Fleuron composé par Marius (Michel) fils.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.
LES CONCERTS ÉTRANGERS AU TROCADÉRO
Aussi remarquable sous le rapport artistique qu'au point de
vue purement industriel, l'Exposition de 1878 aura e'té l'occasion
et le prétexte de manifestations vraiment intéressantes et jus-
qu'ici sans analogues et sans pre'ce'dcnts. Entre autres nouveautés,
l'idée d'une exposition musicale e'tait particulièrement heureuse,
car jamais encore, en pareille circonstance, cette idée n'avait été
même entrevue. Appeler dans cette admirable salle des fêtes du
Trocadéro —moins bonne, hélas! qu'elle n'est belle —les meil-
leures sociétés musicales de l'Europe entière, les convier à une
sorte de tournoi harmonieux, les faire défiler successivement
devant un public avide et curieux de comparaisons, c'était là
une pensée véritablement ingénieuse, essentiellement artistique,
et digne du meilleur accueil.
Il est regrettable que certains empêchements particuliers,
certaines difficultés pratiques, certains incidents inattendus soient
venus arrêter un peu son essor, et ne lui aient pas permis de
porter tous les fruits qu'on en attendait. Dès le premier jour, il
semblait que la musique serait aussi largement représentée que
les autres arts à notre admirable Exposition, et l'on pouvait
espérer que la manifestation serait à peu près complète. En
effet, voici ce que, tout d'abord, on nous annonçait : pour l'Italie,
l'orchestre de la Scala, de Milan; celui des concerts populaires,
de Turin; celui du théâtre Apollo, de Rome; la Société orches-
trale florentine ; la Société des quatuors de Rome, de M. Sgambati ;
des séances de musique de chambre organisées par le conserva-
toire de Palcrme ; — pour l'Autriche, l'orchestre de l'Opéra
impérial de Vienne, dirigé par M. Hans Richter; —pour la
Belgique, l'orchestre des concerts populaires de Bruxelles, dirigé
par M. Joseph Dupont ; — pour les Pays-Bas, l'orchestre du
Palais de l'Industrie d'Amsterdam, dirigé par M. Coenen; —
pour l'Espagne, la Société des concerts de Madrid, et la Société
des quatuors de M. Monasterio, de la même ville; — pour l'An-
gleterre, l'orchestre de Covent-Garden ; — pour la Russie, plu-
sieurs concerts organisés par M. Nicolas Rubinstein; — pour la
Suède et la Norwège, quelques séances données par les étudiants
d'Upsalet de Christiania; — pour le Danemarck, un concert donné
avec le concours de l'orchestre officiel français.
Malheureusement, et pour diverses causes, plusieurs des
projets primitifs n'ont pu aboutir. M. Mancinelli, chef d'orchestre
du théâtre Apollo, est tombé gravement malade au moment où
il lui aurait fallu s'occuper des conditions du voyage de son
orchestre, de telle sorte qu'il n'a pu l'amener; une fois remis, il
a pu seulement venir à Paris pour diriger l'exécution de ses
intermèdes de Cléopâtre, inscrits sur les programmes de l'or-
chestre de Turin. De même, M. Monasterio s'est trouvé dans un
état de santé tel qu'il lui a été impossible d'amener à l'Exposition
la Société des quatuors de Madrid. D'autre part, la Société
orchestrale florentine n'a pu, dit-on, se procurer les ressources
nécessaires au déplacement de son nombreux personnel. Enfin,
d'autres raisons, que j'ignore, ont empêché le voyage à Paris de
divers autres corps de musique étrangers.
En fait, voici le détail des séances de musique étrangère
données jusqu'à ce jour au Trocadéro : i° Trois concerts donnés
par l'orchestre du Palais de l'Industrie d'Amsterdam ; i" cinq
concerts donnés par la Société orchestrale de la Scala; 30 quatre
concerts donnés par l'orchestre des concerts populaires de Turin;
4° un concert donné par une compagnie d'artistes espagnols
sous la direction de M. Rovira; 50 un concert de musique
anglaise donné par M. Arthur Sullivan, qui dirigeait l'orchestre
officiel français, et deux séances de musique vocale anglaise
données par M. Henry Leslie et son chœur; 6° deux séances
de musique vocale Scandinave données par les étudiants des
universités d'Upsal et de Christiania, sous la direction de
MM. Hedenblad et Behrens, et une séance de musique de cham-
bre suédoise et norwégienne donnée avec le concours d'artistes
français ; 70 les trois concerts de musique russe dirigés par M. Ni-
colas Rubinstein. Il est bien entendu que nous ne parlons
ici ni des tsiganes de la cjarda hongroise, ni des chanteurs
arabes du café marocain, ni des Bohémiens russes (?) de l'oran-
gerie des Tuileries, ni des séances données au même endroit
par MM. Johann Strauss et Philippe Fahrbach à la tète d'un
orchestre français. Cela rentre plus dans le domaine de la cu-
riosité musicale que de l'art proprement dit.
La première compagnie instrumentale qui soit venue se faire
entendre au Trocadéro est l'orchestre du Palais de l'Industrie
d'Amsterdam, que dirige M. Johan Coenen. J'avais entendu cet
orchestre il y a quelques années, à Amsterdam même, et j'avais
apprécié son aplomb, sa belle tenue, sa fermeté; mais aussi je lui
aurais désiré un peu plus d'élan, de verve, de chaleur communi-
cative. Tout ce que j'entendais était correct, «bien d'ensemble»,
pour me servir d'un terme familier aux sculpteurs, mais en
même temps froid et un peu compassé. J'ai remarqué, ici, les
mêmes qualités et les mêmes défauts, et j'ajouterai que les mou-
vements de certaines œuvres classiques, pris dans une lenteur
exagérée, contribuaient encore à glacer l'exécution. Les pro-
grammes, d'ailleurs, n'excitaient qu'un intérêt relatif. La Néer-
lande n'est pas ce qu'on appelle un pays de production musicale,
et, bien qu'elle possède quelques compositeurs distingués, entre
autres MM. Richard Hol, Édouard de Hartog, Nicolaï, Heinze,
Verhulst, les œuvres de ces artistes aimables ne sont toujours que
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.
LES CONCERTS ÉTRANGERS AU TROCADÉRO
Aussi remarquable sous le rapport artistique qu'au point de
vue purement industriel, l'Exposition de 1878 aura e'té l'occasion
et le prétexte de manifestations vraiment intéressantes et jus-
qu'ici sans analogues et sans pre'ce'dcnts. Entre autres nouveautés,
l'idée d'une exposition musicale e'tait particulièrement heureuse,
car jamais encore, en pareille circonstance, cette idée n'avait été
même entrevue. Appeler dans cette admirable salle des fêtes du
Trocadéro —moins bonne, hélas! qu'elle n'est belle —les meil-
leures sociétés musicales de l'Europe entière, les convier à une
sorte de tournoi harmonieux, les faire défiler successivement
devant un public avide et curieux de comparaisons, c'était là
une pensée véritablement ingénieuse, essentiellement artistique,
et digne du meilleur accueil.
Il est regrettable que certains empêchements particuliers,
certaines difficultés pratiques, certains incidents inattendus soient
venus arrêter un peu son essor, et ne lui aient pas permis de
porter tous les fruits qu'on en attendait. Dès le premier jour, il
semblait que la musique serait aussi largement représentée que
les autres arts à notre admirable Exposition, et l'on pouvait
espérer que la manifestation serait à peu près complète. En
effet, voici ce que, tout d'abord, on nous annonçait : pour l'Italie,
l'orchestre de la Scala, de Milan; celui des concerts populaires,
de Turin; celui du théâtre Apollo, de Rome; la Société orches-
trale florentine ; la Société des quatuors de Rome, de M. Sgambati ;
des séances de musique de chambre organisées par le conserva-
toire de Palcrme ; — pour l'Autriche, l'orchestre de l'Opéra
impérial de Vienne, dirigé par M. Hans Richter; —pour la
Belgique, l'orchestre des concerts populaires de Bruxelles, dirigé
par M. Joseph Dupont ; — pour les Pays-Bas, l'orchestre du
Palais de l'Industrie d'Amsterdam, dirigé par M. Coenen; —
pour l'Espagne, la Société des concerts de Madrid, et la Société
des quatuors de M. Monasterio, de la même ville; — pour l'An-
gleterre, l'orchestre de Covent-Garden ; — pour la Russie, plu-
sieurs concerts organisés par M. Nicolas Rubinstein; — pour la
Suède et la Norwège, quelques séances données par les étudiants
d'Upsalet de Christiania; — pour le Danemarck, un concert donné
avec le concours de l'orchestre officiel français.
Malheureusement, et pour diverses causes, plusieurs des
projets primitifs n'ont pu aboutir. M. Mancinelli, chef d'orchestre
du théâtre Apollo, est tombé gravement malade au moment où
il lui aurait fallu s'occuper des conditions du voyage de son
orchestre, de telle sorte qu'il n'a pu l'amener; une fois remis, il
a pu seulement venir à Paris pour diriger l'exécution de ses
intermèdes de Cléopâtre, inscrits sur les programmes de l'or-
chestre de Turin. De même, M. Monasterio s'est trouvé dans un
état de santé tel qu'il lui a été impossible d'amener à l'Exposition
la Société des quatuors de Madrid. D'autre part, la Société
orchestrale florentine n'a pu, dit-on, se procurer les ressources
nécessaires au déplacement de son nombreux personnel. Enfin,
d'autres raisons, que j'ignore, ont empêché le voyage à Paris de
divers autres corps de musique étrangers.
En fait, voici le détail des séances de musique étrangère
données jusqu'à ce jour au Trocadéro : i° Trois concerts donnés
par l'orchestre du Palais de l'Industrie d'Amsterdam ; i" cinq
concerts donnés par la Société orchestrale de la Scala; 30 quatre
concerts donnés par l'orchestre des concerts populaires de Turin;
4° un concert donné par une compagnie d'artistes espagnols
sous la direction de M. Rovira; 50 un concert de musique
anglaise donné par M. Arthur Sullivan, qui dirigeait l'orchestre
officiel français, et deux séances de musique vocale anglaise
données par M. Henry Leslie et son chœur; 6° deux séances
de musique vocale Scandinave données par les étudiants des
universités d'Upsal et de Christiania, sous la direction de
MM. Hedenblad et Behrens, et une séance de musique de cham-
bre suédoise et norwégienne donnée avec le concours d'artistes
français ; 70 les trois concerts de musique russe dirigés par M. Ni-
colas Rubinstein. Il est bien entendu que nous ne parlons
ici ni des tsiganes de la cjarda hongroise, ni des chanteurs
arabes du café marocain, ni des Bohémiens russes (?) de l'oran-
gerie des Tuileries, ni des séances données au même endroit
par MM. Johann Strauss et Philippe Fahrbach à la tète d'un
orchestre français. Cela rentre plus dans le domaine de la cu-
riosité musicale que de l'art proprement dit.
La première compagnie instrumentale qui soit venue se faire
entendre au Trocadéro est l'orchestre du Palais de l'Industrie
d'Amsterdam, que dirige M. Johan Coenen. J'avais entendu cet
orchestre il y a quelques années, à Amsterdam même, et j'avais
apprécié son aplomb, sa belle tenue, sa fermeté; mais aussi je lui
aurais désiré un peu plus d'élan, de verve, de chaleur communi-
cative. Tout ce que j'entendais était correct, «bien d'ensemble»,
pour me servir d'un terme familier aux sculpteurs, mais en
même temps froid et un peu compassé. J'ai remarqué, ici, les
mêmes qualités et les mêmes défauts, et j'ajouterai que les mou-
vements de certaines œuvres classiques, pris dans une lenteur
exagérée, contribuaient encore à glacer l'exécution. Les pro-
grammes, d'ailleurs, n'excitaient qu'un intérêt relatif. La Néer-
lande n'est pas ce qu'on appelle un pays de production musicale,
et, bien qu'elle possède quelques compositeurs distingués, entre
autres MM. Richard Hol, Édouard de Hartog, Nicolaï, Heinze,
Verhulst, les œuvres de ces artistes aimables ne sont toujours que