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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 5.1879 (Teil 4)

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https://doi.org/10.11588/diglit.17802#0057
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CXLV1I1

Etude sur le musée de tableaux de Grenoble, avec dix photogra-
phies reproduisant les chefs-d'œuvre du musée; un volume
in-8" de 242 pages, par Marcel Reymonh.— Paris, librairie
de l'Art. —Grenoble, librairie Maisonvillc. — 1879.

Il serait bien à désirer qu'il se trouvât dans les départements
beaucoup de personnes ayant le loisir et les connaissances néces-
saires, pour faire sur le musée de leur ville un travail analogue à
celui que vient de publier M. Marcel Reymond sur celui de
Grenoble. Les musées de province sont pour la plupart fort mal
connus. On n'a guère sur eux que quelques notes prises en pas-
sant par des amateurs, qui n'ont pas eu le temps de s'arrêter et
de faire sur place des recherches sérieuses.

Le livre de M. Clément de Ris, le plus complet que nous
ayons sur cette matière et le plus consciencieusement fait, ren-
ferme cependant un grand nombre d'erreurs. M. Marcel Revmond
en relève plusieurs relativement au seul musée de Grenoble. La
plus singulière se rapporte au Martyre de sainte Catherine
par Crayer, où M. Clément de Ris veut absolument voir un
martyre de sainte Barbe, attendu que « l'instrument du
supplice de sainte Catherine est une roue dentée et que rien ne
le rappelle dans ce tableau 9. Or, répond M. Marcel Reymond.
il y a, dans le tableau en question et au premier plan, une roue
brisée, qu'il est impossible de ne pas voir. D'ailleurs sainte
Catherine n'a pas été attachée à une roue, comme semble le croire
M. Cl. de Ris ; mais la roue qui devait être l'instrument de son
supplice se brisa tout à coup ; c'est justement en cela que consiste
le miracle, et c'est pour cela que sainte Catherine, ne pouvant
être rouée, fut décapitée, comme sainte Barbe.

Ce n'est pas le seul point sur lequel M. Marcel Reymond ne
>,oit pas d'accord avec M. Cl. de Ris, il s'en faut, mais c'est celui
où il démontre le mieux que la raison est de son côté. Après
l'avoir lu. il n'y a pas d'hésitation possible. 11 n'est pas moins
heureux à l'égard de MM. Ch. Blanc et Lejeune. Le premier,
dans son Histoire des peintres, et le second, dans son Guide de
l'amateur de tableau.\\ attribuent à Giovanni Antonio Licinio,
dit le Pordenone, une toile du musée de Grenoble qui est signée
en toutes lettres MDXXXII B. Lycinii opus, ne sachant pas
qu'il a existé un Bernardino Licinio, dont les œuvres sont
rares, mais n'en sont pas moins réelles pour cela. M. Marcel
Reymond prend occasion de cette erreur pour rassembler sur
cet artiste peu connu, mais d'un incontestable talent, une assez
grande quantité de renseignements que ses prédécesseurs auraient
pu trouver comme lui, s'ils s'étaient donné la peine de les cher-
cher, au lieu de copier sans vérification des attributions de
fantaisie.

Le plan suivi par M. Marcel Reymond est très simple et
d'une lucidité parfaite. 11 commence par faire l'histoire de son
musée depuis sa fondation jusqu'à nos jours. Le point de départ
est dans l'envoi de 17 tableaux fait le 7 ventôse an VII, par le
musée central. M. Jay. professeur de dessin, à Grenoble, profita
de l'occasion pour fonder un musée et en vint à bout malgré
l'opposition de M. Ricard, préfet du département. Le musée,
après avoir été installé dans les salles de l'évèché, fut transféré
deux ans après dans les bâtiments du lycée. Mais la ville de
Grenoble a tenu à ce que ses collections artistiques eussent un
local à elles, bien approprié. Elle n'a pas craint de s'imposer les
dépenses nécessaires, comprenant que l'on ne perd jamais l'argent
qu'on emploie à développer le goût public. En 1869 fut inauguré
le nouveau bâtiment qui a été construit spécialement pour con-
tenir le musée et la bibliothèque.

Les collections du musée sont au nombre de huit : tableaux,
dessins et gravures, sculpture, épigraphie, meubles et objets
d'art, portraits dauphinois, art et objets historiques, et médailles.

Le musée de Grenoble n'a eu jusqu'à présent que trois con-
servateurs : M. Jay. de 1800 à 1815 ; M. Rolland, de 1817 à 185 î :
M. Debelle, le conservateur actuel. Il a eu la chance, assez rare,
que ces trois conservateurs se sont trouvés être trois hommes
dévoués à leur fonction.

Le premier catalogue, rédige en 1800 par M. Jay, compre-
nait 186 tableaux. Le second, daté de 1809, ne porte plus que
174 tableaux et 33 statues. En 1851, M. Rolland trouve seule-
ment 129 tableaux et 10 statues; en 1834, 148 tableaux et

10 statues; en 1838, 156 tableaux, 16" statues; en 1840, 167 ta-
j bleaux, 16 statues; en 1844, un nouveau catalogue, beaucoup

plus étudié que les précédents, est rédigé par M. Rolland, aidé
de MM. Crépu et Répellin ; il donne 234 tableaux et 28 statues.
Depuis 1866 M. Debelle, le conservateur actuel, a publié quatre
nouveaux catalogues. Celui de 1866 porte 295 tableaux, 46 sta-
tues et 50 dessins; celui de 1870, 317 tableaux, 57 statues,
50 dessins; celui de 1874, 356 tableaux, 87 statues, 86 dessins,
et enfin celui de 1878, 367 tableaux, 182 statues et 96 dessins.

Le musée de Grenoble est donc loin d'être un des plus riches
par le nombre, mais la qualité compense cette infériorité.

M. Marcel Reymond a eu l'heureuse idée de faire précéder
son étude par quelques pages où il donne les dimensions et la
provenance — autant qu'on la connaît — des tableaux du musée ;

11 indique en même temps quels sont ceux qui sont signés et
datés. Ces renseignements peuvent être fort utiles pour établir
l'authenticité. Il donne même le fac-similé d'un certain nombre
des signatures.

Je ne puis suivre M. Marcel Reymond dans les discussions
qu'il institue pour établir ou pour combattre un certain nombre
d'attributions. Je dois dire seulement qu'on trouve là la preuve
d'un travail de recherches très sérieux et un accent de sincérité
qui dispose en faveur de ses affirmations. Sa critique parait en
général fondée sur des principes esthétiques parfaitement rai-
sonnés. Je ne ferais guère de réserve qu'en faveur de la couleur
qu'il me paraît sacrifier trop complètement à la ligne ; comme
si la couleur n'avait pas une part essentielle dans la production
de l'effet et de l'impression totale. Il y a là un reste du préjugé
académique qui tend toujours à ramener la peinture aux condi-
tions de la sculpture. Je n'admets pas non plus, je l'avoue, son
admiration pour l'habileté de AI. Cabanel « à peindre une main
de femme », et je trouve quelque exagération dans l'éloge qu'il
fait de la « précision » de M. Hébert.

Mais ce sont là des détails qui n'ont pas grande importance
et qui disparaissent dans la justesse de l'ensemble. Pour moi, je
suis tout disposé à pardonner ces quelques exagérations en
faveur de la page où est expliquée la désastreuse influence qu'a
exercée sur la peinture française l'absurde éclectisme des pein-
tres de Bologne. Les Clouet avaient ouvert la voie à l'art fran-
çais, mais dès le commencement du xvn° siècle les Bolonais se
jettent à la traverse. « Simon Vouet part pour l'Italie, écrit
M. Reymond, et là, au lieu de puiser ses inspirations à la source
pure des grands maîtres, il se laisse entraîner à tous les caprices,
à toutes les futilités de la mode. A la fraîcheur, à l'application
studieuse, à la pénétrante observation du génie français, il sub-
stitue dès son retour à Paris la banalité, les formules apprises,
les procédés d'école des Bolonais. L'art était d'un jeune homme,
il devient subitement d'un vieillard. Les arts du dessin, l'ar-
chitecture, la sculpture et la peinture, soumis, on le sait, aux
mêmes lois de progrès ou de décadence, suivent une marche
 
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