Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 9.1883 (Teil 1)

DOI article:
Guiffrey, Jules: Achille et Eugène Devéria, [1]: leur vie et leur oeuvre
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.19461#0089

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
ACHILLE ET EUGÈNE DEVÉRIA. 67

des couleurs; mais on reconnaît sous une épaisseur de tons multicolores le type caractéristique du
nain difforme qui occupe une place si distinguée dans le tableau de la Naissance de Henri IV.
Eugène, alors qu'il tenait plus souvent la plume que le pinceau, et que, par une aberration trop
fréquente, il se croyait plutôt poète que peintre, a essayé de rendre l'impression produite par le
succès foudroyant de son œuvre. C'est un cri d'orgueil bientôt suivi d'un amer retour sur les
déceptions et les dégoûts qui devaient lui faire expier ce triomphe éclatant de sa première
jeunesse. Voici le commencement de la pièce :

Du sein du grand salon transformé du vieux Louvre,

Lorsque, pour faire place à l'art moderne, on couvre 1

Les chefs-d'œuvre dorés, issus de l'art ancien,

Voilà qu'un nom surgit, s'élève, se déroule,

lit du matin au soir retentit dans la foule !

Et ce nom si bruyant pour un jour..... c'est le mien.

Malgré ce plat début, nous citerons encore deux des strophes de la même pièce. L'auteur,
qui écrivait dans les dernières années de sa vie, après bien des désenchantements, se prend à
regretter de n'être pas mort à la fleur de l'âge, dans la joie du succès et l'enivrement du
triomphe, et ce regard jeté en arrière sur une vie si bien commencée lui inspire un mouvement
empreint d'une certaine grandeur :

Si j'étais mort alors, j'eusse été pour la France
Un de ces nobles noms rayonnants d'espérance
Dont chaque âge à son gré complète le talent;
Mes sœurs eussent gardé dans leur âme navrée
Cette gloire sans tache, à jamais délivrée
Des malins souvenirs du critique insolent.

Si j'étais mort alors!... courte eût été ma vie;
Mais ma gloire d'un jour n'eût pas été suivie

De tristes désenchantements ;
Je n'aurais pas gémi sur ma verve flétrie.....

Mais en 1827, le jeune triomphateur voyait s'ouvrir devant lui une brillante carrière et ne
sono-eait o-uère aux tristesses de l'avenir. Une circonstance, dont il convient de dire un mot,
ajoutait encore à son succès l'auréole de la persécution. Le jury, c'était alors l'Institut, ne décernait
pas de récompense à la Naissance de Henri IV. Cette maladresse servit utilement l'artiste.
Il passa du coup parmi les coryphées du grand parti romantique; les novateurs qui avaient levé
l'étendard de la révolte l'acclamèrent comme un de leurs chefs et les ateliers des deux frères
devinrent un des principaux centres de réunion où se réunissaient les conjurés, où se méditaient
les plans de campagne, d'où partaient les attaques.

J. Guiffrey.

[La suite prochainement. )

1. En 1827, comme pendant tout le cours du xvin" siècle et la première moitié de celui-ci, l'exposition des artistes vivants se faisait
au Louvre, dans les salles consacrées à la peinture. On dressait devant les tableaux des maîtres anciens des échafaudages soutenant des
murs légers de bois auxquels étaient attachés les envois des artistes modernes. Et pendant tout le temps de l'exposition les tableaux anciens
demeuraient cachés.
 
Annotationen