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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 1)

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Énault, Louis: L' exposition de Nice
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https://doi.org/10.11588/diglit.18607#0350

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L'EXPOSITION DE NICE

L'exposition de Nice obtient un succès qui va grandissant
d'année en année auprès des gens du monde, des amateurs et
des artistes. Organisées par la Société des Beaux-Arts de la ville,
ces expositions jouissent, depuis longtemps déjà, de la sympathie
et de la faveur de tout le monde. On leur veut du bien en haut
lieu. C'est ainsi que l'administration supérieure des Beaux-Arts
a offert pour la loterie un service à thé, sortant de la manu-
facture nationale de Sèvres, et douze gravures avant la lettre,
empruntées à l'œuvre de différents maîtres ; elle a voulu égale-
ment que deux toiles offertes par elle au musée de Nice, Jacob
che% Laban, de Lerolle, l'Hallali, d'hermann Léon, et deux
statues ayant la môme destination, l'Oreste, d'HuGounN, et le
Jeune Faune, de Lenoir, figurassent d'abord dans les salons de
l'exposition avant d'aller prendre leur place dans les galeries
de la ville. Celle-ci tient également à honneur de prouver sa
sympathie à la Société des Beaux-Arts; aussi lui accorde-t-elle
une subvention de dix mille francs, moitié pour subvenir à ses
frais généraux, moitié pour acquérir des objets d'art, destinés au
musée.

Les organisateurs de l'exposition de Nice suivent d'un œil
trop attentif le mouvement artistique contemporain pour ne pas
donner à leur programme un caractère très libéral et très large-
ment compréhensif. Il suffira, pour s'en convaincre, d'un seul
regard jeté sur le catalogue. Ce catalogue ne nous offre pas
seulement des statues, des tableaux, des aquarelles, des dessins
et des gravures, comme toutes les expositions parisiennes ou
provinciales : il y ajoute encore deux branches, très importantes
et très à la mode, des arts décoratifs contemporains : la céramique
et l'émail.

L'exposition de Nice nous a montré plus de neuf cents
objets : cinq cents tableaux ; cent quarante-quatre dessins,
aquarelles, pastels et gravures ; treize études architecturales,
quarante-six morceaux de sculpture, cent quatre-vingt-dix-huit
pièces de céramique et d'émail.

Pour nous, qui suivons les expositions de Nice depuis leur
origine, et avec toute l'attention qu'elles méritent, nous sommes
frappé tout particulièrement du caractère nouveau que celle-ci
nous présente, et de l'espèce de transformation qu'elle a subie.
Dans les premiers temps ces expositions accusaient une forte
prédominance de l'élément italien. Cela se comprend de reste :
l'Italie est si voisine, et le fond de la population a de telles ana-
logies avec la race des anciens maîtres du pays, que l'on s'éton-
nerait peut-être qu'il en eût été autrement tout d'abord. Plus
tard, les expositions de Nice prirent un caractère assez franche-
ment cosmopolite, dû, sans aucun doute, à la présence des
colonies étrangères attirées par la douceur d'un ciel clément et
d'un climat tempéré, et qui apportaient, chacune avec soi, les
arts de leur pays. Belges, Anglais, Hollandais, Espagnols s'y
coudoyaient avec des Allemands et des Russes. On peut dire
qu'aujourd'hui avec les Meissonier, les Gérôme, les Flandrin,
les Delaunay, les Berne-Bellecour, les Brown, les Defaux, les
Duez,les Gilbert, les Laurent, les Henner, lesThirion, les Vollon,
les Veyrassat, l'influence française reprend son rang et domine.
Plus d'une fois nous avons cru nous trouver avenue des Champs-
Elysées, et non plus avenue de la Gare, sur les bords de la Seine,
et non sur le rivage méditerranéen; à Paris déjà, et non plus à
Nice. Maintenant plus que jamais les organisateurs de l'exposi-
tion de Nice — comme de beaucoup d'autres, — tiennent à
avoir des noms illustres. Nous n'avons pas le courage de les
blâmer d'un pareil goût. Les noms attirent la foule comme le
miroir attire les alouettes, et deux ou trois hommes, dont la
gloire est consacrée par l'admiration de leurs contemporains,

font plus que des milliers de médiocrités pour l'honneur et la
fortune d'un Salon.

Le catalogue de Nice annonce deux tableaux de M. Meis-
sonier. Un seul était arrivé quand j'ai visité l'exposition. C'est
un petit panneau, grand comme la main, intitulé une Vedette
sous Louis XIII, et qui résume assez fidèlement, dans son cadre
étroit, la manière du maître. La vedette, en costume gris
d'argent, est campée sur un cheval dont la robe est dans une
harmonie soutenue avec le vêtement du cavalier. Tous les détails
de l'équipement de l'homme et du harnachement du cheval
sont d'une précision minutieuse, —■ un colonel n'aurait rien à
redire à ces mille détails : ils sont tous conformes à l'ordon-
nance. Peut-être souhaiterait-on une main plus souple, un faire
plus large ; mais alors ce ne serait plus un Meissonier que nous
aurions sous les yeux ; ce serait un autre, et il y a gros à parier
que nous perdrions au change.

Nos lecteurs connaissent la Mort de saint1 Jérôme, par son
homonyme... à une lettre près. M. Gérôme, si je ne me trompe,
l'avait déjà exposée au cercle des Mirlitons, où sa composition
sobre et sévère, son exécution serrée furent appréciées des
amateurs sans rallier la foule peu amie, de nos jours, de l'ascé-
tisme monacal, et qui, voyant le saint appuyer sa tète sur le
flanc de la bête, ne demandait pas mieux que de lui dérober son
oreiller pour en faire un tapis de pied — moins vivant.

Un jeune peintre de Nice, M. Marcel Briguieoul, a fuit
preuve d'un rare sentiment dans une tête d'étude intitulé
la Juive de Tlemcen. Le type choisi est des plus heureux, et la
facture est vive et brillante. Ajoutez que cette jolie tête a pour
elle toutes les séductions de la vie : l'œil vous regarde ; la
bouche s'entr'ouvre ; elle sourit; elle va parler. On sent sur
cette joue brune, fraîche et ferme, le duvet de la pèche, cette
fleur de la jeunesse. M. Briguiboul a dépensé plus de temps
et de peine et s'est dépensé lui-même en plus d'efforts — mais
sans produire autant d'effet — dans une toile beaucoup plus
grande, Jupiter et Antiope, qui m'a cependant moins séduit.
Antiope est femme, mais Jupiter n'est pas Dieu... au moins dans
ce tableau.

Si nous voulons nous attarder encore dans la note féminine,
particulièrement douce et suave, regardons l'Adieu de Gustave
Jacquet, et demandons quel sage, quel héros, quel cœur de
rocher a jamais pu s'éloigner d'une aussi adorable créature en
la laissant, comme je la vois, lèvre ouverte et pâmée, chevelure
à demi dénouée, œil noyé dans les larmes que fait couler l'an-
goisse d'une inconsolable séparation.

La Liseuse de Henner est à peine esquissée, et il est diffi-
cile de surprendre une expression sur les traits si vaguement
indiqués de ce profil perdu, mais ce que l'on voit de la joue et
de la nuque est pétri dans une pâte d'une blancheur et d'une
pureté virginales, dont le grain, souple et ferme à la fois,
atteste la main d'un maître.

M. Laurens, dans sa Lady Macbeth, est resté fidèle à sa
manière noire et à sa poétique funèbre. Ce goût-là n'est pas le
mien ; mais il peut être celui d'un autre et je n'ai point à con-
tester là-dessus. Ce que je reproche à réminent artiste c'est de
n'avoir point assez de souci de la forme humaine, et de n'avoir
pas compris que tout en étant terrible elle devait être belle...
Sa beauté même était la seule excuse de son mari. Il faut que
l'on puisse s'expliquer l'espèce de fascination qu'elle exerce sur
cette âme faible et passionnée.

M. Vollon, dont l'exécution a pris en ces dernières années
une puissance extraordinaire, et dont les natures mortes laissent
bien loin derrière elles les œuvres les mieux réussies de ceux
 
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