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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Nécrologie
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72

L'ART.

N ECROLOGIE

— Gustave Courbet est mort. Il a succombe à une
maladie cruelle dont il souffrait depuis plus de cinq ans.
Il s'est éteint à la Tour-de-Peilz, en Suisse, âgé de cin-
quante-neuf ans. Né à Ornans (Doubs) le 10 juin 1819,
Courbet avait débuté au Salon de 1844, mais ses premiers
essais n'étaient guère que des académies assez mal venues.
Bientôt après il trouve sa voie, et au Salon de 1849 il
obtient la seconde médaille d'or. Comme le dit très-bien
Théophile Silvestre, « il méritait la première par son Après-
Dînée à Ornans, préface d'un grand peintre, qui vaut les
plus vigoureux morceaux des maîtres espagnols ». Ce
tableau, acheté par l'Etat, mais jugé indigne du Luxem-
bourg, appartient au musée de Lille. C'est du Salon de
1851 que date la grande réputation de Courbet. Il y expo-
sait les Casseurs de pierres, l'Enterrement à Ornans,
tableaux - manifestes qui firent émeute et posèrent le
«maître-peintre » d'Ornans, « l'élève de la nature », en
apôtre du « réalisme ». Le rôle d'apôtre n'était peut-être
pas celui qui convenait le mieux au talent de Courbet,
bien qu'il parût s'y complaire, et si tout le bruit qui s'est
fait autour de ses doctrines a servi sa renommée et sa popu-
larité, son œuvre n'y a pas gagné grand'chose. Il a eu des
ennemis, immense avantage pour l'artiste, — car nous ne
parlons que de l'artiste, — il a eu des ennemis acharnés,
dont il s'amusait d'ailleurs à provoquer les colères, devi-
nant qu'elles lui feraient moins de mal que de bien, mais
il a eu aussi parmi ses amis beaucoup de maladroits dont
l'enthousiasme dévot, fanatique, n'a pas tardé à le griser et
h l'égarer. Si l'apôtre du réalisme a eu la naïveté de se
prendre au sérieux comme réformateur politique, si le
peintre des Casseurs de pierres a fini par la Commune et
le déboulonnement de la Colonne, qui sait s'il ne faut pas
s'en prendre à tel de ces amis plutôt qu'à lui-même ? Mieux
avisés étaient ceux qui, tout en faisant campagne avec lui
contre la routine académique, tout en le louant dans ses
énergiques initiatives et en rendant un légitime hommage
à ses fortes qualités de peintre, le tenaient en garde contre
des excès de polémique, des débraillés d'allures et des dé-
sordres d'idées qui devaient malheureusement pénétrer en
quelque sorte jusque dans son œuvre d'artiste. Mais il est
trop facile de prendre Courbet en défaut. L'important est
d'être équitable, et quelque opinion qu'on puisse avoir de
ses attitudes et de ses tendances, il serait souverainement
injuste et inepte de ne pas saluer en lui un des plus vigou-
reux tempéraments d'artiste que la France ait jamais pro-
duits, un maître et un grand maître à certains égards, et
l'un de ceux dont s'honorerait n'importe quelle école à
n'importe quelle époque. L'œuvre de Courbet est consi-
dérable. Réaliste, il a surtout excellé dans le paysage, les
animaux, les marines. La figure humaine lui réussissait
moins. Pourtant il a peint quelques beaux portraits, — il
revenait volontiers à son propre portrait, — et quelques
études de femmes, remarquables par la souplesse et la
transparence nacrée des carnations. 11 tient en somme une
grande place dans l'histoire artistique de notre temps.
L'espace nous manque aujourd'hui pour étudier en détail
son œuvre, sa tendance, son influence. Nous essayerons
prochainement cette étude.

— Un paysagiste de mérite, qui depuis 1853 n'avait
pas manqué un Salon, et qui s'y faisait remarquer même
en ces dernières années par l'aimable sincérité de sa pein-
ture, Emile Lambinet, est mort à Bougival dans les pre-
miers jours de janvier. Il avait soixante et onze ans.

■— Le célèbre photographe Adolphe Braun est mort à
Dornach, où il avait installé les ateliers qui lui ont fait une
réputation européenne. Par l'invention du procédé au
charbon, Braun a fait faire un progrès immense à la photo-
graphie. Par ses magnifiques reproductions des chefs-
d'œuvre de la peinture de toutes les écoles, et surtout par
ses merveilleux fac-similé des dessins des grands maîtres,
il a rendu à l'art d'inappréciables services. Sa mort est une
perte réelle, mais son œuvre du moins lui survivra, il faut
l'espérer dans l'intérêt du développement de l'éducation
artistique.

— Le 15 décembre est mort à Londres, des suites
d'une maladie nerveuse qui depuis quelque temps donnait
de sérieuses inquiétudes, M. Ralph Nicholson Wornum,
conservateur et secrétaire de la National Gallery, né en
1812 à Thornton, près de Durham. M. Wornum avait fait
ses études à University Collège, puis à l'Université de Lon-
dres. Il se destinait d'abord à la carrière juridique, mais
après une courte expérience, il se consacra à la peinture.
Des voyages qu'il fit en Allemagne et en France, de 1834a
1839, tournèrent ses idées vers la critique et l'érudition
artistiques. Rentré en Angleterre, il abandonnait bientôt la
pratique de son art pour se vouer exclusivement à son
histoire. A partir de 1840, il collabore à un grand nombre
de journaux, revues et recueils, tels que la Penny Cyclo-
pœdia, le Dictionnaire (inachevé) des antiquités grecques
et romaines de Smith, VEnglish Cyclopœdia, l'Art journal.
En 1846, il est chargé du catalogue de la National Gallery,
travail considérable dont il s'acquitte avec la plus grande
distinction. Ce catalogue mainte fois réimprimé est resté
un modèle pour toutes les galeries publiques de l'Europe.
Peu de temps après il publiait sous ce titre : The Epochs
in Painting Characteri^ed, un livre qui a eu les honneurs
de trois éditions, successivement améliorées, et qui est éga-
lement un sérieux témoignage de sa science et de son goût.
Ces études caractéristiques sur les diverses époques de la
peinture sont considérées à juste titre comme une des meil-
leures histoires des écoles anglaise, française et allemande.
En 1846, il est nommé « lecturer on Art » des écoles de
dessin sous la direction du « Board of trade » ; il en devient
le bibliothécaire en 1852, et en ces deux qualités il rédige
plusieurs rapports importants, dont l'un très-remarquable
sur les écoles de dessin en France. En 1855, M. Wornum
succédait au général Twaites comme conservateur de la
National Gallery et secrétaire du bureau des « Trustées »,
fonctions qu'il a remplies jusqu'à sa mort avec autant de
zèle que de capacité, ne négligeant rien de ce qui pouvait
être utile à l'art, et faisant preuve d'une obligeance et
d'une impartialité très-appréciées de tous ceux qui l'ont
connu. La mort de cet homme distingué, dont nous sommes
loin d'énumérer tous les travaux et les services, excite en
Angleterre d'unanimes et légitimes regrets.

Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
 
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