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Levasseur, E.: De l'influence générale de l'art sur l'industrie, [2]
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0119
io8 L'ART.
si longtemps distinguée. A-t-elle un style original? Il est plus difficile de juger à cet égard son
propre temps que les temps passés. Pour bien discerner les grandes lignes d'une perspective, il
faut que les faits soient placés dans un certain éloignement. C'est une loi qui s'applique à
l'histoire de l'art comme à l'histoire politique. Il serait d'ailleurs impossible de caractériser le
style contemporain sans assigner un rang aux artistes qui l'ont créé et au milieu desquels nous
vivons; nous risquerions de prendre nos sympathies pour des arrêts de la justice. Nous nous
arrêtons donc ici.
Mais nous ne pouvons nous empêcher de dire, d'une manière générale, que si, à l'époque de
la Renaissance, l'art français s'était retrempé dans l'étude de l'antique, c'est aussi dans une étude
plus approfondie de l'antiquité grecque et romaine que l'architecture contemporaine a puisé en
partie ses inspirations. Les fouilles de Pompei et les travaux de l'Ecole française d'Athènes ont
contribué à ce réveil; la construction de nombreux édifices à Paris et dans nos autres grandes
villes a permis à des talents divers de se produire. Les façades intérieures du nouveau Louvre
par lesquelles le second empire avait débuté pouvaient être vivement critiquées comme étant
surchargées et théâtrales; le Palais de justice, qui est une de ses dernières œuvres, accuse au
contraire un style ferme et simple : je mentionne seulement les oeuvres d'artistes morts. Les
nombreuses maisons qu'on a élevées sur les nouveaux boulevards sont loin d'avoir une valeur
égale au point de vue du goût; le sujet d'ailleurs est ingrat, et cependant la manière dont il a
été traité atteste chez beaucoup d'architectes d'heureux efforts. Ces efforts ont été plus heureux
encore lorsqu'ils se sont appliqués à la construction des hôtels de proportions plus restreintes qui
se sont multipliés dans les quartiers, élégants de la ville. Notre sculpture a repris aussi une vie
nouvelle, et elle restera assurément une des manifestations les plus remarquables de l'art dans la
seconde moitié du xixe siècle.
L'industrie a-t-elle suivi docilement ces maîtres? Moins sans doute qu'elle ne le faisait
autrefois, parce qu'elle puise aujourd'hui ses inspirations à un plus grand nombre de sources;
plus cependant qu'elle ne le croit elle-même. Les grandes oeuvres de l'architecture resteront
toujours les modèles qui frapperont le plus les yeux, et, par suite des convenances ou des
nécessités de l'agencement des formes, elles imposeront dans l'avenir comme dans le passé, plus
généralement que les autres arts, leur style aux industries qui contribuent à l'ameublement et à
l'ornement de nos demeures.
E. Levasseur,
Membre de l'Institut de Fiance.
Marteau de porte
composé et gravé par Lepautre.
si longtemps distinguée. A-t-elle un style original? Il est plus difficile de juger à cet égard son
propre temps que les temps passés. Pour bien discerner les grandes lignes d'une perspective, il
faut que les faits soient placés dans un certain éloignement. C'est une loi qui s'applique à
l'histoire de l'art comme à l'histoire politique. Il serait d'ailleurs impossible de caractériser le
style contemporain sans assigner un rang aux artistes qui l'ont créé et au milieu desquels nous
vivons; nous risquerions de prendre nos sympathies pour des arrêts de la justice. Nous nous
arrêtons donc ici.
Mais nous ne pouvons nous empêcher de dire, d'une manière générale, que si, à l'époque de
la Renaissance, l'art français s'était retrempé dans l'étude de l'antique, c'est aussi dans une étude
plus approfondie de l'antiquité grecque et romaine que l'architecture contemporaine a puisé en
partie ses inspirations. Les fouilles de Pompei et les travaux de l'Ecole française d'Athènes ont
contribué à ce réveil; la construction de nombreux édifices à Paris et dans nos autres grandes
villes a permis à des talents divers de se produire. Les façades intérieures du nouveau Louvre
par lesquelles le second empire avait débuté pouvaient être vivement critiquées comme étant
surchargées et théâtrales; le Palais de justice, qui est une de ses dernières œuvres, accuse au
contraire un style ferme et simple : je mentionne seulement les oeuvres d'artistes morts. Les
nombreuses maisons qu'on a élevées sur les nouveaux boulevards sont loin d'avoir une valeur
égale au point de vue du goût; le sujet d'ailleurs est ingrat, et cependant la manière dont il a
été traité atteste chez beaucoup d'architectes d'heureux efforts. Ces efforts ont été plus heureux
encore lorsqu'ils se sont appliqués à la construction des hôtels de proportions plus restreintes qui
se sont multipliés dans les quartiers, élégants de la ville. Notre sculpture a repris aussi une vie
nouvelle, et elle restera assurément une des manifestations les plus remarquables de l'art dans la
seconde moitié du xixe siècle.
L'industrie a-t-elle suivi docilement ces maîtres? Moins sans doute qu'elle ne le faisait
autrefois, parce qu'elle puise aujourd'hui ses inspirations à un plus grand nombre de sources;
plus cependant qu'elle ne le croit elle-même. Les grandes oeuvres de l'architecture resteront
toujours les modèles qui frapperont le plus les yeux, et, par suite des convenances ou des
nécessités de l'agencement des formes, elles imposeront dans l'avenir comme dans le passé, plus
généralement que les autres arts, leur style aux industries qui contribuent à l'ameublement et à
l'ornement de nos demeures.
E. Levasseur,
Membre de l'Institut de Fiance.
Marteau de porte
composé et gravé par Lepautre.