possibilité de les faire naître et de
les entretenir en nous simultanément?
De deux choses l'une. Ou nous prenons plaisir
à la cafetière, ou nous sommes touchés par l'image.
Si c'est le premier, la fleur disparaît; si c'est le
second, la cafetière n'est plus qu'un fond quel-
conque, l'équivalent d'une toile ou d'un bloc de
plâtre.
Le décor floral ainsi compris, c'est-à-dire l'ap-
plication sur l'objet d'une image étrangère à son
essence, même transfigurée par la fantaisie, a
pour effet, dans le cas de l'ustensile, de trans-
former celui-ci en bibelot, de donner au nécessaire
le caractère de superfluité, de pervertir notre
sentiment de sa raison d'être. Quelque chose ne
vous dit-il pas ce qu'il y a là de choquant ?
Enfin, si le « décor-tableau de fleurs" est appliqué
systématiquement sur chaque objet d'un intérieur,
ainsi que cela se voit partout, l'intérêt fait place à
la nausée. Cela cesse d'être un décor; c'est aune
scie. "
Maintenant, reportons-nous aux illustrations des
orfèvreries de Cardeilhac. Prenons, par exemple,
la chocolatière a ancolie ". La forme de cet us'en-
sile se rapproche du cylindre; elle se rétrécit un

peu jusqu'à la naissance du bec pour, là, reprendre
le diamètre de la base par un léger renflement.
Ce galbe seul, étudié comme il l'est, suffisait à
donner un noble et bel objet. Qu'a fait l'artiste
pour l'enrichir ? Il a pris un motif naturel — nous
reparlerons de celui-ci tout à l'heure — et, sans souci
de son rapport à la nature, l'a employé d
/orwg. Tout son effort a porté là-dessus. Son décor
ne nous raconte pas qu'il y a dans les bois des
fleurs parfumées et des oiseaux qui chantent ; il
dit: «Voici l'assiette de ce vase; voilà l'épau-
lement qui rompt la ligne ", et rien d'autre. Mais
il le dit avec une autorité telle, que cette simple
constatation d'une particularité géométrique est
pour l'esprit et l'œil le contentement le plus grand
de tous ici.
Continuons. Ce motif naturel, détourné si loin
de sa fonction champêtre, qu'est-ce? Une feuille
d'ancolie. Presque nature. Pour peu, on la croirait
moulée sur la feuille cueillie à la tige. Hé ! stylisée
ou non, là n'était pas la question à cette place ! La
question, c'était qu'elle fût dessinée, modelée,
posée de la manière la plus propre au but :
l'accentuation de la forme. Le dessin de la
feuille, un élève de douze ans l'eût fait; l'ara-
besque avec laquelle il alterne, c'est presque le
zigzag primitif. L'artiste ne cherche pas à se
montrer grand dessinateur. Il est mieux : un
homme qui sait ce qu'il fait. C'est un cerveau
admirablement armé de raison, un esprit clair
qui ne se paie pas de mots et n'agit qu'ayant vu le
comment et le pourquoi de chaque point.
Je n'ai pas le plaisir de connaître M. Bonvalet,
auteur des projets de la maison Cardeilhac. J'i-
gnore s'il est un grand artiste; mais ce que je sais,
c'est qu'inviter les autres à s'exercer à penser
aussi juste que lui, c'est servir l'art et le pays.
Un ou deux autres exemples analysés rapi-
dement ne sont pas de trop. Dans la cafetière
« trèfle " les feuilles de cette plante font plus
qu'accuser la jonction des pieds et du bec avec
le corps; elles donnent le sentiment de conso-
lidation au point de paraître indispensables à
l'objet. Dans la chocolatière « chardon ", où le
galbe est le même que dans ta chocolatière
« ancolies, on retrouve l'indication de la base
et de l'épaulement avec, en plus, celle des
génératrices du volume (parlons géométrie ,
car ceci en est, Messieurs les épandeurs de
poésie bucolique jusque sur les casseroles!!,
des génératrices du volume par les tiges de la
plante. On constatera que l'effet est moins
parfait ici que dans la chocolatière « ancolie " ;
non à cause de la présence des génératrices du
tronc de cône, qui sont une idée excellente, mais
parce que les têtes de chardon, telles qu'elles sont
dessinées, impriment moins la vision du fait géo-
métrique (l'épaulement) et davantage celle des
détails de la fleur, étrangers à l'ustensile.

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