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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 4)

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Ménard, René: Histoire artistique du métal, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18610#0126

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HISTOIRE ARTISTIQUE DU MÉTAL'

m

LE MÉTAL

AU MOYEN AGE
(suite)

FRANCE

Si le nom de saint Éloi re'sume en quelque sorte tous les
efforts de l'orfèvrerie française pendant la première partie du
moyen âge, Suger, le célèbre abbé de Saint-Denis, fut pendant
le xii° siècle l'instigateur des plus grands travaux qui furent
exécutés à cette époque, et il en parle longuement dans le livre
qu'il a écrit sur son administration. Ce fut lui qui dirigea l'exé-
cution de l'autel et des châsses de saint Denis et de ses deux
compagnons, saint Rustique et saint Eleuthère; sur le lieu où
les saints martyrs avaient longtemps reposé, il éleva une croix
d'or, enrichie de pierres précieuses, surmontant une colonne
carrée où soixante-huit plaques d'émail représentant des sujets
de l'Ancien et du Nouveau Testament alternaient avec des plaques
filigranées. Toutes ces richesses ne sont point restées, mais
quelques pièces rarissimes, conservées au musée du Louvre, nous
donnent une idée du talent des orfèvres employés par Suger. Il
faut surtout citer un vase antique de porphyre, que l'ingénieux
artiste chargé d'exécut.er sa monture a transformé en aigle.
L'urne égyptienne est devenue le corps de l'oiseau, auquel on a
ajouté des parties métalliques qui s'y adaptent parfaitement, et
notamment la tète qui est d'un grand caractère. Un autre vase
antique, en cristal de roche, a subi à la même époque une trans-
formation du même genre, en ce sens que sa monture lui donne
une physionomie toute spéciale et empreinte d'un certain goût
oriental. C'est la célèbre pièce qu'on désigne habituellement
sous le nom de vase d'Alienor d'Aquitaine, parce qu'il fut donné
par cette princesse au roi Louis VII, qui en fit lui-même pré-
sent à Suger, pour être consacré au Saint Lieu, ainsi que le
constate l'inscription niellée sur son pied.

Le puissant abbé qui donnait l'impulsion aux arts de son
temps ne doit pas nous faire oublier un simple moine, nommé
Théophile, qui non seulement pratiqua lui-même tous les arts que
l'on connaissait alors, mais qui, dans un livre où de vastes con-
naissances sont partout mêlées aux naïvetés les plus étranges, a
décrit tous les procédés alors connus. L'introduction qu'il met
en tête de son livre nous initie aux mœurs de ce temps où les
ateliers sont des couvents et les artistes des moines. « O toi qui
liras cet ouvrage, dit Théophile, qui que tu sois, ô mon cher
fils ! je ne te cacherai rien de ce qu'il m'a été possible d'apprendre,
je t'apprendrai ce que savent les Grecs dans l'art de choisir et de
mélanger les couleurs; les Italiens, dans la fabrication des vases,
dans l'art de dorer, dans celui de sculpter l'ivoire et les pierres
précieuses; les Toscans dans l'art de nieller et de travailler
l'ambre; les Arabes, dans la ciselure et les incrustations. Je te
dirai ce que pratique la France dans la fabrication des précieux
vitraux qui ornent ses fenêtres; l'industrieuse Germanie, dans
l'emploi de l'or, de l'argent, du cuivre et du fer, et dans l'art de
sculpter le bois. Conserve, ô mon cher fils! et transmets à tes
disciples ces connaissances que nous ont léguées nos anciens ;

nécessaires à l'ornement des temples, elles sont l'héritage du
Seigneur ... Lorsque tu auras souvent relu ces choses et que tu
les auras bien gravées dans ta mémoire, toutes les fois que tu te
seras utilement servi de mon œuvre, en retour de mes préceptes,
je ne te demande que d'adresser pour moi une prière à la misé-
ricorde du Dieu tout-puissant. » Ce précieux traité, dans lequel
soixante-dix-neuf chapitres sont consacrés à l'orfèvrerie, montre
que, bien loin d'avoir, comme dans nos industries modernes, la
division infinie du travail, les artistes possédaient une universa-
lité de connaissances telle, qu'on ne sait bien souvent à quelle
profession spéciale on doit les rattacher.

Le moine Théophile, à qui nous devons de si précieux ren-
seignements sur la pratique des arts au moyen âge, nous parle
entre autres des métaux travaillés au repoussé et ciselés ensuite.
« On fait, dit-il, des fers pour exécuter sur l'or, l'argent et le
cuivre, des figures humaines, des oiseaux, des animaux et des
fleurs repoussés. Ces fers sont de la longueur d'une palme,
larges et garnis d'une tête à la partie supérieure, effilés, ronds,
minces, triangulaires, carrés ou recourbés à la partie inférieure,
selon l'exigence du travail qu'on se propose de faire; on les
frappe avec un marteau... Battez une feuille de cuivre de la
largeur et de la longueur que vous voudrez, jusqu'à ce qu'elle
soit d'une épaisseur à ne pouvoir se plier qu'avec peine, et sans
fissure ni taches; puis tracez-y l'image que vous voudrez...
Lorsque vous aurez donné à l'image le relief que vous désirez,
prenez des fers de la longueur d'une palme, plus gros du bout
sur lequel on doit frapper avec le marteau, et de l'autre bout plus
effilés, fins, ronds ou pointus, que vous aurez préparés pour ce
travail; ensuite, ayant fait asseoir devant vous un enfant exercé
à ce genre de travail, tenez la feuille de la main gauche, et avec
les fers que vous tenez de la droite et que l'enfant frappe avec un
marteau d'une moyenne grosseur, tracez les yeux, les narines, les
cheveux, les doigts des mains, ceux des pieds et les plis des vête-
ments, de manière à les faire paraître à l'intérieur où vous
frappez avec les fers, et que les traits se produisent extérieure-
! ment en relief. Quand vous aurez ainsi travaillé assez longtemps
pour obtenir complètement la forme, vous fouillerez avec des
burins et des ébarboirs, autour des yeux, des narines, de la
bouche, du menton et des oreilles, et vous dessinerez les che-
veux, les ongles des pieds et des mains et les plis délicats des
vêtements. »

Théophile ne parle que des procédés techniques, mais un
écrivain du xm° siècle, Jean de Garlande, poète et grammairien,
nous a donné dans son vocabulaire latin quelques renseigne-
ments sur les artisans de cette époque. Les ouvriers qui tra-
vaillaient les métaux précieux se divisaient en quatre classes :
fermailleurs, monétaires, fabricants ou monteurs de coupes,
orfèvres.

« Les fermailleurs, dit-il, offrent des fermoirs grands et
petits, faits de plomb et d'étain, de fer et de cuivre. Ils ont
aussi de beaux colliers et des grelots sonores.

i. Voir l'Art, 6« année, tome III, page jcç, et tome IV, pages 20, 44, 5? et 9c.
 
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