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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Bosseboeuf, Louis-Auguste: Les sculptures de Solesmes et l'école de Tours, I-VII
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0241

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LES SCULPTURES DE SOLESMES ET L’ÉCOLE DE TOURS

i

Un soir, trois artistes
venaient frapper à la porte
du couvent de Solesmes,
pittoresquement assis sur
un coteau aux assises de
marbre qui domine la ver-
doyante vallée de la Sarthe
aux eaux profondes et lim-
pides : c’étaient trois Ita-
liens accusés de meurtre,
qui avaient quitté la terre
classique des arts pour
fuir la justice de leur pays.
La porte toujours hospi-
talière du prieuré s’ouvre
devant eux; à peine intro-
duits dans l’enceinte de
l’église, monument du
xiie siècle, remanié au xve,
ils s’arrêtent saisis d’ad-
miration devant une Mise
au tombeau, véritable chef-
d’œuvre de statuaire de la
fin du règne de Char-
les VIII. Pris de remords,
ils forment la résolution
d’expier leur crime en vivant et mourant à l’ombre de ce
cloître, et, pour rendre effective leur décision, ils offrent
au prieur de reprendre et d’achever le charmant poème
de sculpture dont ils viennent comme d’entendre les pre-
mières strophes. Cette légende romanesque, transmise
d’àge en âge, est l’explication que l’on a donnée pendant
longtemps au sujet de l’origine des magnifiques monu-
ments, dits « les Saints de Solesmes ».

Ces anecdotes enveloppées de mystère pouvaient bien
convenir à la foi naïve de nos aïeux; elles ne sauraient
satisfaire les exigences de notre esprit, trempé aux sources
de la critique moderne : comme les dernières ombres de
la nuit, elles s’évanouissent rapidement devant les pre-
miers rayons de l’aurore. Or, la légende disparue, que
mettre à sa place? Ici s’ouvrait, immense et sans bornes,
la carrière de l’hypothèse. Les critiques de nos jours,
parfois aussi naïfs et moins charmants que les conteurs du
vieux temps, se sont lancés à toute bride dans cette voie
pour aboutir à des conjectures aussi invraisemblables que
variées. D’après celui-ci, ces statues seraient une œuvre
flamande, et la comparaison montrerait qu’elles sont dues

au ciseau des frères de Vriendt, neveux du célèbre sculp-
teur Corneille Floris 1 ; d’après un autre, ce serait un
travail lorrain exécuté par Ligier Richier, qui aurait
sculpté, sur les bords de la Meuse, des retables où l’on
retrouve des motifs d’ornementation analogues à ceux de
Solesmes2. De leur côté, sur les pas de Dont Gue'ranger
qui était plus versé dans l’étude des origines ecclésiastiques
que dans la connaissance des questions d’art, les bénédic-
tins de Solesmes se sont rangés, du moins jusqu’à nouvel
ordre, à la première opinion non sans y mêler une parcelle
d’italianisme. D. Guépin, dans sa description de ces
statues, commence par citer cette phrase de M. Cartier :
« C’est sa direction (de Jean Floris) qui seule peut expli-
quer l’ensemble, les qualités et les défauts de cette œuvre
collective et le singulier mélange qu’on y remarque de
style flamand et italien »; puis il continue : « de toutes
les opinions qui ont été émises jusqu’à ce jour sur les
auteurs de la chapelle de Notre-Dame-la-Belle, celle-ci
est la mieux justifiée 3 »; c’est l’avis qui a été soutenu par
D. Piolin, l’auteur érudit de l’histoire du Maine 5. Enfin
M. L. Palustre, dont la sagacité et le savoir dans les ques-
tions artistiques sont indiscutables, s’est demandé quels
pouvaient être les auteurs de ces sculptures. Dans la
statuaire du transept méridional il incline à voir la main
de Michel Colombe, parce que, « dans son ensemble, la
vaste composition n’est pas indigne du célèbre sculpteur » ;
quant aux groupes du transept nord, le savant archéologue
croit y reconnaître le ciseau de Jean Giffard et de Jean
Desmarais, qui auraient travaillé de concert avec le célèbre
architecte, Jean de Lespine, ainsi qu’ils l’avaient fait pré-
cédemment à Angers; mais ce n’est là de sa part « qu’une
conjecture », ainsi qu’il le déclare lui-même ü. A notre
tour, attiré par le renom des statues de Solesmes, nous
sommes allé frapper à la porte du célèbre couvent béné-
dictin ; nous avons franchi le seuil du temple et nous
sommes assis dans son enceinte, aujourd’hui solitaire,
pour tenter de découvrir l’inconnue du problème. Grâce à
Dieu, notre bonne volonté a été récompensée; nous avons
senti un rayon de lumière pénétrer la demi-obscurité qui
enveloppe ces chefs-d’œuvre comme d’un voile mysté-
rieux.

D’influence flamande ou lorraine, il n’en saurait être

1. E. Cartier, les Sculptures de Solesmes, pages 79 à 96, 101
à io3. Le Mans, 1877.

2. Abbé Souhaut, les Richier et leurs œuvres, page 170 ( 1883).

3. D. Guépin, Description des églises abbatiales de Solesmes, 1876,
pages 65-66.

4. Revue de l’art chrétien, 1878.

5. L. Palustre, Forum artistique, les Sculptures de Solesmes. —
La Renaissance en France, le Maine.

Orfroi de la chape de Saint-Pierre.
Signature de Michel Colombe.
Dessin de L. Le Riverend.
 
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