DOI Heft:
No. 32 (Mai 1901)
DOI Artikel:Thomas, Albert: Trois femmes artistes
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.34206#0088
MAI 1901
DEFRUMERIE ..MADONE.
TROIS FEMMES ARTISTES
A plusieurs reprises et très vilainement j'ai
Tx médit desfemmes artistes. Dans une exposi-
tion chez Hessèle, bien connu pour ses collec-
tions d'estampes et pour Fintérêt quhl a pris à
la question de l'eau-forte en couleur, je viens de
trouver une triple preuve de ma sévérité trop
grande: des scuiptures de de Frumerie,
des dessins de M^ Davids, des bijoux de
M^ Selmersheim. Je peux quitter avec joie une
attitude revêche dont aussi bien souffrait ma
galanterie.
Mme qg Frumerie est Suédoise et de là lui
vient peut-être son originalité. Les femmes du
Nord sont plus que les Françaises réfléchies et
décidées; elles ont Fhabitude de la spéculation,
de Tétude scientihque, de l'action personnelleet
joignent cependant à des qualités quasi viriles
je ne sais quoi de mystérieux, de frais et d'inal-
térablement jeune qui surpasse la coquetterie de
nos Parisiennes. Elles font aimer leur indépen-
dance, leur manière hardie de penser et de vivre,
elles séduisent par l'attrait le plus neuf etle plus
pur. M'^s Agnès Kjellberg de Frumerie apporte
dans notre statuaire cette saveur d'étrangeté, ce
parfum de pays lointain. Née à Schffeofde, elle
suivit à Stockholm les cours de l'Académie
royale des Beaux-Arts, puis vint à Paris, en
quête d^un miiieu sympathique aux efforts d'art.
La Suède, qui n'eut pendant longtemps ni pein-
ture ni sculpture nationaies, possède aujourd'hui
des artistes originaux, représentant avec autorité
les caractères et le génie de la race, teis Zorn,
Nordstram, Richard Bergh, Larrsson, Hagborg,
Wallander, le Prince Eugène, Eidh, Milles,
Eriksson, mais elle n'a pas encore de public
pour ies soutenir. Les plus farouchement indi-
viduels se prëoccupent de l'opinion des f'ran-
çais, dispensateurs de gloire, et, tout en ies dé-
clarant incompréhensifs, hgés dans une ((forme
de culture )), impénétrables, ne peuvent s'em-
pêcher de iouer, comme le Norvégien Bjôrnson,
leur extraordinaire cité: « Ah! Paris, c'est en
vérité la ville incomparable. On y respire une
atmosphère unique, sans pareille dans le monde
entier, qui lait merveilleusement fructiher la
pensée, donne au cerveau le stimulant le plus
précieux!)) M^ de Frumerie ressent depuis
quelques années cette bienfaisante influence.
M"'°A. DEFRUMERtE „EVE.
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DEFRUMERIE ..MADONE.
TROIS FEMMES ARTISTES
A plusieurs reprises et très vilainement j'ai
Tx médit desfemmes artistes. Dans une exposi-
tion chez Hessèle, bien connu pour ses collec-
tions d'estampes et pour Fintérêt quhl a pris à
la question de l'eau-forte en couleur, je viens de
trouver une triple preuve de ma sévérité trop
grande: des scuiptures de de Frumerie,
des dessins de M^ Davids, des bijoux de
M^ Selmersheim. Je peux quitter avec joie une
attitude revêche dont aussi bien souffrait ma
galanterie.
Mme qg Frumerie est Suédoise et de là lui
vient peut-être son originalité. Les femmes du
Nord sont plus que les Françaises réfléchies et
décidées; elles ont Fhabitude de la spéculation,
de Tétude scientihque, de l'action personnelleet
joignent cependant à des qualités quasi viriles
je ne sais quoi de mystérieux, de frais et d'inal-
térablement jeune qui surpasse la coquetterie de
nos Parisiennes. Elles font aimer leur indépen-
dance, leur manière hardie de penser et de vivre,
elles séduisent par l'attrait le plus neuf etle plus
pur. M'^s Agnès Kjellberg de Frumerie apporte
dans notre statuaire cette saveur d'étrangeté, ce
parfum de pays lointain. Née à Schffeofde, elle
suivit à Stockholm les cours de l'Académie
royale des Beaux-Arts, puis vint à Paris, en
quête d^un miiieu sympathique aux efforts d'art.
La Suède, qui n'eut pendant longtemps ni pein-
ture ni sculpture nationaies, possède aujourd'hui
des artistes originaux, représentant avec autorité
les caractères et le génie de la race, teis Zorn,
Nordstram, Richard Bergh, Larrsson, Hagborg,
Wallander, le Prince Eugène, Eidh, Milles,
Eriksson, mais elle n'a pas encore de public
pour ies soutenir. Les plus farouchement indi-
viduels se prëoccupent de l'opinion des f'ran-
çais, dispensateurs de gloire, et, tout en ies dé-
clarant incompréhensifs, hgés dans une ((forme
de culture )), impénétrables, ne peuvent s'em-
pêcher de iouer, comme le Norvégien Bjôrnson,
leur extraordinaire cité: « Ah! Paris, c'est en
vérité la ville incomparable. On y respire une
atmosphère unique, sans pareille dans le monde
entier, qui lait merveilleusement fructiher la
pensée, donne au cerveau le stimulant le plus
précieux!)) M^ de Frumerie ressent depuis
quelques années cette bienfaisante influence.
M"'°A. DEFRUMERtE „EVE.
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