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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 2.1876 (Teil 2)

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Renaud, Victor: Salon de 1876: sculpture, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16690#0239

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SALON DE j876. 205

valeur qu'à la conscience artistique et à la seule recherche des procédés sobres et sévères de notre
art. Le plâtre avait déjà toutes ces qualités que le marbre a heureusement conservées.

Mme Bertaux a fait aussi une statue dont les formes sont fermes et pleines tout en conservant
leur jeunesse. Sa jeune fille, dont le dos, les reins, sont un chef-d'œuvre de modelé, a conservé cer-
taines parties un peu communes; les mains par exemple sont un peu soufflées et demanderaient à
être traitées plus finement; la tête, très-gracieuse d'ailleurs et dont le mouvement est vrai et bien
senti, pourrait avoir un peu plus de distinction, sans que son expression y perdît de sa grâce et de sa
gaieté.

Malgré ces quelques observations, je n'en trouve pas moins la statue de Mme Bertaux, l'une des
meilleures et des mieux étudiées du Salon, et je suis convaincu que, placée dans de meilleures condi-
tions , la perfection du modelé des seins, des hanches et du torse tout entier se montrerait aux visiteurs
bien plus complète et plus affirmée.

M. Mercié nous avait fait avec son David de bien belles promesses; il en a tenu une grande par-
tie avec son groupe Gloria victis. Cette année nous avons donc le droit d'être plus sévère avec lui
qu'avec tout autre; on l'a dit souvent, noblesse oblige; moi je dis : succès oblige. Quand on est jeune et
qu'on a le tempérament d'artiste qui est le lot si brillant de M. Mercié, on ne doit pas, à mon avis,
exposer des œuvres qui donnent lieu à une critique sérieuse. Le David de M. Mercié a pour moi le très-
grand tort d'être un enfant par la tête, tandis que les silhouettes du torse, des bras surtout, donnent l'idée
d'un homme fait; les jambes sont aussi, par leurs formes roides et sans modelé accentué, bien loin des
données de la jeunesse. Ce sont les jambes d'un homme du Nord, gras et déjà mûr. Il est inexpli-
cable que M. Mercié, qui avait si bien compris dans son David, que nous admirons de grand cœur au
Luxembourg, les sécheresses, les accents bien écrits de la nature orientale, se soit laissé aller à autant
de mollesse et de négligence de la couleur locale dans cette nouvelle statuette. Il faut qu'il ait été
bien mal conseillé et que l'engouement de quelque amateur lui ait imposé *ce démenti donné à son
propre sentiment, qui était si juste et si vrai. Je ne peux voir dans ce fait bizarre que l'effet de la hâte
avec laquelle le jeune artiste a exécuté son travail ; car j'ai appris que, contrairement au règlement éta-
bli pour tous les artistes, M. Mercié, par une faveur toute spéciale, avait été admis à retoucher ou
faire retoucher son œuvre au Palais de l'Industrie, depuis le moment de l'envoi jusqu'au moment de
l'ouverture. Si l'œuvre était devenue parfaite, je ne trouverais rien à redire à cet oubli du règlement,
et je n'en parlerais même pas; mais dans cette statue, les pieds, les mains sont si évidemment négli-
gés, qu'il eût été vraiment plus sage de la part de l'auteur de ne pas compromettre ses succès anté-
rieurs par une ébauche aussi imparfaite, surtout pour une statuette de cette dimension, qui pourrait
par son style, si elle avait été plus réussie, devenir une œuvre importante. Je suis convaincu que si
M. Mercié veut donner plus d'accent à ses jambes, plus de fermeté à ses deux mains, rajeunir ses
bras, je serai dans la douce obligation de le louer pleinement, si surtout il veut bien supprimer la
bizarre lanière qui fait à sa statue comme une anse pour la suspendre, et modifier un peu sa harpe,
dont la ligne n'est pas heureuse. Je me suis permis toute cette longue critique vis-à-vis de M. Mercié,
parce que je sais combien il est utile de ne pas laisser égarer par des louanges que prodiguent souvent
des gens enthousiastes, mais peu compétents, les artistes les mieux doués. Il est si doux de recevoir
des éloges, même quand on sait soi-même qu'ils sont exagérés! Une première fois on y résiste,
mais peu à peu on finit par croire ce qui est si agréable, et la 'paresse innée à l'homme venant se
joindre aux jouissances de l'amour-propre, on finit par se dire que les admirateurs pourraient bien
avoir raison. Qui de nous, en faisant une statue, ne s'est senti mécontent, malgré le travail le plus
sérieux, de certains morceaux qu'il aurait le désir d'améliorer, de rendre parfaits? On sent qu'il y a
quelque chose à modifier. Survient un ami, un indifférent même, qui trouve très-réussie, superbe cette
même partie qu'on voulait corriger ; il se confond en éloges. La vanité s'en mêle, et, aidée de sa sœur
la paresse, ces deux beaux péchés ont bien vite raison de l'homme, s'il n'est pas invulnérable, et
quel artiste jouit de ce rare privilège ?

Victor Renaud.

* {La suite au prochain numéro.)
 
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