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12

SUPPLÉMENT A F ART FRANÇAIS

LES PEINTRES DE TLOEL

Notre scepticisme actuel et notre réalisme systématique ont
rompu avec la pieuse tradition qui, durant tant de siècles, inspira
les peintres de toutes les écoles. A part quelques maîtres encore
épris du mysticisme biblique, nos artistes ne tentent plus guère
de restituer ces idéales figures de la Vierge et du bambino, que
des chefs-d’œuvre sans nombre nous montrent, divinement
séduisantes, dans le recueillement silencieux des musées.

Il y aurait donc, à un point de vue purement rétrospectif, une
curieuse étude à consacrer à l’iconographie de la nativité; par
exemple, en se basant sur cette observation de Th. Thoré : « Il
n’y a rien qui aille mieux aux branches d’un pommier que les
pommes. Les plus belles oranges n’y feraient pas si bien. Il n’y a
rien qui aille mieux à la femme que l’enfant. Son fruit naturel
la pare plus richement que les pierreries arrachées au sein de la
terre. Femme et enfant, mère et fils. Vierge et Jésus, la Charité,
la Fécondité, la Maternité, quels chefs-d’œuvre on a faits avec ce
symbole et cette image ! »

En effet, le Moyen-Age et la Renaissance ne comptent guère
de maître illustre qui n’ait, comme Raphaël, voulu glorifier la
femme dansson rôle le plus auguste, qui n’ait représenté la Vierge-
Mère penchée, inconsciente et pure, sur un berceau .

En réunissant ici à l’occasion de la fête de Noël quelques belles
images de N^ativités, nous ne pouvons qu’indiquer la portée et
l’intérêt d’une telle étude, qui exigerait^es volumes entiers. Pour
ne parler que du plus grand des peintres de la Vierge, il convient
de rappeler le jugement d’un écrivain dont nui ne contestera la
bonne foi. Voici ce que P.-J. Proudhon disait des Vierges de
Raphaël :

N « Ces belles saintes, avec leur expression chrétienne, me
paraissent assurément plus belles, à moi, que les déesses impossi-
bles des Grecs... Je suis amoureux des saintes de Raphaël, toutes
sai-ntes, vierges, martyres et vêtues qu’elles sont; je le suis même
de la Vierge Marie jusqu’à son mariage. Oui, je suis amoureux
de cette belle grande jeune fille imitée de la Diane chasseresse et
donnée à un vieillard prédestiné au rôle d’ange gardien ; je ne le
suis pas des déesses antiques, bien que nues, ni de Diane, ni de
Pallas, üi de Vénus même. La Madone n’échappe à mon amour
que par l’enfant qu’elle porte dans ses bras; c’est le respect de la
maternité qui la sauve. »

« C’est un dogme chrétien que les corps des bienheureux
reprennent dans le ciel la clarté, la beauté, l’agilité et la subtilité.
Voilà l’idéal des artistes de la Renaissance... Le peuple, aujour-
d’hui encore, sent cela. Il dit de certains visages de jeunes filles
parfaitement purs :« c’est une figure de Vierge»; il veut dire
d’une vierge idéale, telles qu’elles doivent être au ciel et que les
ont imaginées les artistes de la Renaissance. »

l/énumération seule des peintres de la Nativité, même en nous
bornant aux plus célèbres d’entre eux, nous entraînerait bien au-
delà des limitesfixées à cet article. Encore moins pourrions-nous
rappeler les apprécions, souvent contradictoires, des écrivains
et des historiens sur telle ou telle page, toujours visible, toujours
triomphante, comme cette adorable Adoration où Corrège a
donné à la Vierge une attitude si ingénûment^souriante et atten-
drie...

Nous nous bornerons donc à présenter aux lecteurs de Y^Art
Français des reproductions d’œuvres déjà consacrées par une

admiration séculaire ou de tableaux récents, choisis parmi les
plus beaux travaux de l’école française moderne.

Sans vouloir nous arrêter à la seule Nativité dont les multiples
représentations eussent formé une suite monotone, nous avons pris
la Vierge ou Jésus à différents instants de leur vie.

C’est d’abord la Naissance de la Vierge, par Murillo, où les
nombreux personnages, admirablement groupés, s’agitent vivants
dans cette vapeur légère familière à l’artiste.

Puis, Y Annonciation dessinée par Raphaël, et si connue des
amateurs. Le peintre y a imprimé sa marque dans la pureté des
visages et la grâce des mouvements.

La Visitation, également de Raphaël,où apparaît surtout un esprit
composition de premier ordre, dans la simplicité même de la
scène.

La Nativité, de Marco Oggiono, et celle de Bernardo Luini,
toutes deux exquises de naïveté, où le charme du détail fait
oublier les défauts des deux primitifs.

VAdoration des bergers, de Luca Giordano, scène délicieuse de
ferveur et de naturel.

L’Adoration de la Vierge,de Rubens, où l’on retrouve les formes
puissantes et les grandes conceptions du flamand.

La Sainte-Famille, de Palma-le-Vieux, dont la composition est
un peu apprêtée peut-être, mais dont chaque figure prise à part
est un chef-d’œuvre de vérité.

La S.tinte Vierge adorant Y enfant Jésus, du Corrège, une des
perles de la Tribune des Offices à Florence. Personne peut-être
n’a été plus loin dans l’expression de la tendresse radieuse et de
la pieuse admiration. Tout est rendu dans cette simple figure et
Marie est bien à la fois vierge, mère et aussi mère d’un Dieu.

La Nativité, dessin d’Albert Dürer, le vieil allemand, traduction
naïve d’un dogme à la fois doux et imposant.

VEnfance du Christ, de Fantin-Latour, moderne celui-là, mais
que l’éloignement des temps seul différencie de ses devanciers.

Le Sommeil de Jésus, de Louis Deschamps, le peintre d’aujour-
d’hui qui nous retrace par excellence les vierges et les 1 "mbini.

Les écoles et les dates sont ici confondues à dessein, afin de
conduire le lecteur à travers ces mille événements de la Nativité
dans un ordre raisonné.

Mais en dehors de ces œuvres, combien d’autres retracent tous
ces faits, qui n’ont pu trouver place ici.

Pour les citer seulement, il faudrait de longues pages. Men-
tionnons à la volée les Crèches de Giotho à Chiusi, de Giorgione
à Dresde, .du Bassan à Gènes, de Vélasquezà Londres, de Rubens
à Munich, de Lenain au Louvre.

La Vierçe à la chaise de Raphaël, à Florence, la Vierge au dia-
dème bleu de Raphaël aussi, à Paris, la Belle Jardinière et bien
d’autres chefs-d’œuvre dus au même pinceau, qui ornent les
grandes collections d’Europe.

L’Adoration des bergers a tenté aussi nombre de peintres,
notamment Ribera, Murillo, Raphaël, Poussin, Claude Gellée.

En général, tous les maîtres d’autrefois ont tenu à honneur de
représenter une ou plusieurs de ces scènes sacrées ; ils y cher-
chaient comme une consécration de leur génie.

Mais la foi devenant moins vive, les compositions religieuses
sont devenues plus rares. A peine de nos jours pourrait-on citer,
parmi ceux que le sujet a séduits :

MM. Bouguereau, Fantin-Latour, Deschamps, J.-J. Weerts,
Laugée et quelques autres dont les œuvres dispersées demeurent
comme des exceptions devant le scepticisme d’aujourd’hui.

F. J.
 
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