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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [4]: Théatre de l'Odéon: Madame de Maintenon
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https://doi.org/10.11588/diglit.18878#0105

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ART DRAMATIQUE

THÉÂTRE DE L'ODÉON : MADAME DE MAINTENON

Jvant de dire ce que vaut au point de vue pure-
ment litte'raire cette Madame de Maintenon que
l'Odéon vient de représenter, il convient d'exa-
miner, dans une balance à part, ce que pèse au
point de vue strictement dramatique l'œuvre
nouvelle de M. François Coppe'e.

C'est la première fois que le talent de M. Coppe'e, naturelle-
ment amoureux des petits cadres délicats, s'exerce sur l'échelle
étendue de cinq grands actes. Avouons sans tarder qu'il ne s'y
est pas trouvé très h l'aise et que, tout en y déployant des
grâces, il y a perdu en plus d'un endroit l'équilibre. Le drame
est en vers, la poésie étant la forme éthérée que revêt de préfé-
rence la pensée de M. Coppe'e. Dans le prologue, car la pièce
est dotée d'un prologue, Mme de Maintenon n'a point encore
escaladé les degrés qui mènent au trône royal; elle n'est même
pas la veuve de ce Scarron cul-de-jatte chiragre et podagre
qui fut, après tout, le plus digne homme qu'elle ait eu. Elle
al encore femme Scarron. Un gentilhomme calviniste, nommé
Antoine de Méran, vient lui rendre visite avant de s'embar-
quer, comme tant d'autres désespérés, pour les îles ou l'Amé-
rique. Tous deux évoquent, en des vers plein de saveur prin-
tanière, « le vert paradis des amours enfantines » ébauchées au
temps des premiers battements du cœur, et, pour gage d'une
affection qui ne s'éteindra qu'avec la vie, en souvenir des belles
heures envolées, M"1" Scarron écrit sur une page du psautier
d'Antoine de Méran le serment de n'appartenir qu'à lui, si
la Parque inexorable vient à couper bientôt le fil auquel tient
la vie du pauvre Scarron. Comme dans les Faux Bonshommes
de Barrière, Scarron pourrait s'écrier :« Mais il n'est question
que de ma mort ici ! » mais il ne le fait pas, attendu qu'il n'appa-
raît pas dans la pièce. Et je le regrette, car Madame de Main-
tenon est ca lquéc sur le patron de ces tragédies d'où le masque
comique est sévèrement banni. J'aurais aimé h voir, ne fût-ce
qu'en passant, le bon auteur du Roman comique rire des méde-
cins et de la goutte, des femmes et du train brutal de la vie, au
nez des solennels prudhommes de son siècle. Mais M. Coppée ne
se sent point porté vers ces vieilles ligures gauloises qui descendent
de Rabelais en ligne plus ou moins directe et qui sont des joies
pour l'esprit en même temps que des repos pour l'âme. N'im-
porte ! poursuivons. Le rideau levé sur le premier acte, Scarron
est au pays des ombres où il fournit une rime à Caron. Sa
veuve est devenue marquise de Maintenon, elle a supplanté
Mw de Montespan, et si elle n'est pas reine de France, elle
est l'équivalent, c'est-à-dire Mme de Maintenon. Pendant ce
temps, que devient Antoine de Méran? Rien de bon, car il
est mort, tout comme Scarron. Samuel de Méran, frère
d'Antoine, à son retour en France, le lui apprend en lui
restituant le psautier, seul témoin des pieuses confidences d'au-
trefois. M,n0 de Maintenon remercie Samuel avec effusion et
serre précieusement le psautier. Malheureusement ou heureu-
sement, comme on voudra, un homme, le ministre Louvois,
s'est insinué assez avant dans la faveur du roi pour tenir
presque tète à M'"e de Maintenon. Il veut perdre la favorite,
et par tous les moyens en son pouvoir, fût-ce par l'invention du
jeu des petits papiers dont vous avez probablement entendu
parler. Il fait main basse sur le psautier revêtu de la signature
de Françoise d'Aubigné. et le met en réserve pour le moment
où il croira opportun d'aiguillonner la jalousie de Louis XIV.
Cette occasion ne se fera pas trop attendre, et c'est le frère

d'Antoine de Méran, c'est Samuel de Méran lui-même qui la
fournira en se mêlant aux complots calvinistes.

En effet, le second acte nous transporte dans les catacombes
de Paris, près la porte d'Enfer. Le baron de Croix-Saint-
Paul, blanchi sous le harnais de ceux de la religion, a convoqué
en synode mystérieux les chefs rebelles à la révocation de
l'édit de Nantes, MM. de Tracy, de Pons entre autres.

C'est au milieu de cette assemblée secrète qu'éclate la
scène capitale du drame. Le baron de Croix-Saint-Paul explique
aux conjurés les motifs de la réunion; les dragonnades ont
décimé les plus braves d'entre eux; conduire les débris du parti
protestant mutilé contre les soldats de Créqui, de Catinat et de
Condé serait une folie; il faut ou se soumettre ou écouter les
propositionsdeGuillaumed'Orange. Lestathouder se déclare prêt
à défendre la foi réformée, à la condition qu'en cas de victoire
les conquêtes assurées par le traité de Nimègue feront retour h
la Hollande. Pendant le discours de l'envoyé du stathouder,
Samuel de Méran a peine à contenir l'indignation qui bout en
lui, et lorsque M. de Croix-Saint-Paul demande aux assistants
si personne n'a rien à répondre, Samuel se lève et lui jette au
visage la superbe réplique que voici:

.....Si, moi !

Moi qui, bien que nouveau venu parmi mes frères,

Oserai prononcer des paroles sévères;

Car je ne comprends pas comment cet homme a pu

Vous parler si longtemps sans être interrompu;

Car, dans ce moment-ci, le rouge au front me monte,

Car je le vois encor vous proposer sans honte.

A vous, chrétiens, à vous, nobles, à vous, soldats,

L'or affreux qui frémit dans la main de Judas !

Courage! Suivrez-vous jusqu'au bout cet exemple?

Cet or, cent fois maudit, qu'il jeta dans le temple

Quand le feu du remords enfin le consuma,

Et dont on a payé le champ d'Aceldama,

Fcrmerez-vous sur lui votre main mercenaire?

Il a vendu son Dieu. Vendrez-vous votre mère?

Ah ! vraiment, cela trouble et passe la raison ;

Pour sa croyance avoir supporté la prison,

L'amende, les excès brutaux des garnisaires,

Par avance accepté l'exil et les misères,

Et coupé son bâton, déjà, pour le chemin,

Puis, au dernier moment, et, touchant de la main

La palme du martyre aux champs du ciel Heurte,

Se laisser proposer de livrer sa patrie!

— C'est impossible ! non, la rage des partis

Ne peut pas vous avoir à ce point pervertis.

Je ne crois pas qu'aucun o'entre vous se décide

A commettre ce lâche et cruel parricide !

Vous êtes des Français et vous en souviendrez !

Si vous accomplissez ce crime, ô conjurés!

Si vous abandonnez ce sacré territoire

Dont la moindre cité porte un nom de victoire,

Oui, si vous oubliez, pour vous venger du roi,

Le grand Condé jetant son bâton à Rocroy,

Jean Barr, liant son fils à son mat de misaine,

Luxembourg, conquérant des villes par douzaine,

Et tant de glorieux et terribles combats,

Et Duquesne impassible au fort du branle-bas,

Et Vauban sous Maestricht et la mort de Turemie ;

Si par mauvais esprit de colère et de haine,

Vous osez à ce point renier le passé,

Toute la gloire acquise et tout le sang versé

Par les vieilles maisons dont, après tout, nous sommes :

Si vous faites cela, Français et gentilshommes,

Si vous trempez les mains dans cette trahison

L'édit qui vous poursuit, alors, aura raison !

Le roi ne sera plus un tyran, mais un juge ;

Et, si contre ses coups vous trouvez un refuge,

Si même à triompher vous pouvez parvenir.

Que la foudre du ciel tombe pour nous punir!
 
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