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Bonnin, A.: Salon de 1876: peinture, [2]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0199
SALON DE 1876. 165
cours à cette peinture. Peut-être contient-elle la révélation que n'ont pu faire les deux ouvrages dont
je viens de parler. Chemin faisant, je lis l'indication du sujet : la Sulamite (324)... suit le verset 28
du chapitre 11 du Cantique des cantiques. C'est donc justement encore d'une page inspirée par l'Ancien
Testament, d'une peinture de style qu'il s'agit et mon espoir grandit. Puis je repasse dans ma mémoire
certains traits de la description poétique que Salomon fait de l'épouse qu'il évoque; je pense à son col
qui est « comme une tour d'ivoire », à son nez qui est « comme la tour du Liban, laquelle regarde
Damas », à son chef qui est « comme le Carmel », etc., etc.. Je sais bien que la fantaisie de ces indi-
cations ne saurait absolument guider le peintre, mais elle a une grandeur qui peut enflammer son ima-
gination... Enfin me voici arrivé; je lève les yeux et je vois à travers un doux nuage de poudre de riz
une femme d'Orient assise sur les tapis moelleux d'un harem! Le peintre a tenté de rajeunir, de moder-
nise}- le sujet qu'il empruntait à la Bible, et cela à l'aide de moyens plus usés mille fois que ce sujet
dont la hauteur ne pouvait être courbée par le temps : il n'a employé en effet que les oripeaux fanés
qui pendent depuis vingt ans sur le dos des modèles de tous les peintres de l'Orient. Ces vestes brodées,
ces coussins précieux, ces gazes légères, M. Landelle en a revêtu ses odalisques, M. Dubufe s'en est
également servi dans des ouvrages moins heureux que son beau portrait de M. Philippe Rousseau.
Pourquoi venir affubler la Bible de toute cette friperie?
L'exécution du tableau égale sa conception. Elle est molle, flasque, savonneuse au delà de ce qui
se peut imaginer, d'une couleur et d'un dessin détestables. La Sulamite est assise sur son torse.
On ne saurait se montrer trop sévère pour M. Cabanel; les annuelles erreurs de cet académicien-
professeur à l'École nationale des Beaux-Arts ont en effet cela d'exceptionnellement grave qu'elles
se transforment en enseignement académique.
A. BONNIN.
[La suite au prochain numéro,)
cours à cette peinture. Peut-être contient-elle la révélation que n'ont pu faire les deux ouvrages dont
je viens de parler. Chemin faisant, je lis l'indication du sujet : la Sulamite (324)... suit le verset 28
du chapitre 11 du Cantique des cantiques. C'est donc justement encore d'une page inspirée par l'Ancien
Testament, d'une peinture de style qu'il s'agit et mon espoir grandit. Puis je repasse dans ma mémoire
certains traits de la description poétique que Salomon fait de l'épouse qu'il évoque; je pense à son col
qui est « comme une tour d'ivoire », à son nez qui est « comme la tour du Liban, laquelle regarde
Damas », à son chef qui est « comme le Carmel », etc., etc.. Je sais bien que la fantaisie de ces indi-
cations ne saurait absolument guider le peintre, mais elle a une grandeur qui peut enflammer son ima-
gination... Enfin me voici arrivé; je lève les yeux et je vois à travers un doux nuage de poudre de riz
une femme d'Orient assise sur les tapis moelleux d'un harem! Le peintre a tenté de rajeunir, de moder-
nise}- le sujet qu'il empruntait à la Bible, et cela à l'aide de moyens plus usés mille fois que ce sujet
dont la hauteur ne pouvait être courbée par le temps : il n'a employé en effet que les oripeaux fanés
qui pendent depuis vingt ans sur le dos des modèles de tous les peintres de l'Orient. Ces vestes brodées,
ces coussins précieux, ces gazes légères, M. Landelle en a revêtu ses odalisques, M. Dubufe s'en est
également servi dans des ouvrages moins heureux que son beau portrait de M. Philippe Rousseau.
Pourquoi venir affubler la Bible de toute cette friperie?
L'exécution du tableau égale sa conception. Elle est molle, flasque, savonneuse au delà de ce qui
se peut imaginer, d'une couleur et d'un dessin détestables. La Sulamite est assise sur son torse.
On ne saurait se montrer trop sévère pour M. Cabanel; les annuelles erreurs de cet académicien-
professeur à l'École nationale des Beaux-Arts ont en effet cela d'exceptionnellement grave qu'elles
se transforment en enseignement académique.
A. BONNIN.
[La suite au prochain numéro,)