Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

DOI Artikel:
Mancino, Léon: Un précurseur, [2]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0049

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
38 L'ART.

se résoudre à quelques sacrifices quand on veut charmer ou émouvoir. Il en vint même à penser
que tous les spectacles offerts par la nature sont du domaine de l'art, et, dans son respect quasi
religieux pour tout ce qui émane de cette puissance mystérieuse, il tenta de représenter à la fois
sur une même toile, et l'infiniment petit et l'infiniment grand. Son entreprise, conçue en dehors
des vraies conditions de la peinture, était chimérique. Malgré son goût de l'exactitude qui était
presque dégénéré en manie, malgré sa rare habileté technique, il échoua. Le dernier tableau qu'il
exposa, la Vue du Mont-Blanc, prise des montagnes du Jura, avec son immense horizon, ses
innombrables plans si savamment indiqués, son exécution si adroite et si soignée, n'a ni beauté
pittoresque, ni grandeur. Devant cette œuvre bizarre, le spectateur peut admirer la force de
volonté, la patience de l'artiste, mais, en définitive, il est médiocrement impressionné.

« Une sorte de foi panthéistique en la nature a égaré Théodore Rousseau, une notion de
jour en jour plus juste et plus compréhensive de la nature a raffermi la marche de Paul Huet.
Quand, vers le milieu du règne de Louis-Philippe, le mouvement intellectuel s'est ralenti, ou du
moins modifié, Huet a eu quelque hésitation. Sollicité d'un côté par la réalité qui commençait à
préoccuper exclusivement la plupart des artistes, de l'autre par les inventions poétiques ou roma-
nesques contemporaines qui avaient eu et avaient encore une grande influence sur son imagination,
il n'a pas su tout d'abord prendre un parti : de là des tâtonnements, une certaine indécision de
caractère dans quelques-unes de ses compositions. Mais peu à peu il a abandonné ce que son
mode de conception et d'interprétation avait d'excessif et d'un peu factice, il n'a gardé que ce que
celui-ci avait de large et de vraiment Original, et il s'est franchement inspiré de la réalité. Il n'a
pas pour cela changé de méthode. Pas plus qu'auparavant, il n'a accentué outre mesure les détails
ou les accessoires. Il a continué à s'efforcer de traduire d'une façon saisissante une impression
reçue, une émotion éprouvée. Il s'est appliqué autant que jamais à exprimer les idées qu'un site
donné éveillait en lui. Seulement, il a contemplé, étudié, imité la nature avec plus de soin, de
sympathie, de respect, d'exactitude. Il y a trouvé des ressources, des forces nouvelles, et ses
dernières œuvres égalent ou plutôt surpassent presque toutes celles qui les ont précédées. L'Inon-
dation à Saint-Cloud, le Bois de la Haye, les Ruines du château de Pierrefonds se recommandent
non moins par la vérité que par le caractère et le sentiment poétique. Ces trois paysages font en
outre penser aux luttes de l'homme contre les éléments, aux joies du travailleur quand, après une
longue et laborieuse journée, les ombres du soir l'avertissent que l'heure du repos est venue, aux
générations disparues laissant à peine quelques traces de leur passage et à la nature toujours
vigoureuse et impassible ; or, de telles pensées sont plus saines, plus fortifiantes pour l'intelligence
et l'imagination, que de chimériques rêveries sur l'âme de la plante, de l'arbre ou de la terre. »

La correspondance de Paul Huet dans laquelle il m'a été permis de puiser largement et quel-
ques traits de son caractère qui l'honorent au plus haut point, vont témoigner de façon décisive
en faveur de la justesse de vues de M. Pierre Petroz.

Léon Mancino.

MÉDAILLON

Compose par Rançon et gravé par Berthault.
 
Annotationen