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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 12.1886 (Teil 1)

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Champfleury: La caricature au Japon, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19705#0174
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LA CARICATURE AU JAPON.

149

temps des initiateurs en toutes choses et font savoir au
public qu'ils ont découvert le Japon ; oui, eux tous seuls
vraiment, à les en croire, ont enfoncé les portes de cet
empire fermé jusque-là.

J'ai montré qu'à M. Frédéric Villot -et à quelques-uns
de ses amis était due la popularité des peintres japonais.
Depuis, il ne me coûte en rien de le reconnaître, on est
entré plus avant dans l'ordre des connaissances japonaises
et, pour ce qui touche plus particulièrement Hokou-Saï,
on le doit à M. Th. Duret, compagnon de voyage de
M. Cernuschi ; alors que cet homme de goût recueillait les
grandes figures du Panthéon bouddhique qu'on voit dans
son importante collection, M. Th. Duret allait à l'art
plus familier et appelait l'attention des érudits français sur
un artiste étudié de près par les Anglais et les Américains 1.

Suivant le voyageur, la mode des albums populaires
pourrait être fixée à la fin de la première moitié du
xvmc siècle. Type le Jigi-shi-ho, par Monkuni, recueil de
neuf volumes, imprimé en 1743.

L'auteur s'est représenté au frontispice du livre, avec un grand
parapluie qui le préserve de la pluie qui tombe ; il tient une lanterne

à la main, sans doute par
allusion au but de son
__S§àfe=> livre, qui est de faire de
' la lumière dans les arts

du dessin ; il s'avance de
cet air narquois que savent si bien
rendre les artistes japonais, vers une
tori flanquée d'un grand pin contourne'.
C'est là une petite page absolument
japonaise, qui pourrait avoir e'te' des-
sinée cinquante ans plus tard, en
pleine e'poque d'Hokou-Saï-.

A l'aide de ces documents
français et étrangers, on a quel-
ques données sur la vie et l'œuvre
d'Hokou-Saï.

Il naquit en 1760 à Yeddo,
dans un quartier plein de fleurs,
appelé le hondjo. Son père por-
Acrobate, tait le nom de Hachyemon Mu-

d'après un album"populaire rugo ; capricieusement, le fils
japonais. prit dans ses premières publi-

cations divers pseudonymes :
Sori, Saïto, Tamiechi, jusqu'à ce qu'il adoptât définitive-
ment le nom d'Hokou-Saï, traduction d' « atelier du
Nord », c'est-à-dire du quartier de Katsushika, au nord
de Yeddo, habité par le peintre 3.

D'autres documents plus positifs se trouvent à foison
dans les albums d'Hokou-Saï; rapidement vus d'un
coup d'œil, ils complètent les relations des voyageurs sur
les mœurs, les croyances religieuses des Japonais, ainsi
que sur la configuration du sol et sa flore. Ces dessins
clairs et parlants disent en même temps la nature d'esprit
de l'artiste, ses goûts, ses caprices, les visions qui hantaient
son cerveau.

A quoi bon aller au Japon pour en rapporter des
déconvenues d'idéal, comme il arrive souvent aux gens j ^ gur ufi modeste cahic'r ou tous les effets sont

Je trop d'imagination? Ces croquis précis passent de | obtenus discretement par une sorte de lavis ombreux-

sous des nuages menaçants qui font trembler pour
le retour des barques de pêcheurs à l'horizon. Les croyances
religieuses, les superstitions du peuple japonais, y sont
figurées par d'imprévues représentations de divinités
bouddhiques singulières ; plus fantastiques encore ces
guerriers, ces monstres légendaires, ces princesses persé-
cutées qui semblent appartenir au domaine de noirs mélo-
drames.

La Japonaise donne raison à l'humoriste français
qui disait qu'il n'existe dans les cinq parties du monde
qu'un seul type de femme avec les mêmes caprices, les
mêmes coquetteries, les mêmes légèretés emplissant son
cerveau ; Hokou-Saï nous montre la femme d'Yeddo toute
aux soins de sa toilette, avec ses robes élégantes, entière-
ment préoccupée de se faire, belle. Veut-on voir le peuple
de la ville à ses plaisirs, les populations rurales à leurs
travaux ? C'est dans les croquis du peintre qu'on les sur-
prend dans la variété de leur condition; de même, l'artiste
montre les mendiants, les fumeurs d'opium, les crétins,
les gras qui ont abusé de la bonne nourriture, les maigres
qui se sont ruiné le corps peut-être par leurs vices. Les
mimes, les clowns, les gri-
maciers sont aussi nombreux
à Yeddo qu'à Paris; Hokou-
Saï a dévoilé tous leurs tours,
leurs exercices gymnastiques,
leurs mines.

Comment on enseigne la
géométrie, le dessin linéaire
dans les écoles ; le peintre,
laissant de côté sa troupe de
fantoches, trace de nets con-
tours et devient aussi clas-
sique qu'il était capricieux.
C'est évidemment en voyant
un de ses premiers albums,
rapporté par un voyageur1,
que Théophile Gautier disait
judicieusement :

Les Japonais ont le sentiment Animal marin.

de l'art ; leur goût n'est pas chi- _ ,T , „ .

' & ' Fantaisie par Hokou-Saï.

mérique et monstrueux comme

celui des Chinois. M. de Chassiron

a joint à son livre des fac-similés d'illustrations tirées de petits
traités populaires didactiques. On y voit des planches d'histoire
naturelle gravées sur bois avec une singulière intelligence du carac-
tère, du mouvement et de la physionomie des bûtes, ce sont : des
quadrupèdes, des oiseaux, des poissons, des reptiles, des insectes
indiqués d'un trait si vif, si libre et si génial, qu'aucun artiste d'Eu-
rope ne ferait mieux. Les planches relatives aux travaux de la cam-
pagne sont aussi instructives que curieuses.

Les caricatures décèlent la bouffonnerie la plus humoristique et
un profond sentiment du ridicule humain.

Une qualité qui fait d'Hokou-Saï un maître est de
savoir donner à ses compositions les plus étroitement cir-
conscrites l'apparence du grand. Un éléphant, un pic
neigeux, la mer, rendent les proportions considérables de

HT

l'hiver à l'été, des grands tapis de verdure aux
épaisses ; ils transportent le curieux au pied des plus
hautes montagnes, dans les ports de mer, au bord des flots

1. Une biographie de Hokou-Saï se trouve dans Dickins, The
Fugaku Hyalukei or Hundred vieivs of Fuji, Londres, B. Bats

rehaussé de tons discrets; je n'analyserai pas davantage
■les procédés du peintre-graveur, voulant en laisser le
bénéfice aux enragés descripteurs de la littérature ac-
tuelle.

Ce fut en 1810 que Hokou-Saï publia le premier
forci, 1880; également une étude sur Hokou-Saï, par Edward S. ' volume de sa Mangoua : « l'idée que le mot MangOlia
Morse, a été publiée par la Revue américaine Thé Art Review.

2. Théodore Duret, les Livres illustrés au Japon, Galette des
Beaux-Arts, 1882.

3. « Hokou-Saï se figure à l'aide de deux caractères chinois ; pour
lui conserver sa réelle physionomie, il faudrait l'écrire en deux par-
ties : Hokou Saï, en séparant les parties pour les faite correspondre
aux caractères. »

exprime en japonais, a dit un voyageur, peut se rendre
en français par « rapides esquisses » ou « croquis de pre-
mier jet. »

1. Baron Ch. de Chassiron. Notes sur te Japon, la Chine et l'Inde.
Paris, 1861. Grand in-8°.
 
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