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ÀLLERHEILIGEN.

tesques d'un monument colossal. L'espace est animé par le passage de quelque milan aux ailes poin-
tues dont le vent ou la pluie ne peuvent fatiguer le vol.

Tout au sommet de la montagne, au milieu des forêts sans limites, plusieurs routes se croisent; des
troncs de sapins abattus par la hache gisent par là ; l'œil se perd sous les voûtes obscures d'où sort un
murmure éternel. On dirait que c'est là que le Freischùtz de la légende a fondu ses balles magiques.
La solitude est profonde et silencieuse. Laissez la lune y verser ses rayons blancs, et vous chercherez
dans cette clarté mystérieuse l'ombre du chasseur noir.

Prenez maintenant ce sentier qui glisse parmi les arbres, suivez-en les courbes vertes tracées
sur un escarpement, et bientôt, tout au fond d'un vallon fermé par un cercle de montagnes, des pans
de murs, des arcs en ogive à demi écroulés, des tronçons de piliers, des chapiteaux au ras du sol,
un bout de tourelle où grimpe un escalier de pierre bien vite interrompu, une chapelle ouverte
au vent, et des décombres mêlés à des bouquets d'arbres vous diront que là fut le monastère
d'Allerheiligcn.

Rien de plus charmant que l'aspect de ces ruines dans ce désert.

Quelle retraite loin du monde ! Quel asile pour la prière ! Un sentiment merveilleux de la nature
guidait les pieux exilés qui bâtissaient dans l'Europe catholique les cloîtres et les abbayes où les cœurs
blessés cherchaient un refuge. Qu'ils savaient bien choisir les sites où le clocher montait vers le ciel!
Comme ils l'abritaient au sommet des collines, sur les plateaux déserts, dans les vallées profondes, loin
du bruit et près de Dieu !

Une légende est attachée à l'abbaye d'Allerheiligen.

En ce temps-là, je parle de 1191, la comtesse Uda de Schauembourg, fille du palatin Godefroy de
Calw et veuve en secondes noces du comte d'Altdorf, frère du duc de Bavière, voulut, à l'exemple de
tant d'illustres princesses, honorer sa mémoire par une fondation pieuse. Elle avait beaucoup souffert
et ses pensées étaient tournées vers la religion.

Un matin donc elle fit remplir plusieurs sacs de pièces d'or, et chargea ces sacs sur un àne auquel
elle confia la mission de découvrir le lieu où l'abbaye nouvelle devait être élevée. Les sacs étaient
solidement attachés, et il était convenu que l'abbaye serait fondée à l'endroit même où ils tomberaient
à terre.

La comtesse Uda pensait qu'une main invisible conduirait l'âne au lieu où la fondation pieuse quelle
projetait serait le plus agréable au ciel.

L'àne partit tout seul, broutant par-ci, s'arrêtant par-là, et s'efforçant partout de jeter bas les sacs
qu'il trouvait fort lourds; mais les sacs étaient bien liés, et les secousses n'y pouvaient rien.

Cependant, après une longue promenade où la paresse et la gourmandise se partagèrent son temps,
l'àne se débattit si bien, que sa charge tomba dans un frais vallon qu'un torrent baignait de ses eaux.
La comtesse se réjouit, et, ramassant les sacs d'or, elle ordonna que les travaux commenceraient sur-
le-champ.

Une tradition moqueuse raconte que l'âne, à force de ruades, ayant deux ou trois fois rompu les
cordes qui retenaient les sacs dans des sites médiocrement pittoresques, la comtesse fit impitoyablement
recharger l'animal, et le contraignit de courir jusqu'à ce qu'il eût trouvé un emplacement convenable.
Là, ajoute la tradition, on l'aida à se décharger.

Pour lui rendre le ciel favorable, la comtessse Uda plaça l'abbaye sous l'invocation de tous les saints,
— Allerheiligen , — et l'abbaye ne tarda pas à devenir célèbre entre les plus fameuses du pays.
Elle avait de grands domaines et de nombreux privilèges. Des souverains la visitèrent et l'enrichirent
de leurs dons. En 1657, l'abbaye, qui jusqu'alors avait été un couvent de l'ordre des Prémontrés,
devint une école illustre. Mais en 1802, à l'époque où tous les ordres religieux furent sécularisés,
l'abbaye perdit ses hôtes. Un an après, le 0 juin 1803, la foudre renversa l'antique édifice que tant
de siècles avaient consacré.
 
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