Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux (10.1885)

JACQUES MOREL

SCULPTEUR BOURGUIGNON DU XVe SIÈCLE 1

(Planche 30.)

I.

Parmi les ouvrages justement remarqués de la sculpture bourguignonne
exposés en ce moment au Musée des moulages du Trocadéro, il n’en est pas
de plus dignes d’attention que les figures couchées de Charles de Bourbon et
d’Agnès de Bourgogne, dont les originaux, après avoir survécu à la mutilation
du tombeau de ces princes, sont conservés actuellement dans l’église abbatiale
de Souvigny. Par une fortune bien rare pour les monuments de l’art français
exécutés pendant les périodes du Moyen-Age et de la Renaissance, ces chefs-
d’œuvre ne sont pas anonymes. Nous avons un nom à honorer à côté des
pierres que nous admirons.

C’était, parmi les souverains et les grands seigneurs du xve siècle, un usage
à peu près général que de faire élever de son vivant, dans un sanctuaire pri-
vilégié, le tombeau monumental où l’on désirait reposer après sa mort.
Chaque prince ne s’en remettait qu’à lui-même du soin de se recommander,
par les splendeurs de sa sépulture, au souvenir de la postérité. L’orgueil des
dynasties régnantes n’épargnait rien pour faire de ces constructions des
œuvres d'art incomparables. Le moins sentimental de nos rois de France,

!. « Notre statuaire moderne a son berceau à
Dijon. Les tombeaux des ducs de Bourgogne sont
des productions de l’art flamand modifié et ennobli
par le génie particulier de l’artiste et par le goût
français. Michel Colomb et l’école de Tours sont
venus chercher leurs inspirations dans les monu-

ments de Dijon qui ouvrirent, dès la première
moitié du xve siècle, avec une ampleur et une
indépendance surprenante, l’ère de la Renais-
sance. » (Léon de Laborde, Les ducs de Bourgogne,

t. I , pl. LXXV.)