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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 4.1878 (Teil 2)

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Énault, Louis: Le Mont-Saint-Michel, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16909#0115

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I

9S L'ART.

l'homme de Dieu ne douta plus. 11 est vrai qu'il était payé pour croire. Aussi, obéissant enfin à
l'ordre du ciel, il alla sur la grande Tombe, au milieu de la baie, et il y construisit, en l'honneur
de l'archange, une crypte ou église souterraine pouvant contenir environ cent personnes. Ce fut
là le premier monument chrétien que le Mont-Saint-Michel ait connu. Mais Aubert ne crut point
avoir assez fait encore, et il envoya jusqu'en Asie deux hommes sûrs pour demander des reliques
de l'archange aux religieux du Mont-Gargan, où se trouvait une église bâtie en son honneur.
L'abbé du Mont-Gargan donna aux messagers d'Aubert une partie du manteau rouge porté par
le champion de Dieu, et un fragment du piédestal de marbre sur lequel se tenait autrefois le
superbe vainqueur de Satan.

Par un bonheur tout providentiel, les envoyés d'Aubert revinrent au Mont-Saint-Michel le
jour môme où Ton célébrait la dédicace de la nouvelle église. Pour que l'évidence du miracle ne
laissât plus dans les âmes la moindre place au doute, grâce à ces précieuses reliques, un grand
nombre de malades furent guéris, douze aveugles recouvrèrent la vue, et, du cœur de la roche,
jaillit une source vive, dont l'onde sacrée eut le pouvoir de guérir les fiévreux. Aubert établit là
douze clercs d'une grande piété et les consacra au service de l'archange.

Les clercs séculiers occupèrent le Mont-Saint-Michel pendant plus de trois cents ans, et,
pendant cette longue durée, le Mont-Saint-Michel n'eut pas d'histoire. On sait seulement que la
discipline de ces clercs, que l'on appelait aussi des chanoines, se relâcha singulièrement ; ils
louaient à vil prix de misérables abbés sans bénéfices, pour leur faire réciter les prières ou chanter
les offices auxquels ils étaients astreints par leur règle, tandis qu'ils chassaient, buvaient ou fai-
saient pis dans les campagnes environnantes. Aussi, en Tannée 966, Richard, duc de Normandie,
les fit mettre en jugement et condamner. Il fit davantage encore : il leur reprit le Mont, dont ils
n'étaient plus dignes, et, avec l'agrément du pape, les remplaça par des moines, dont les vertus
édifièrent toute la contrée. La bonne odeur de leur sainteté, comme disent les mystiques, se
répandit jusque dans les pays lointains.

Le duc Richard commença la série de ces grands travaux qui, se continuant de siècle en
siècle, ont fait du Mont-Saint-Michel le magnifique ensemble que nous admirons aujourd'hui. Ce
prince enrichit aussi l'abbaye de dons précieux, et, depuis lors, les rois et les grands de la terre,
(c en ce tant doulx pays de France », s'empressèrent d'imiter son exemple.

L'administration des abbés appartient surtout à l'histoire ecclésiastique de notre patrie, et
c'est à la Gallia christiana, et non pas à nous, qu'il appartient de la raconter. Tous, ou presque
tous, eurent uniquement en vue la prospérité et la grandeur de leur communauté. Ils accrurent
les domaines de l'abbaye, ou par les dons volontaires qu'on leur offrait, ou par les concessions
que leur faisaient des seigneurs pieux, et aussi par des transactions habilement conduites : pour
être moine en est-on moins Normand ? Les travaux se succédaient sans interruption, chaque abbé
tenant à honneur d'ajouter son œuvre à l'œuvre de celui dont il tenait la crosse.

Le Mont-Saint-Michel, grâce à tant d'énergique persévérance, devint bientôt célèbre dans
toute la chrétienté. C'était un des lieux de pèlerinage les plus en vogue chez nos aïeux. Les rois
y venaient ou s'y faisaient représenter par leurs favoris, et ses abbés, qui portaient la mitre
comme les évêques, correspondaient directement avec le pape, sans le canal de l'Ordinaire.

Mais le xiv° siècle n'avait pas encore atteint la moitié de son cours que l'on s'apercevait déjà
d'un certain affaiblissement dans la discipline, et d'un regrettable relâchement dans les mœurs de
la maison. On dut faire de fréquentes inspections dans la maison, et envoyer les moines, qui tra-
vaillaient peu, étudier à Caen ou à Paris.

Cependant on était arrivé déjà à l'époque la plus sanglante de cette terrible guerre, qui
coûta tant d'or et tant de sang à l'Angleterre et à la France. Une position aussi forte et aussi
importante que celle du Mont-Saint-Michel, commandant, en quelque sorte, les côtes de la Manche
et celles de la Bretagne, excita singulièrement la convoitise des belligérants. On songea donc à
tirer parti de son admirable position pour la défense du pays. A partir de 1334, l'abbé du Mont-
Saint-Michel prit aussi le titre de capitaine du Mont. Il fallait savoir tenir la crosse d'une main
et l'épée de l'autre. Les habitants des paroisses voisines, dans la mouvance du Mont, lui devaient
 
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