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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 16.1890 (Teil 2)

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Gabillot, Cyrille: Le musée Guimet et les religions de l'Extrème-Orient
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https://doi.org/10.11588/diglit.25870#0284

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252

L’ART.

terrain (délibérations des i5 mars et 29 juillet 1883). Ce
projet fut voté à la Chambre le 3 août, au Sénat le 7, pro-
mulgué le lendemain, et les travaux de construction im-
médiatement commencés.

Les frais de construction du Musée, évalués à 1 mil-
lion 590,000 fr., se sont élevés en réalité à plus de 2 mil-
lions. Si l’on veut bien considérer que ces frais, déduction
faite des 780,000 fr. donnés par l’Etat, ont été entièrement
supportés par M. Guimet, que les collections de ce der-
nier, en dehors de leur valeur scientifique, ont une valeur
vénale de plusieurs millions, on reconnaîtra que, par la
convention ratifiée en août, M. Guimet a fait à l’Etat un
assez joli cadeau. C’était notre devoir de le dire au lecteur.

C’est sur la place d’Iéna, près du Trocadéro, entre
l’avenue d’Iéna et la rue Boissière, que s’élève le nouveau
Musée. L’architecture en est peut-être banale ; l’Orient
étant père des religions, nous aurions aimé pour ce temple
une architecture un peu orientale : l’Exposition a montré
qu’on pouvait faire de si jolies choses en ce genre! Il con-
vient de reconnaître néanmoins que l’aménagement inté-
rieur en est bien compris.

Ce ne sont pas seulement des oeuvres d’art qui sont
réunies dans ce Musée ; ce sont surtout des symboles,
expressions figurées de dieux, de légendes, de mythes;
« chaque vitrine représente un dogme, une croyance, une
secte ». Beaucoup de ces objets ont une grande valeur
artistique; d’autres n’ont qu’une valeur symbolique, et
complètent une série en attendant mieux ; plusieurs sont
grotesques, laids, d’une laideur qui n’a cependant rien de
repoussant, mais dans leur ensemble, on ne doit pas l’ou-
blier, tous représentent les croyances de peut-être la moitié
de l’humanité. Aussi, il fallait avec ces collections des
publications destinées à mettre en lumière les idées qu’elles
expriment, et une bibliothèque ; celle-ci renferme plus de
20,000 volumes ou manuscrits français, anglais, sanscrits,
japonais, etc. La partie la plus riche du Musée est de
beaucoup celle qui se rattache aux religions de l’Inde, de
la Chine et du Japon; les anciennes religions du bassin
de la Méditerranée, d’ailleurs plus connues, y sont moins
abondamment représentées.

Nous ne nous occuperons ici que des dieuxde l’Extrême-
Orient, de ceux de l’Inde, de la Chine et du Japon, avec
lesquels le lecteur est peut-être moins familiarisé. Ces
dieux, comme ceux dont parle la Bible, sont muets; nous
raconterons donc leurs exploits, leur grandeur et aussi
quelquefois leur décadence ; c’est pourquoi on trouvera
dans cette étude un peu de mythologie, de métaphysique
et de morale, des légendes et des superstitions. Si des
lacunes se remarquent en certains points, on voudra bien
nous les pardonner, les documents que nous possédons
sur ces matières étant souvent confus ou insuffisants, et
les conclusions des travaux qui les commentent parfois
contradictoires.

I

LES RELIGIONS DE L’INDE

L’Inde est le seul pays où, à travers bien des transfor-
mations, les vieilles croyances naturalistes des Aryas \
nos ancêtres, se soient conservées jusqu’à nous. Son his-
toire religieuse est celle d’une religion qui pendant plus
de 3,ooo ans présente un développement continu et auto-
nome; aucun des changements que le temps ou les événe-

1. On suppose que les Aryas habitaient la partie de l’Asie qui
correspond à peu près à la Bactriane, et que de là ils se re'pan-
dirent à 1 Ouest en Europe, au Sud sur le plateau de l’Iran et au
Sud-Est dans l’Inde par la vallée de Caboul.

ments y apportent, et dont quelques-uns aboutissent à des
formes profondément dissemblables, n’a le caractère d’une
rupture brusque, d’une révolution au sens propre du mot.
Du Védisme naît le Brahmanisme, et du mélange de celui-ci
avec certaines croyances populaires, sortent, d’une part,
le Néo-Brâhmanisme ou Indouisme, et, d’autre part, le
Bouddhisme, le Jaïnisme et des sectes moins importantes.
Nous ne dirons rien du Parsisme, ni du Mahométisme,
qui comptent dans l’Inde un certain nombre de sectateurs ;
non plus que du Judaïsme ni du Christianisme, toutes ces
religions étant d’origine étrangère.

II

PÉRIODE VÉDIQUE 1

Les documents de cette période sont les livres appelés
Vêdas. On en compte quatre : le Rig-Vêda, contenant des
hymnes d’invocation ou de louange; le Yadjour-Vêda,
divisé lui-même en Yadjour blanc et Yadjour noir, où sont
réunies les formules relatives aux divers actes du sacrifice;
le Sdma-Vêda, recueil de cantilènes dont les textes sont
des vers du Rig, et V Atharva-Vêda, recueil d’hymnes
comme le Rig, mais en partie d’une époque plus récente.
Une division plus ancienne distingue les Vêdas en Rie, les
hymnes, Yajons, les formules, et paman, les cantilènes.

Le plus ancien et le plus important de ce s recueils est
le Rig-Vêda ; on en doit la connaissance au savant india-
niste H. T. Colebrooke, dont le célèbre essai, publié
en i8o5 dans les Asiatic-Researches et reproduit dans les
Miscellaneous Essays du même auteur, fut une révélation.
Après lui un grand nombre de savants, R. Roth, Langlois,
Wilson, Max Muller, Weber, E. Burnouf, Bergaigne, etc.,
en Angleterre, en France, en Allemagne et dans l’Inde
même, ont traduit ou commenté les Vêdas et toute la
littérature indienne. Dans l’enthousiasme des premières
découvertes, on attribua aux hymnes du Rig une antiquité
prodigieuse ; on s’accorde à peu près maintenant à penser
que c’est entre le xxe et le xe siècle avant notre ère que
s’est faite la floraison de cette poésie. On a cru aussi que
la langue des Vêdas, le vieux sanscrit, qui n’était déjà
plus une langue parlée plusieurs siècles avant J.-C., était
la mère des langues indo-européennes, elle n’en est que la
sœur.

Au temps des Hymnes, les Aryas conquérants de l’Inde
étaient établis dans le Pendjab, et avaient pénétré jusqu’au
Gange, traînant avec eux leurs troupeaux, bataillant contre
les indigènes non soumis, les Dasyous, et s’étendant par
une lente conquête. Les Hymnes sont leurs cantiques ; ce
sont à la fois des prières, des chants de victoire et des
imprécations contre les vaincus ; ils accompagnaient le
sacrifice offert aux dieux pour les remercier ou obtenir
leur aide; les auteurs étaient des pères de familles, des
chefs de clans. Si le sacrificateur, VAngiras, était poète,
les hymnes étaient conservés et transmis oralement de
père en fils.

La religion de ces hommes était purement naturaliste ;
ils avaient divinisé les grandes forces et les phénomènes
de la nature, et généralement tout ce qui pouvait nuire
ou être utile. Toutefois, ils n’adoraient déjà plus directe-
ment les objets visibles ou les personnifications immé-
diates des phénomènes; ils avaient remplacé ces objets et

i. On peut consulter : A. Langlois, le Rig-Véda ou livre des
Hymnes, traduit du sanscrit; édition, revue et corrigée par Ph.
Éd. Foucaux. Paris, 1872, gr. in-8° (bibliothèque du Musée Guimet).
— A. Bergaigne, la Religion Védique, d’après les hymnes du Rig-
Vêda. Paris, 1878, 3 vol. in-8° (bibl. du Musée Guimet). — A. Barth,
les Religions de l’Inde. Paris, 1879, in-8°. — L. de Milloué, Histoire
des religions de l'Inde.
 
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