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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Le Blanc du Vernet, ...: Japonisme
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0316

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288

L'ART.

Le goût européen, puisé aux sources conventionnelles de l'esthétique classique, se cabre en
présence de ce style également conventionnel, auquel les artistes du Nippon s'assujettissent, dans
la reproduction de la figure humaine, qu'ils traitent avec un humour poussé jusqu'au paroxysme
de l'ironie et devant leur indifférence pour les lois de la perspective qu'ils dédaignent souvent
mais observent parfois. Ils professent un grand dédain pour la forme humaine, qu'ils ne consi-
dèrent que comme l'enveloppe éphémère d'une âme périssable, destinée à disparaître dans le néant
du nirvana.

Qu'ils traitent la céramique, la peinture, le bronze ou les laques, tant qu'ils n'attaquent pas
d'autres motifs que les végétaux, les oiseaux, les poissons, les insectes ou les fleurs, les Japonais
sont inimitables. Leurs fleurs sont si vivantes, qu'elles justifient la doctrine du naturaliste qui a
dit que le végétal est un animal qui dort. Dans l'Orient, pays par excellence des arts décoratifs,
ils doivent être considérés comme des décorateurs et des ornemanistes sans rivaux, parce qu'ils
savent sacrifier les détails aux exigences de l'ensemble avec une grâce voluptueuse, noble et har-
monieuse. Ce sont des primitifs à la fois naïfs et avisés. Ils déploient plus de style dans l'inter-
prétation libre d'un oiseau, d'un poisson, d'un insecte ou d'une fleur que nous n'en mettons à
interpréter un dieu, un héros, une vierge ou une bacchante. Ils rendent avec sincérité l'intime
rayonnement, les situations mystérieuses des êtres et des choses, qui constituent le vrai beau,
parce que c'est la vie. La décoration, que nous envisageons d'une manière si roide ou si décla-
matoire, et que nous exécutons d'une façon algébrique et géométrique, devrait être, comme chez
eux, spontanée et lyrique. On trouve dans leurs œuvres cette science et cette adoration de la
nature qui donnent la couleur, la vibration et, pour ainsi dire, le parfum à tout ce qui sort de
leurs mains, avec un spirituel abandon, une sensibilité exquise et une émotion communicative. Ils
ont, en un mot, le génie de l'interprétation, qui les préserve de l'affectation de l'idéalisme subtil
et des ignominies du réalisme brutal. Certains albums, surtout les albums d'insectes, d'oiseaux et
de fleurs, sont éclatants comme des écrins de pierreries.

L'apogée de l'art japonais coïncide avec la Renaissance et a fleuri presque à la même heure.
Il marche de pair avec celui dont nous relevons et le prime souvent. A l'extrême rigueur, la
comparaison deviendrait inquiétante pour nous devant un aéropage compétent. L'art de l'Occident,
abstraction faite du mérite personnel des artistes, est empreint d'une espèce d'automatisme ; l'art
de l'extrême Orient a la vibrante spontanéité de la vie, mêlée d'un parfum de sauvagerie, qui lui
donne une mordante et mystérieuse saveur.

J'ai sous la main des spécimens, triés sur le volet, des diverses productions de cet art, dont
je poursuis obstinément la synthèse. Ce que j'en dis n'est donc pas l'expression fantaisiste et
dithyrambique d'un engouement provoqué par la magie des charmeurs du Nippon ; c'est un
procès-verbal raisonné, résultant de l'étude assidue d'un art aristocratique et sobre, qui s'accli-
matera chez nous sous le patronage éclairé des artistes qu'il ravit.

Depuis que les étrangers ont pénétré au Japon, ce pays a perdu son caractère génial; l'âge
d'or de l'art a fait son temps ; l'âge de fer de l'industrie a commencé.

Le Blanc du Vernet.
 
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