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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Bonnin, A.: Salon de 1876: peinture, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0197

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SALON DE 1876. 163

traire, éperdument et tâcher de les ranimer. D'autres écrivains plus clairvoyants,, à mon sens du
moins, et surtout mieux éclairés sur l'histoire de Fart et qui avaient observé que dans les périodes
alternatives qu'elle présente d'éclat et de décadence, la période renaissante n'est jamais un renou-
veau ou une reprise de la période du déclin, ont énergiquement soutenu le mouvement; et, depuis
plusieurs années déjà, les faits sont loin d'avoir condamné les principes qu'ils ont encouragés.

J'ai le plaisir de n'avoir pas à regretter, à ce sujet, un seul instant d'aveuglement, ni même d'hé-
sitation. S'il m'est arrivé d'être sévère pour certaines exagérations de la réaction réaliste, si j'ai tou-
jours rappelé le but supérieur vers lequel doit tendre l'artiste, si j'ai sans cesse parlé de beauté et
d'idéal, j'ai sans cesse également soutenu les tentatives de l'école nouvelle, car j'avais la conviction
que son point de départ était le seul qui fût raisonnable. L'art ne peut, en effet, cesser d'être vrai, ni
cesser d'être humain; dès l'instant'que l'artiste croyant s'élever plus haut veut s'affranchir de son ori-
gine et de son éternel modèle, il renouvelle une folle témérité contre laquelle devrait le mettre en garde
la mésaventure fabuleuse d'Icare, qui se perdit pour avoir oublié qu'il n'était qu'un homme et avoir
tenté d'aborder au séjour des immortels.

Le peintre ne saurait, de même, essayer de prendre son vol vers les régions de la métaphysique
pure. En donnant le pas au sentiment, à l'idée, sur les signes plastiques de son œuvre, il arrive à ne
plus offrir que l'expression vague d'un rêve confus, dont le sens échappe absolument. Il est un juste
milieu auquel il se faut tenir. Et celui-là saura s'y arrêter qui comprend que, si la peinture a pour pre-
mier devoir de montrer, c'est-à-dire de frapper les yeux par des images absolument claires et com-
préhensibles, elle doit encore parler à notre esprit et éveiller en nous un sentiment, une émotion, qui
soient l'écho des impressions qui ont remué l'âme de l'artiste pendant sa conception et qu'il a su faire
passer dans son œuvre.

La première de ces deux conditions, la plupart des artistes la remplissent à souhait. On peut dire
que jamais il n'a paru autant d'œuvres témoignant à ce degré d'une science accomplie de l'exécution,
que jamais l'habileté du faire, son audace, sa puissance, n'ont été poussées plus avant. Mais si nous
cherchons, parmi tous ces peintres passés maîtres en leur métier, ceux qui observent la seconde condi-
tion, ceux qui éprouvent en face de la nature une émotion et qui réussissent à en ajouter l'expression
à leur œuvre, il faut reconnaître que le nombre en est bien restreint. Dans la plupart de ces peintures
si saisissantes et si franches d'aspect, si solidement construites, la main semble malheureusement avoir
eu beaucoup plus à faire que l'esprit. On admire partout sa dextérité, sa hardiesse, sa vigueur, tandis
que la pensée intervient à peine et le plus souvent n'intervient pas du tout. C'est là un dangereux
excès dont l'influence se distingue dans les ouvrages qui devaient mieux que tout autre la repousser,
dans des tableaux d'histoire. — Je combattrai de toutes mes forces cette tendance qui semble vouloir
limiter l'art du peintre à la reproduction pure et simple de l'apparence matérielle de son modèle. S'il
faut soutenir le réalisme, ou mieux le naturalisme, comme une source de régénération, l'on doit con-
damner le matérialisme comme un principe de mort, comme la négation même de l'art.

Mais trêve de dissertations esthétiques. De la théorie, passons à l'application, et entrons au Salon
où les exemples s'offriront d'eux-mêmes à l'appui de ces observations générales, que j'ai tenu à rappeler
sur le seuil pour éviter les redites et n'avoir pas à les répéter chaque fois qu'il se rencontrera quelque
œuvre venant les confirmer.

Je commencerai par examiner les peintures d'histoire ou plutôt de style, non parce qu'elles repré-
sentent la tradition de ce que l'on peut quelquefois appeler le grand art, mais parce qu'elles exigent
des études plus sérieuses, une science plus complète et plus étendue, et qu'elles permettent à l'artiste
de donner la mesure de son talent et de ses aspirations.

Voici tout d'abord deux ouvrages importants de peintres à peu près également célèbres, et qui
justement répondent aux deux termes du débat que je soulevais à l'instant : Ce sont la Pietà (n" 240),
de M. Bouguereau, et la Lutte de Jacob (n° 215), par M. Bonnat.

M. Bouguereau a pendant longtemps exposé des peintures d'un dessin arrondi, d'une exécution
habile, très-soignée et lisse à l'excès, d'un faire trop mou, qui manquaient de caractère et
d'accent et dans lesquelles le style était remplacé par une certaine convention académique du joli. Il
semble décidément mieux inspiré par le sentiment religieux que par ses souvenirs mythologiques ou
 
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