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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 1)

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Énault, Louis: Le Mont-Saint-Michel, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16908#0284

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248 L'ART.

Ces Montgommeries, autrefois la Salle des Gardes, et les Écuries du Mont-Saint-Michel, sont
un des plus beaux spécimens de crypte que nous connaissions. Nulle part on ne rencontrera une
galerie souterraine ou plus étendue ou plus grandiose. Elle mesure 70 mètres de long sur 12 de
large ; une vingtaine de piliers bas, lourds et trapus, les uns ronds, les autres carrés, et portant
les retombées anguleuses de la voûte immense et surbaissée, tantôt en plein cintre et tantôt
ogivale, divisent les Montgommeries en trois longues avenues.

Cette base de la Merveille, qui a défié les incendies et les éboulements, fut construite en
1117 par Roger II, abbé du Mont. Elle marque la transition toujours intéressante du roman
secondaire à l'ogive naissante.

Le jour pénètre par trois côtés à la fois dans cette salle austère, remplie jadis du bruit et du
mouvement des chevaux et des cavaliers ; le fer et l'acier faisaient retentir le granit sonore, et
les hennissements et les voix en bannissaient éternellement le silence. La première fois que nous
y pénétrâmes, la crypte des Montgommeries était changée en dortoir, et les lits étroits des déte-
nus s'y alignaient en longues files. Nous nous crûmes dans l'entre-pont d'un vaisseau. Il n'était
point difficile, en effet, de prendre ces lits pour des hamacs, ces piliers pour des mâts et ces
fenêtres pour des hublots, par lesquels, afin que l'illusion fût complète, on apercevait la mer avec
ses vagues roulantes, ses îles, ses écueils et ses lointains rivages. Aujourd'hui les Montgommeries,
comme tout le reste de l'Abbaye, sont rendues à la méditation et à la prière.

Au-dessus de la Montgommerie de l'est, l'ancienne Salle des Gardes, l'architecte de la Mer-
veille avait placé le Réfectoire des moines, qui date de 1120, et à l'étage supérieur, le Dortoir;
au-dessus de la Montgommerie de l'ouest, qui fut l'écurie, la Salle des Chevaliers, et, comme
couronnement de cette portion de l'édifice, le Cloître !

Le Réfectoire du Mont-Saint-Michel est certainement un des plus beaux qu'il y ait au monde.
Il serait difficile d'imaginer des lignes à la fois plus simples et plus pures. Huit piliers ronds, à
base octogone, aux chapiteaux trifoliés, le divisent en deux nefs. De chacun de ces piliers
s'élance vers la voûte élevée, où il s'épanouit avec une souplesse et une grâce charmantes, un
faisceau de huit nervures rondes, à l'intersection desquelles fleurissent de jolies rosaces, et qui
viennent retomber trois par trois, ou sur la cymaise des murs, ou sur de fines colonnes accouplées
par triolets. Il serait vraiment difficile d'imaginer une disposition plus poétique, et d'un plus heu-
reux effet. Jamais peut-être l'arbre gothique ne nous est apparu avec un développement plus
magnifique, dans des proportions plus harmonieuses, unissant mieux la souplesse à la force. Cette
vaste salle, qui n'a pas moins de 432 mètres carrés de superficie, est regardée comme un des
plus beaux spécimens des constructions de ce type que nous ait laissés l'art ogival. Deux grandes
cheminées, hardiment projetées en avant, et appuyant leurs corbeaux sur de minces colonnettes,
achèvent de donner à cette salle, vraiment unique en son genre, un caractère incontestablement
monumental. C'est dans ce réfectoire, qu'assis avec ses barons à la table monastique, le plus fier
monarque de son temps, Henri II, roi d'Angleterre et duc de Normandie, fit don à l'Abbaye des
églises de Pontorson. Les rois d'alors étaient de véritables souverains, maîtres des biens comme de
la vie de leurs sujets; un mot tombé de leurs lèvres transmettait la propriété d'un domaine, d'un
couvent, d'une église à qui avait le bonheur de leur plaire. C'était le règne du bon plaisir. On
l'a érigé en théorie de gouvernement; il a été la raison d'Etat de plusieurs siècles, et l'on assure
qu'il se trouve, même aujourd'hui, des gens pour le regretter.

Louis Enault.

(La suite prochainement.)

Coquille de Saint Michel (xv« siècle;
Dessin de M. Edouard Corroyer.
 
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