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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 8.1882 (Teil 2)

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Véron, Eugène: Gustave Courbet
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https://doi.org/10.11588/diglit.19459#0259

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225 L'ART.

besoin d'apprendre, —■ peut-être parce qu'il sentait plus ou moins vaguement qu'il lui manquait
pour apprendre les instruments essentiels, l'attention et la réflexion.

On a souvent répété qu'il était absolument convaincu qu'il avait reçu de la nature un puissant
génie, qui le dispensait des études et des efforts imposés au reste des mortels. C'était une
apparence plus qu'une réalité. Il y avait beaucoup de pose dans sa croyance à son génie. En
réalité, il tenait plus à y faire croire les autres qu'il n'y croyait lui-même. 11 jouait une comédie
qui plaisait à sa vanité, parce qu'il la voyait prendre au sérieux par un certain nombre des naïfs
qui se groupaient autour de lui, mais quand il se trouvait hors de ce milieu, en face de gens qui
n'avaient pas la foi, il était facile de voir qu'il se sentait troublé. L'effort même qu'il faisait pour
éblouir les sceptiques le jetait en des exagérations de vanité et de niaiserie dont parfois
il finissait par entrevoir lui-même le danger. La situation alors devenait bien amusante, pourvu
qu'elle ne se prolongeât pas, et qu'il conservât quelque espoir de se tirer d'affaire par la
tangente.

Mais quand il se trouvait lancé trop avant pour pouvoir reprendre pied et qu'il se sentait
noyer, alors, plutôt que de reculer, il aimait mieux payer d'effronterie. Il se jetait tête baissée dans
l'absurde, se débattant, pataugeant avec un entêtement invincible, affirmant l'impossible, inventant
les faits les plus invraisemblables, se contredisant lui-même avec un dédain absolu de la vérité.

Dans ce cas, ce n'était plus amusant. Je ne connais guère de supplice comparable à celui
d'être enfermé plusieurs heures de suite dans un salon, avec un raisonneur de cette force.

Eh bien, on peut dire du peintre aussi bien que de l'écrivain : le style c'est l'homme. Je
retrouve dans l'œuvre de Courbet l'homme de nos conversations d'Ornans : le néant intellectuel.
Jamais je n'ai éprouvé aussi vivement cette impression qu'à trois expositions qui se sont faites à
peu près à la même époque, en 1867 : celle de Courbet au Pont de l'Aima, celle d'Ingres à
l'Ecole des Beaux-Arts, et celle d'un troisième peintre encore vivant, dont nous n'avons pas
à parler ici.

L'Exposition présente donne exactement la même impression. Rien de tout cela n'est vivant;
tout est immobile, figé, glacé. De tous ces portraits, il n'y en a pas un où perce un sentiment
quelconque de la vie morale et intellectuelle; parmi toutes ces figures d'hommes ou de femmes,
quelle est celle qui ait un mouvement vrai, une attitude observée, un geste qui se continue? La
seule que l'on puisse citer à ce point de vue est celle du vieux Casseur de pierres, précisément
parce que ce geste automatique se trouve par hasard convenir à l'habitude du personnage.
Pour moi, je le déclare en toute sincérité, je ne vois là que des mannequins plus ou moins
réalistiquement rendus, mais pas un accent de vie réelle, pas un éclair de sentiment, rien de
cette observation sincère et pénétrante qui fait vraiment le grand artiste et qui communique au
spectateur son émotion. C'est le réalisme bête, dans ce qu'il a de plus étroit et de plus faux, le
réalisme impersonnel, sans rien qui rappelle et fasse sentir l'individualité de l'artiste.

J'irai plus loin. Courbet est si peu clans son élément, quand il peint la figure humaine, il la
sent et la comprend si peu, qu'il y perd même ses qualités habituelles de facture. En réalité, sous
une apparence de vigueur, qui est due surtout à la qualité du ton, toute cette peinture est creuse,
tout cela est plat et manque de modelé.

Je n'y vois de modelé réussi que le dos de sa Baigneuse, mais comme ce succès est compensé
par le dessin du reste du corps !

Une des choses qui étonnent le plus, c'est qu'on ait pu parler de la perfection avec laquelle
Courbet a rendu la chair. M. Castagnary a écrit dans la notice qui précède le Catalogue : « Faites
intervenir, si vous voulez, les plus grands noms de la peinture; je ne crois pas qu'on ait jamais
approché la vie d'aussi près. »

Pas même le Titien? Pas même le Corrège?

Oui, je suis le premier à reconnaître que Courbet a par hasard d'heureuses trouvailles
partielles de ton, par exemple dans sa Femme à la vague, dans sa Dormeuse. Mais que dire du
Réveil, de la Femme au perroquet et de toutes les autres?

Autant dire que le Gueymard n'est pas un mannequin mal articulé, à qui il manque pour
 
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