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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 1)

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Tesse, Paul: Un tableau de Hugo van der Goes
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https://doi.org/10.11588/diglit.16904#0130

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UN TABLEAU DE HUGO VAN DER GOES

A Monsieur le Directeur de l'Art.

Paris, le 22 janvier 1877.

Monsieur,

Le Mariage mystique de sainte Catherine, vendu à Drouot
le 18 janvier dernier, est, d'après le catalogue, un tableau d'Hugo
Van der Goes.

D'après des articles que je viens de lire, signés de noms
dont je n'entends pas discuter l'autorité', ce tableau aurait e'te'
vendu sous un faux nom. M. Louis Gonse, dans la Chronique
des Arts et de la Curiosité du 20 janvier, et M. Alfred Michiels,
dans le Constitutionnel du 19, sont d'accord pour l'attribuer à
Gérard David.

Il y a là une question qui me paraît de nature à intéresser
vos lecteurs, et dont je vous demande la permission de vous
dire deux mots.

Et d'abord j'appelle votre attention sur un phénomène qui
s'est mainte fois renouvelé dans l'histoire de la critique artistique,
et dont plus d'un maître a été tour à tour le bénéficiaire et la
victime.

Un maître est inconnu. Ses œuvres, vierges de toute signa-
ture, s'étalent dans les églises, les musées, les collections parti-
culières, dont les propriétaires, impatients de les baptiser, —
car souvent ils attachent plus d'importance à l'état civil d'une
peinture qu'à la personnalité intrinsèque de l'auteur, et le génie
anonyme ne leur dit rien qui vaille, — se hâtent d'en faire don
à quelque 'célébrité haut cotée, sans trop se soucier des analo-
gies de style, voire des coïncidences nécessaires d'époque et des
vraisemblances de date.

Un beau jour, un érudit furetant dans la poussière des
archives découvre un nom nouveau et reconstitue une existence
jusque-là ignorée. Voici l'extrait de baptême et l'acte de décès,
le nom et les prénoms, la date approximative de la naissance ou
de la mort ; voici un extrait de registre mentionnant l'admission
du peintre à telle ou telle Académie de Saint-Luc;' voici une
commande qui lui a été faite par quelque grand seigneur, prince
souverain, chanoine ou chapitre. Parfois même le chercheur a
la main assez heureuse pour retrouver une œuvre qui est indis-
cutablement du nouveau venu.

Aussitôt tout change. Non-seulement les artistes célèbres
qu'on avait imprudemment gratifiés des chefs-d'œuvre mysté-
rieux qui déroutaient l'ingéniosité des connaisseurs, en sont
brusquement dépossédés, mais il n'est morceau plus ou moins
problématique que cette même ingéniosité ne s'évertue à en-
dosser à l'inconnu de la veille, dont la réputation est de fraîche
date, si son talent est vieux de plusieurs siècles. C'est un entraî-
nement général, dont les meilleurs esprits ont peine à se garer,
heureux quand ils ne s'écartent pas trop du point de repère par-
fois unique que leur a fourni le dénicheur du maître ressuscité.

Nous avons vu cela pour Rogier Van der Wcyden, pour
Hugo Van der Goes, et pour bien d'autres. C'est ce que nous
voyons pour Gérard David, depuis une dizaine d'années que
M. Weale a retrouvé son nom dans les archives de Bruges.

Ou je me trompe [fort, ou l'attribution du Mariage mys-
tique de sainte Catherine à ce peintre n'est qu'une nouvelle ma-
nifestation de cet entraînement inconsidéré.

M. Alfred Michiels affirme que le tableau « trahit certaine-
ment la main de Gérard David, né à Oudwater, en Hollande,
vers 1460, mort à Bruges le 15 août 1525 ». Et pour nous com-
muniquer sa certitude il ajoute : « Comme le Louvre possède
une œuvre authentique de son pinceau, les Noces de Cana, on
Tome VIII.

peut comparer la facture des deux tableaux. Ce parallèle sera
décisif. »

Est-il bien certain que ces Noces de Cana soient de Gérard
■ David? Dans sa Notice (11e édition) M. Frédéric Villot constate
que ce tableau (collection de Louis XIV) a été donné tour à
tour à Jean de Bruges, par Bailly (inventaire 1709-1710), puis
sous l'empire à « Hans Hemmelinck » pour revenir à Van Eyck, en
1841, et passer ensuite à Rogier Van der Weyden. « Quant à
nous, ajoute M. Villot, nous pensons qu'il a été exécuté tout à
fait à la fin du xv" siècle. » Cette 1 ic édition est de 1855. Gérard
David, dira-t-on, n'était pas encore inventé. Il est vrai, mais au-
jourd'hui même, si l'on étudie le tableau, on n'est nullement
tenté de l'attribuer à ce maître, pour peu qu'on apprécie son
rare mérite, pour peu qu'on se souvienne des œuvres remar-
quables qu'on ne songe pas à lui contester. Il peut y avoir là
une influence ou un souvenir de Gérard David, mais ce tableau,
médiocrement composé, intéressant seulement par certaines par-
ties, notamment le caractère de plusieurs tètes, très-inférieur
dans d'autres, et en somme très-faible dans l'ensemble, ne peut
être que l'œuvre d'un élève, et le symptôme de la décadence
d'une école.

On est d'autant plus embarrassé de se joindre à M. Alfred
Michels pour le donner à Gérard David comme « une œuvre
authentique de son pinceau », que cet écrivain prend soin de
nous dire : « L'habileté avec laquelle Gérard David modelait les
mains, forme un des traits distinctifs de son talent. » Or, la plu-
part des mains des Noces de Cana, sauf surtout celles d'une
femme à la droite du spectateur, manquent absolument de mo-
delé et sont d'une très-pauvre exécution.

Admettons cependant que M. Michiels soit dans le vrai pour
ce tableau. Mais alors, que devient son « parallèle décisif » ?
Le Mariage mystique de sainte Catherine n'a pas la moindre
analogie avec cette peinture, et plus Gérard David sera l'auteur
des Noces de Cana, moins il sera l'auteur du Mariage mystique,
incomparablement supérieur, au triple point de vue de la com-
position, de la couleur et du dessin.

La difficulté se complique lorsque, suivant le conseil de
M. Alfred Michiels, on se dirige vers le grand salon du Louvre
pour y examiner, près de la porte ouverte sur la galerie d'Apol-
lon, « une Vierge au sein maigre, aux formes anguleuses, qui
allaite le petit Jésus », et dont l'auteur de l'Histoire des peintres
de l'école flamande fait cadeau à Hugo Van der Goes.

Encore un parallèle décisif!

Ah certes, si cette Vierge au sein maigre est de Hugo Van
der Goes, le maître gantois n'est pour rien dans le Mariage
mystique; mais, si primitive que puisse être la peinture de Van
der Goes, personne, je crois, ne sera disposé à lui faire hommage
du petit panneau que lui attribue M. Michiels.

Excusez-moi, Monsieur le directeur, de fous imposerà ce sujet
un brelan de parallèles, mais il me semble que pour résoudre
ce problème, il faut aller non pas aux Noces de Cana du pré-
tendu Gérard David, non pas à « la Vierge au sein maigre » dont
Hugo Van der Goes est redevable à M. Alfred Michiels, mais
aux Van' Eyck, dont Hugo Van der Goes était l'élève, personne
ne le conteste.

La Vierge au donateur suffira. Cette fois l'analogie est frap-
pante. Non pas l'identité, s'entend, car il est impossible de
prendre pour un Van Eyck le Mariage mystique de sainte Ca-
therine, mais c'est la même école. La vierge qui préside au Ma-
riage est proche parente de celle du donateur, les étoffes, les
 
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