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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Rousseau, Jean: L' oeuvre de Rubens en Italie
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https://doi.org/10.11588/diglit.16908#0228

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i94 L'ART.

où Balthazar voyait une main courir vaguement sur son mur. Puis, de ce chaos, de cette ombre
répandue sur sa toile, Rubens fait jaillir furieusement, çà et là, des figures admirables, — un
soldat casqué monté sur un grand cheval blanc qui se cabre sous un coup d'épieu et qu'un
cheval noir mord furieusement au poitrail, — des sonneurs de clairon éperdus, — un groupe de
cavaliers en cuirasse, qui tombent au galop sur le roi, — et, enfin, dans un coin, à droite, un
beau cadavre de jeune homme, auquel une main sinistre, qui sort du cadre, arrache son dernier
vêtement; lugubre symbole de la guerre sans frein, toujours prête à dégénérer en curée. — C'est
le chef-d'œuvre du genre. Jamais les peintres de batailles patentés, les Salvator Rosa, les Michel-
Ange Cerquozzi, les Gros, les Vernet, les Raffet n'ont rien fait, rien rêvé de si terrible, de si
beau que cette grande mêlée de Rubens. C'est ici qu'on peut voir à quel point ce Rubens,
auquel certains puristes refusent le don du dessin, était un rare, savant et prodigieux dessinateur
s'il en fut jamais. Aucun maître peut-être n'a possédé comme lui le côté le plus difficile du dessin,
le rendu du mouvement, de la figure en action. Ces gestes pris au vol, ces attitudes véhémentes,
ces chevaux qui se cabrent, ces hommes qui frappent et qui tombent, toutes ces fureurs et ces
convulsions de la guerre ne sont qu'ébauchées à grands coups de brosse et, néanmoins, elles
donnent le frisson, tant chaque coup est frappé juste.

Comme dessinateur, Rubens est mieux loué, mieux vengé encore peut-être par son Triomphe
de Henri IV. On voit ici, par un sublime effort de sa volonté, ce génie bouillonnant se calmer
subitement. 11 n'y a peut-être pas dans tout son œuvre une autre scène qui ait cette gravité
solennelle, cette grandeur sévère. Au milieu du tableau, le roi vu à mi-corps ; il est debout dans
le char triomphal, traîné par un quadrige blanc. Un grand jeune homme blond, d'une tournure
athlétique, tient les quatre chevaux par la bride, car le char va passer sous un arc de triomphe ;
un superbe enseigne à cheval a pris les devants et galope déjà dans l'ombre de l'arcade. Le
premier plan est occupé par des femmes et des enfants ; belle et noble idée, dont le sens est que
ce n'est pas un vainqueur ordinaire, mais un sauveur qui est acclamé. Derrière Henri IV marche
le groupe humilié des prisonniers -, plus loin se presse la foule enthousiaste ; et, comme si C2
peuple était la seule armée de ce roi populaire, on ne voit autour du char qu'une escorte de
quelques soldats. Les uns soulèvent des trophées, les autres font ondoyer des drapeaux ; trois
farouches guerriers en cuirasse, fantasquement drapés d'un petit manteau militaire, attirent parti-
culièrement le regard ; ils marchent en sonnant des fanfares, avec ce superbe parallélisme d'atti-
tudes et de mouvements dont l'art ancien a tiré des effets si grandioses et si héroïques.

N'oublions pas le groupe le plus étonnant de la composition : ce sont des génies en longs
vêtements blancs qui volent vers Henri IV avec des palmes et des couronnes. On dirait qu'ils
sont emportés par le tourbillon d'une tempête invisible ; jamais la figure volante et plafonnante,
cet éternel désespoir des dessinateurs ordinaires, n'a été abordée et rendue avec plus d'audace
et d'autorité. On ne sait comment louer assez cette décoration grandiose. Bien que beaucoup
plus fait et plus net que la Bataille d'Ivry, le Triomphe de Henri IV n'en diffère pas sensible-
ment comme exécution. Même furie de touche, même dessin large et rapide, qui laisse là les petits
détails de la forme et ne s'arrête qu'aux accents décisifs ; on devine que cette toile immense a dû
être abattue en huit jours. Mais ce qui est admirable, c'est que cet emportement inouï de
l'exécution n'altère en rien la tranquillité magistrale de l'aspect. C'est la belle ordonnance, la
pompe majestueuse qu'aurait le défilé d'un triomphe romain. On se demande, devant cette
noble toile, comment il se fait que Rubens n'ait jamais abordé la peinture murale. Quels chefs-
d'œuvre il y aurait laissés ! On voit qu'il en comprenait à merveille les austérités obligées ; sa
couleur même fait taire cette fois son joyeux tapage, ses fanfares ordinaires, et semble chercher
les gammes contenues, les sobres harmonies de la fresque. Du reste, nul pastiche des classiques ;
c'est toujours la même puissante exubérance, les mêmes exagérations splendides, le même Rubens,
car une personnalité aussi tranchée que celle-là ne saurait abdiquer. Tel quel, son Triomphe de
Henri IV est un modèle de style épique. Il devait figurer, ainsi que la Bataille d'Ivry, dans une
épopée peinte qui aurait raconté l'histoire de Henri IV et qui aurait fait pendant, à Paris, à la
fameuse galerie de Marie de Médicis. Une fois la reine chassée, la seconde galerie fut interrompue.
 
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