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L' art pour tous: encyclopédie de l'art industriel et décoratif — 44.1905

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https://doi.org/10.11588/diglit.22779#0054
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L'ART POVR TOVS

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saint Denis, lequel, dit dom Doublet, est fait en forme de
croix, composé d'une « grosse patenôtre de cassidoine et de
patenôtres de cristal de roche ; on y lit : Baculus beati
Dionysii areopagilœ. » Voici, pour compléter cette descrip-
tion, un document manuscrit que j'ai retrouvé dans les
papiers de Montfaucon (Bibl. nat., latin 11912) : « La crosse
de saint Denis est en bois revêtu depuis d'or, d'émaux,
perles et pierres précieuses ; cette pièce a environ un pouce
de diamètre et un pied de long sans y comprendre la cour-
bure qui a environ trois pouces. Le bâton de voyage a trois
pieds neuf pouces de long, gros d'un pouce de diamètre, en
bois couvert d'argent, dans le haut une croix composée
d'une chalcédoine et de quelques morceaux de cristal. » C'est
à ce dernier objet que se rapporte le passage de Doublet.

A la catacombe de Sainte-Cécile, nous voyons un bâton
pastoral ainsi chargé d'un seau de lait. Les catacombes
abondent en représentations du pedum entre les mains du
Bon Pasteur, et nous offrent certainement les plus vieilles,
les plus touchantes, les plus expressives images de la crosse.

Le bâton pastoral attribué à saint Materne se vénère
aujourd'hui à Tongres ; il est légèrement recourbé à sa
partie supérieure et garni en bas d'un pivot de cuivre.
Après l'incendie de 1677, qui l'endommagea gravement, le
chapitre fit recueillir les débris dans un étui de forme circu-
laire, composé de plaques d'argent reliées entre elles par
des annelets. La volute est très courte ; une partie de la
volute et de la hampe est à jour et garnie de corne trans-
lucide, ce qui permet de voir la relique. La haiiteur, compris
la pointe, égale l'"28.

Le trésor de Metz possédait un bâton d'ivoire du IVe
siècle, sans sculpture, qui passait pour être celui avec
lequel saint Clément avait ressuscité son compagnon, et
une crosse de bois trouvée dans la tombe d'un évêque du
VP siècle.

On montre dans le trésor de Saint-Servais, à Maëstricht,
le bâton et la crosse de saint Servais (f 384) ; une légende
y est attachée. En revenant de Rome, le saint, ayant soif,
traça sur le sol le signe de la croix avec son bâton et y fit
jaillir une source. Au XIIe ou XIIIe siècle, ce bâton fut
transformé en T par l'adjonction d'une poignée d'ivoire,
qu'on restaura en 1870. Le bâton primitif est un roseau
brisé en plusieurs endroits ; compris la poignée, les douilles
et la pointe qui est récente, sa longueur égale l'"14. Il est
enfermé, depuis 1873, dans une boîte d'argent ajourée.

La crosse du saint évêque est aussi un roseau, ce qui
semble prouver la conformité d'origine avec le précédent
objet ; il subit de même des restaurations : au XIe ou XIIe
siècle, on le surmonta d'une volute d'ivoire ; au commence-
ment du XIIIe, on y ajouta des ornements de vermeil et,
au-dessous du nœud, cette inscription :

f Baculas sci Servagii

On dit que cette crosse, lors de l'élévation du corps de
saint Servais, en 726, par saint Hubert, dernier évêque de
Maëstricht, fut trouvée, dans le tombeau, au côté droit du
saint.

La cathédrale de Saint-Sauveur, à Bruges, possède une
crosse qu'on attribue à saint Malo ou Maclou (vers f 570) ;

elle est composée de morceaux d'ivoire réunis au moyen de
douze bandes de cuivre doré ; l'extrémité de la volute en
bois est moderne. Sa hauteur égale lm64.

On montre dans l'île de Saint-Jules, sur le lac d'Orta,
un des bâtons qui me paraissent le plus authentiques et
qu'on attribue à saint Jules (-j- 400). Long de 11,113, il se
compose d'un bois très dur, pesant, parfaitement conservé,
de la grosseur d'un pouce au moins ; il est garni au pied
d'une pointe de fer, et surmonté d'une corne de chèvre
sauvage. Sur un collier d'argent placé au milieu de la hampe,
on lit : + lleinricus eps., peut-être le nom d'Henri, évêque
de Trente, au commencement du XIVe siècle, qui aurait fait
restaurer cette crosse.

Si je ne me trompe, il faut voir ici trois époques : celle du
saint missionnaire antique, celle où on transforma le bâton
en crosse par l'adjonction de la corne, usage que nous
reconnaissons dans les miniatures des Xe et XIe siècles,
enfin, la dernière^ qui correspond à l'empereur Henri V
(1311). Cette relique me paraît authentiquée, non seulement
par la tradition, mais par la commune vénération qui s'at-
tache à la coupe de saint Jules, et qui les confond dans la
même origine, lorsque cette coupe porte en elle-même un
caractère incontestablement antique.

J'attire ici spécialement l'attention sur la corne de chèvre
ou de bélier qui, nous le verrons plus tard, satisfait les
idées symboliques du moyen âge, rappelant le Sauveur sous
l'image du bélier, et l'idée de force qui s'y est toujours
fixée. Sommes-nous sûr, du reste, que cette corne sauvage
elle-même ne soit pas antique ? ne pouvons-nous croire que
les pasteurs du IVe siècle, pour compléter leur pedum par
la partie courbe qui manquait, n'ont pas pris quelquefois ce
moyen et enfoncé, ce qui était facile, cette volute naturelle
au sommet de la haste ? Nous justifierons ainsi intégrale-
ment la pieuse vénération que cette crosse attire au sanc-
tuaire de saint Jules.

Dans le testament de saint Rémi (f 533), le bâton pastoral
du saint évêque de Reims est désigné : Argenteam cam-
buttam Jigaratam. Ce bâton existait encore au temps de
Marlot (1666) ; l'archevêque Gervais, sacrant Philippe, dé-
clarait que ce bâton, envoyé par le pape Hormisdas, avait
valu, aux archevêques de Reims, le privilège de sacrer les
rois. Si cette tradition est vraie, elle forme une preuve de ce
que l'on dit des missions apostoliques et du signe que le
bâton pastoral fournissait à ces saintes entreprises.

Le sacramentaire de saint Grégoire désigne la cambntta
comme faisant partie des insignes épiscopaux.

Sur la chaire de Saint-Marc, à Venise, nous voyons
sculptée une crosse avec volute toute simple.

Le quatrième concile de Tolède (633) mentionne le bâton
partout avec l'anneau.

L'usage de porter près des évêques le bâton pastoral est
très ancien ; nous le trouvons dans la vie de saint Césaire,
d'Arles, et le bréviaire parisien, en nous rappelant une
légende de saint Melon (•(■ 311), semble le confirmer.

^ (A suivre.)

Liiïraiiues-Imprimeries réunies, éditeurs, Paris. - Le gérant : Ch. Eggimann.
 
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