Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Hinweis: Ihre bisherige Sitzung ist abgelaufen. Sie arbeiten in einer neuen Sitzung weiter.
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 14.1888 (Teil 1)

DOI Artikel:
Henriet, Frédéric: Petite question d'esthétique, [2]: Le Titre
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.25872#0056

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
c>

PETITE (QUESTION D’ESTHÉTIQUE

LE TITRE'

(FI

II

Il y a bien des catégories de titres. Le titre anecdo-
tique est un des plus usités. Que de fois avons-nous vu
repasser dans nos Salons le Visiteur indiscret, le Convive
inattendu, Une Mauvaise Rencontre, etc.! Voici le titre par
antithèse : Richesse et pauvreté, Avant et après la soirée
(Biard, Salon de 184g) ; Pénélope et Phryné (Charles Mar-
chai, 1868); le Départ, le Retour (Toulmouche, 1885).
L’antithèse est la providence des éditeurs en quête de
« pendants » pour la clientèle bourgeoise.

Il y a le titre à côté qui se plaît à parodier un livre
fameux : le Dernier Jour d’un condamné ; une fillette
revient de la foire tenant dans ses bras un grand bon-
homme en pain d’épice qui ne verra pas le soleil du lende-
main (Lobrichon, Salon de 1887); les Travailleurs delà
mer; de petits Parisiens, en villégiature sur une plage nor-
mande, élèvent des constructions avec des galets (Rudaux,
Salon de 1879). M. Rudaux a d’ailleurs la spécialité des
titres facétieux. La gravure a popularisé sa drôlerie du
Salon de 1773 : Et mon blé! exclamation naïve d’un pro-
priétaire qui surprend deux amoureux dans sa pièce;
Monsieur, Madame et Bébé : un bélier, une brebis, un
agneau; de l’esprit d’animalier (Henry Bonnefoy, 1880);
le Roy s’amuse (Jules Garnier, 1874), variation sur un
thème fameux poussé jusqu’aux confins delà pornographie.

N’oublions pas le titre à double sens : Une Partie de
dames [P. Beyle, 187g) ; trois jeunes femmes se livrent au
plaisir de la pêche; peinture innocente, plaisanterie idem;
le titre par antiphrase : Buveurs de sang (Monginot,

1885). Deux petits chats lèchent le sang d’un poulet
égorgé, prudemment accroché hors de leur portée. Dans
cette poursuite du trait et de l’humour, l’artiste n’est pas
toujours heureux. Souvent on sent l’effort et l’effet est
manqué. M. Luigi Loir a peint (Salon de 1885) le bassin
des Tuileries sur lequel évolue la flotte de l’amiral Bébé,
Le titre vise au bel esprit : Paris port de mer. Encore un
titre à intentions relevé au Salon de 1885 : Bonne à
marier ; une jeune fille retourne la salade sans commettre
de maladresse... Avouez, Monsieur Louchard, que cela
manque de sel.

Toutes ces variétés ont malheureusement le tort de
tomber dans l’afféterie et l’ingéniosité. Parfois, au lieu de
faire le titre pour le tableau, l’artiste fait le tableau pour
le titre. Tout le piquant de l’œuvre est dans les sous-
entendus malicieux du titre, dans les surprises qu’il nous
ménage. M. Lobrichon est passé maître en ce genre.
Comme s’il n’avait pas assez de talent pour dédaigner cet
élément de succès, il a imaginé des titres heureux qui ont
fait la fortune de ses tableaux. Une composition de M. Lo-
brichon est une propriété productive comme une ferme

1. Voir l’Art, 140 année, tome Ior, page 14.

en Normandie. Cela s’exploite sous tous les formes : pho-
tographie, gravure, héliogravure, chromolithographie.
Tout le monde se rappelle la vogue de la Hotte de Cro-
quemitaine (Salon de 1874), la Boite aux lettres, du Salon
de 1881, avec ce sous-titre :

On a souvent besoin d’un plus petit que soi.

Voici la plaisante paraphrase que le peintre avait don-
née du vers de La Fontaine : Une fillette chargée de
mettre une lettre à la poste ne peut atteindre à l’orifice de
la boîte. Comment faire? Une idée lumineuse la tire
d’embarras. Elle prend dans ses bras son petit frère qui,
en se haussant avec effort, rend à sa sœur le service
attendu.

Le Spectre rouge, du même artiste, est figuré par un
diable à ressort, grotesque fantoche de la terreur, qui sort
de sa boîte pour faire peur aux enfants et aux bourgeois
trembleurs. Le 18 mars n’était pourtant pas encore bien
loin, mais, en 1875, la tabatière était refermée et l’on
pouvait sans danger rire du spectre rouge. M. Lobrichon
manie aussi l’actualité avec une rare adresse. Le Volon-
taire d’un an, un bébé de douze mois, uniquement vêtu
d’une giberne et armé d’un petit fusil de bois, restera
comme un modèle de satire légère et plaisante. (Salon
de 1875.) Les questions à l’ordre du jour inspirent ainsi,
chaque année, quelques fantaisies humoristiques. M. Louis
Deschamps a peint, en 1884, un petit poupon frais et rose
déposé sur le péristyle d’une église. Titre : la Recherche
de la paternité.

M. Schenck est aussi de ceux qui pavent leurs tableaux
d’intentions, spirituelles ; mais elles n’ont pas toujours la
grâce légère des inventions de M. Lobrichon. C’est de la
plaisanterie allemande. Son tableau du Salon de 1883 a
fort égayé les visiteurs du dimanche. Une crinoline d’étoffe
rouge, tendue sur son armature d’acier, gisait sur le sol,
en pleine campagne. D’où venait-elle ? D’où était-elle
tombée là? Ces sortes d’objets ne sont pas de ceux qu’on
perd ; ils ne sont pas non plus de ceux qu’on réclame
quand on les a perdus. La personne à qui appartenait cet
appendice incommode, et peut-être superflu, l’avait-elle
jeté délibérément par-dessus les moulins pour s’égarer
plus agréablement sous bois ou dans les blés? Mystère!
Toujours est-il qu’une bande de dindons, interloqués à la
vue de cet engin bizarre, l’entourent curieusement, plon-
gés dans une stupéfaction muette. Titre : Dindons trou-
vant un supplément. Je ne juge pas, je raconte.

Comme le bon La Fontaine, avec moins de grâce tou-
tefois, M. Schenck aime à faire la leçon aux hommes sur
le dos des animaux qu’il a la spécialité de peindre. Dans
son tableau du Salon de 1885, l’Orphelin, le moraliste
devient amer. Une brebis et son agneau sont cernés par
une troupe de corbeaux qui s’apprêtent à fondre sur les
 
Annotationen