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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 1)

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CCCIV

Champfleury. — Les Vignettes romantiques. Histoire de la
littérature et de l'art. 1825-1S40. — i5o vignettes par
Célestin Nanteuil,Tony Johannot, Devéria, Jeanron, Edouard
May, Jean Gigou:s;, Camille Rogier, Achille Allier. :— Suivi
d'un catalogue complet des romans, drames, poésies, ornés
de vignettes, de 1825 à 1840. Un volume in-40. Paris,
E. Dentu, Palais-Royal, i5, 17, 19, Galerie d'Orléans.

M. Champfleury s'est fait l'historien du romantisme; mais
il a une manière particulière d'entendre l'histoire, qui nous
paraît être la bonne. Elle consiste à appeler sans cesse les
yeux; au secours de l'intelligence. Le titre seul du volume en
indique la méthode. Il commente, explique et éclaire les récits,
portraits et appréciations des faits, des auteurs et des ouvrages,
par l'adjonction des vignettes dont il était de mode d'orner
les livres, de 1825 à 1840.

Il y avait alors, en effet, un accord bien remarquable entre
tous les modes de la pensée. Les artistes voyaient les choses

Vignette inconnue, de l'école de Tonv Johannot (vers i83o).
(Gravure tirée des Vignettes romantiques.)

avec les mêmes yeux que les littérateurs. Chez tous dominait
un goût égal pour l'étrange, pour l'énorme, pour l'horrible.
Tous affichaient un égal dégoût du vulgaire et du banal, mais
pour ces imaginations surexcitées le simple et le naturel se
confondaient facilement avec le banal et le vulgaire. C'était une
pose plus ou moins sincère, à laquelle personne ou à peu près
ne pouvait échapper. Les esprits les plus calmes, les imagina-
tions les moins échevelées, s'appliquaient à dissimuler sous les
apparences les plus fantasques cette tranquillité, cette placidité
de nature qui les aurait exposés à la raillerie. La plupart de ces
farouches se sont retrouvés de bons bourgeois, quand le flot
qui les soulevait s'est retiré. Devéria, Célestin Nanteuil, Louis
Boulanger, Édovard Thierry, Jean Gigoux, Armand Leleux,
Pétrus Borel le Lycanthrope et tant d'autres, ont repris à la
fin de leur vie leur véritable naturel, et ont retrouvé en eux-
mêmes les parfaits notaires qu'ils avaient essayé d'étouffer et
d'étrangler dans leurs années de romantisme.

Temps curieux et étrange, où l'on peut dire que tous à peu
près se mentaient à eux-mêmes et où cependant la plupart
étaient sincères. Ils mentaient par l'exagération de foli» qu'ils

s'imposaient, mais ils étaient sincères en ce qu'ils croyaient
réellement que c'était là un idéal à atteindre et que l'exaltation
romantique était la vraie perfection de l'homme.

Les seuls qui fussent là dans leur élément véritable,
c'étaient, d'un côté, les grands, ceux que l'emportement natu-
rel de leur imagination soulevait à la hauteur de cette poésie,
tels que Victor Hugo et Eugène Delacroix; de l'autre, les fous,
tels que Gannau le Mapah et Gérard de Nerval. Ceux-là sont
restés jusqu'à la fin ce qu'ils étaient au commencement.

« Pour goûter pleinementies audaces romantiques, écrit
M. Champfleury dans sa préface, il faut se reporter à un demi-
siècle, étudier les causes qui produisaient la révolte, noter les
cris de liberté s'échappant d'un certain nombre de poitrines,
suivre au loin le prolongement de racines du vieil arbre, péné-
trer dans le sens d'une époque fiévreuse, dont le peu de souci
du qu'en dira-t-on peut se résumer par ces deux vers :

Nous allons boire à nos maitresses
Dans le crâne de leurs amants, n

Le romantisme a été produit par une réaction des imagi-
nations contre la platitude de l'époque où il est né. Après les
grands ébranlements de la Révolution et de l'Empire, les
esprits tombés dans le vide et dans le marasme ont essayé de
se reprendre et de se relever par un mouvement factice qui
avait au moins l'avantage de les arracher à une insupportable
immobilité. Aussi y a-t-il dans cette résurrection quelque chose
de maladif et d'hésitant. Cela ne ressemble en rien à ces
grandes et généreuses exaltations que provoquent les rénova-
tions d'idées. L'affectation, l'emphase et la déclamation sont
demeurées les caractéristiques des œuvres de cette époque et
les plus grandes elles-mêmes n'y échappent pas.

Les vignettes que M. Champfleury a rassemblées dans ce
volume portent toutes un même caractère. Tout y est violent,
exagéré, « fatal». Une bonne partie de ces images nous repré-
sentent des scènes d'emportement, emportements d'amour ou
emportements de colères, avec des flots de larmes, des che-
veux hérissés, des serrements de poings. D'autres fois des
jeunes gens s'en viennent, à la clarté intermittente de la lune
à demi noyée dans des nuages noirs, poser délicatement leur
coude sur une colonne tronquée au milieu d'un cimetière, le
corps incliné dans une pose prétentieuse et gauche, qui trahit
le désir d'être regardé, comme dans la vignette de Tony Johan-
not qui se trouve à la page 3 du volume.

La Mort avec ses ossements secs joue également un rôle
dans cette illustration ; le Diable y fait aussi sa partie. Les
vieilles églises, les donjons, les sorciers et sorcières, les
spectres, la lune, les cavernes, les chouettes, les lutins, y
mènent une danse macabre des plus curieuses à étudier pour
qui veut se rendre compte de l'esprit de ce temps.

Ajoutons que M. Champfleury a fait lui-même partie de
cë milieu qu'il étudie aujourd'hui avec une impartialité des
plus rares et avec une verve non dénuée d'ironie. Rien n'est
plus curieux et intéressant que ce retour sur soi-même d'un
homme qui veut être sincère et qui a assez de largeur
d'esprit pour reconnaître ses erreurs d'autrefois. Les anec-
dotes qu'il raconte sur lui-même ne sont pas les moins amu-
santes. Ce livre, très soigné au point de vue littéraire, artis-
tique et typographique, est certainement destiné à un grand
succès.

Eugène Véron.

Tome XXXII.
 
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