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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 2)

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Nécrologie
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https://doi.org/10.11588/diglit.17800#0033

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Cartouche nécrologique composé tour « [.'Art i par John Watkins.

Un peintre, qui eut son heure de gloire, Thomas
Couture, vient de mourir dans sa soixante-quatrième
année à Villiers-le-Bel, où il avait une propriété'. Il e'tait né
à Senlis, le 21 décembre 1815. Élève de Gros, puis de Paul
Delaroche, il obtenait en 1857 le second grand prix de
Rome, et débutait au Salon de 1840 par un tableau intitulé:
Jeune Vénitien après une orgie. L'année suivante il exposait
trois tableaux: Une Veuve, l'Enfant prodigue et le Retour
des champs ; en 1843, un Trouvère et deux portraits ; en
1844, Joconde et l'Amour de l'or (musée de Toulouse), qui
lui valaient une troisième médaille. Son grand succès date
de 1847. La grande toile, les Romains de la décadence,
fut l'événement du Salon de cette année, et le peintre fut
récompensé par la première médaille et par l'achat de son
tableau pour le musée du Luxembourg. On raconte à ce
propos une anecdote assez curieuse. Le gouvernement,
décidé à cette acquisition, offrit à Couture 8,000 francs et
la croix, ou bien 10,000 francs sans la croix. L'artiste qui
venait de consacrer trois années à.ce vaste travail, dînant
peu, et déjeunant moins encore, opta pour cette dernière
proposition. Nous ne garantissons pas l'authenticité de
cette légende, mais toujours est-il que Couture ne fut
décoré de la Légion d'honneur qu'en 1848, un an après
l'apparition de l'œuvre qui lui avait fait une immense
popularité. Après ce coup d'éclat, sinon de maître, Cou-
ture se repose sur ses lauriers pendant quatre ans. Au
Salon de 1852, il expose deux portraits et une tête de
fantaisie, la Bohémienne. A l'Exposition universelle de
1855 il reparaît avec ses Romains de la décadence et un
Fauconnier, qui, moins ambitieux, est peut-être son chef-
d'œuvre au point de vue de l'exécution, et le jury inter-
national confirme sa première médaille de 1847. Depuis
cette époque Couture n'a plus beaucoup fait parler de lui.
Ses deux toiles officielles, le Retour de Crimée et le
Baptême du prince impérial, n'ont guère ajouté à sa re-
nommée. On lui doit la décoration de la chapelle de la
Vierge à Saint-Eustache, et l'on cite parmi ses portraits
deux beaux fusains de George Sand et de Béranger. Un

1. Voir l'Art, y année, tome I", page 56, article de M. Jean Rousseau

2. Voir l'Art, <,' annce, tome 1", page 304.

livre sur l'art et les artistes, devenu très rare et publié
non sans peine, car Couture, dont la conversation ne
manquait ni d'esprit ni de verve, exprimait difficilement
ses idées la plume à la main, excita contre lui parmi ses
confrères d'assez vives animosités ; son caractère s'aigrit, et
l'artiste isolé, misanthrope, a fini dans l'oubli après avoir
connu toutes les ivresses de la célébrité.

Couture avait de son talent, bien mieux, de son génie,
une idée beaucoup plus haute que de raison. Il ne fau-
drait pas surfaire ce génie-là, et l'opinion qui l'a dé-
laissé après un engouement extraordinaire , paraît peu
disposée à l'exagération dans ce sens ; mais il ne fau-
drait pas non plus pousser trop loin la réaction en sens
inverse.

Le peintre du Fauconnier était un véritable coloriste,
et le peintre des Romains de la décadence savait emman-
cher habilement une « grande machine ». Diaz, qui
appelait Couture un « champignon vénéneux », disait de ces
fameux Romains : « Si j'avais ça, je peindrais dessus. »
Et Couture se vengeait spirituellement par cette boutade:
« Ah ! oui, vous, vous avez le génie du tronc .d'arbre *. »
Le plus piquant de l'histoire, c'est que Diaz lui-même fit
un jour du Couture sans le savoir, à preuve ses Dernières
larmes, dont la facture est aussi veule que celle des
Romains de la décadence sans offrir les mêmes qualités de
composition. Cette toile jadis trop vantée est aujourd'hui
trop dédaignée, et parmi les peintres contemporains nous
n'en voyons pas tant qui en viendraient à bout. Couture
a payé cher un succès trop retentissant. Il est vrai que son
œuvre est inégale, et qu'elle abonde en promesses qui
toutes n'ont pas été tenues, ii s'en faut de beaucoup; et
cependant son nom restera.

— Dans l'article que nous avons consacré dernière-
ment - à Eugène Millet, nous avons dit par erreur que
cet éminent architecte, dont la mort a été si vivement
ressentie par ses confrères et ses nombreux amis, était le
frère du sculpteur Aimé Millet. Ces deux artistes n'étaient
point parents.

sur Di'iiv

Le Directeur-Gérant, EUGÈNE VÉRON.
 
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