Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 2)

DOI Artikel:
Ménard, René: Le salon de 1881, [3]
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.18878#0236

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
2i4 L'ART.

est une tentative extrêmement intéressante, sinon très heureuse. On sait que nos édiles, qui sont
un peu' en froid avec le sacerdoce, ont résolu de consacrer à la décoration des mairies les fonds
qu'on employait autrefois à des commandes de tableaux religieux destinés aux églises. On s'est
occupé d'abord de la grande salle des mariages, et M. Gervex, mettant résolument de côté
toutes les anciennes traditions décoratives, a imaginé de représenter, sur une toile de dimension
considérable, non pas un mariage idéal et symbolique, mais un véritable mariage civil dans
toute sa vérité prosaïque. M. le maire, debout devant son bureau, prononce les formules
réglementaires, tandis que le greffier écrit les noms et prénoms. A son appel, les époux se sont
levés et se placent en face de lui, la mariée tout en blanc, le marié en habit noir. Les parents,
les témoins, les amis sont assis sur des fauteuils alignés devant le bureau.

Les membres de la famille, qui occupent la première rangée de fauteuils, sont attentifs aux
paroles qu'ils entendent et dont ils semblent noter les intonations, tandis que les amis et connais-
sances, placés au second plan, étant moins intéressés dans la question, se montrent plus distraits
et échangent volontiers entre eux quelques paroles ou observations. Le peintre me semble même
avoir un peu trop insisté sur le groupe du jeune officier qui s'approche de sa voisine, comme
pour lui glisser à l'oreille quelque propos galant, et qui a le tort d'attirer beaucoup trop l'atten-
tion du spectateur, dans une scène dont le centre et le motif principal sont aussi nettement
déterminés.

Ce qui paraît avoir surtout préoccupé l'artiste dans cette peinture, c'est bien moins le carac-
tère moral de la représentation que le jeu de la lumière, qui, arrivant à la fois par divers côtés
dans la salle, produit des effets multiples, par suite des frisants et des reflets qui se combattent
l'un l'autre. Il y a, en somme, un grand talent dépensé dans cette toile, qui pourtant ne me
paraît pas remplir complètement son but. En voulant souligner rigoureusement le fait littéral et en
écartant tout ce qui pourrait prêter à la rêverie, l'artiste a été obligé de s'astreindre aux condi-
tions purement pittoresques d'un tableau de chevalet, et alors on ne comprend plus la dimension
de sa toile; la composition, qui n'a rien de monumental, gagnerait à être traitée sur une plus
petite échelle. C'est un tableau qui reproduit avec l'exactitude d'un procès-verbal une scène qui
se passe tous les jours à la mairie, mais ce n'est pas une décoration dans le sens que nous
attachons à ce mot, c'est-à-dire une peinture faisant partie intégrante du monument qu'elle
décore, et prenant dans l'architecture le rôle modeste d'accompagnement. La tentative de
M. Gervex acquiert néanmoins une grande importance, par ce fait que le réalisme fait irruption
dans le domaine de la peinture murale, qui, jusqu'à ce jour, avait été préservée de ses atteintes
et semblait se prêter à des ouvrages d'un tout autre caractère.

René Ménard.

(La suite prochainement).
 
Annotationen