L' art: revue hebdomadaire illustrée (5.1879 (Teil 1))

Frontispice composé par J. Berain.

CHARLES LE BRUN

ET SON INFLUENCE SUR L'ART DÉCORATIF'

II

e rôle, si Ton aime mieux, la mission de la royauté en France a
été la constitution de l'unité nationale. Pour les rois qui se sont
succédé sur le trône, cette unité était moins encore une aspiration
de leur orgueil qu'une nécessité imposée par le soin de leur propre
sécurité. Vers ce but, avec plus ou moins d'habileté et de fortune,
ils marchèrent tous ; et, après de longues luttes, ils y parvinrent
définitivement sous Louis XIV qui put dire : « L'État c'est moi,
tout ce qui existe en France, hommes et choses, m'appartient. »
Louis XIV avait de son droit sans limites, de cette condition de
Lettre du xvn siècle. son pouvoir, une conviction presque naïve à force d'être profonde,

et, sauf quelques rares exceptions, bien peu d'esprits recherchant l'origine des choses, discutaient
alors ces formules de la toute-puissance. Le peuple les acceptait comme d'essence divine, il n'osait
se plaindre, l'Église lui ayant enseigné que la douleur est sainte.

Cette unité que le roi établit si imposante, si forte, dans l'ordre politique, dans la vie sociale,
il voulut la retrouver dans le monde de la pensée et de ses manifestations ; après avoir brisé toutes
les résistances, enrégimenté noblesse et justice, il voulut embrigader les arts et les artistes,
les tenir dans sa main comme il tenait le reste. Quel sort plus noble ceux-ci pouvaient-ils rêver,
que celui d'orner, de fêter sa gloire, que de vivre de ses bienfaits relevés par des paroles
heureuses ? Cette conception ne manquait assurément point de grandeur, mais on ne saurait faire

i. Voir l'A ri, 4" année, tome II, page j.

Tome XVI. 18