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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 19.1893 (Teil 2)

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Moureau, Adrien: La société vénitienne au XVIIIé siècle, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22769#0290

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L'ART.

de prendre le chemin de la France avec un engagement de
deux ans et des appointements honorables. Admirateur
passionné de Molière, voyant en lui le plus grand des
comiques anciens et modernes, il avait toujours souhaité
connaître la France, les gens de lettres, la société pari-
sienne, si vantée pour son esprit, et dont il ambitionnait
les suffrages comme la suprême consécration de son talent.
Bientôt nous le retrouvons attaché au service de Mesdames
filles du roi en qualité de maître d'italien; à défaut
d'appointements, il obtient, pour quelques leçons données
à la seule Madame Adélaïde, un logement à Versailles, fait
partie de tous les voyages et assiste aux spectacles de la
cour ; enfin ses protectrices lui assurent un traitement de
quatre mille livres et le dispensent de tout service auprès
de leur personne. Pour demeurer à Paris, Goldoni resta

sourd aux sollicitations adressées de Londres et de Portu-
gal non moins qu'aux pressants rappels de ses compa-
triotes. En 1771, la réussite du Bourru bienfaisant, joué
avec le concours de Molé, de Réville et de Mme Bellecour, fut
l'une des plus vives joies de son existence. En le surnom-
mant le Molière italien, ses contemporains ont certaine-
ment moins outrepassé la vérité que lorsqu'ils ont égalé
Métastase à Sophocle '.

A côté de ces divers poètes, quelques femmes supé-
rieures embellissaient la société vénitienne du charme de
leur esprit ou de leur talent. Telle cette Luisa Bergalli qui,
grandie dans l'échoppe d'un cordonnier, épousa le noble
comte Gaspard Gozzi. Merveilleusement douée, elle excel-
lait dans la broderie et, avant de s'adonner aux lettres,
avait appris la peinture de la Rosalba. Dans sa traduction

des comédies de Térence, qui lui valut les conseils d'Apos-
tolo Zeno, dans ses can^one, dans ses diverses œuvres
scéniques, elle témoigne des plus rares aptitudes. Aussi,
l'on peut supposer exempte de toute galanterie l'admira-
tion de ses contemporains.

Non moins célèbre, la Rosalba Carriera, surnommée
la reine du pastel, et tant fêtée lors de son voyage en
France. Elle faisait payer ses portraits 3o sequins et lors-
que de Brosses lui rend visite, ne lui offre-t-il pas 25 louis
d'or pour une petite Madeleine grande comme la main,
copiée d'après le Gorrège ?

Si Ton a vanté outre mesure sa grâce maniérée et la
douceur de son coloris, par contre, n'a-t-on pas trop
oublié son maître, le noble Giovanni Antonio Lazzeri?

Bien que la décadence de la peinture fût d'autant plus
sensible à Venise que son apogée avait été plus glorieuse,
son école, tombée dans la période des maîtres aimables et
frivoles, comptait encore quelques noms hors ligne. Le

prestige des Giorgione et des Titien, des Véronèse et des
Tintoret n'est point mort, mais leurs leçons ne sont plus
suivies. Plus volontiers, l'on se tournerait vers les Car-
rache ou les Pierre de Cortone, vers les éclectiques de
Bologne, les maniéristes de Rome ou les imitateurs du
Caravage. A l'exemple de ces derniers, certains Vénitiens
outrent leurs effets et chargent leurs toiles d'ombres noires
qui en compromettent la durée. Ce sont les ténébreux qui
ferment le xvme siècle. Sans essayer de renouer les grandes
traditions, l'époque suivante tenta de se faire une manière
jeune, et parmi les talents individuels qui se manifestent
alors, aucun n'est sans intérêt non plus que sans défaut.
Ainsi, à côté d'un excellent dessinateur comme Gregorio

1. Goldoni reprit ses fonctions de maître d'italien auprès de
Madame Clotilde, fiancée au prince de Piémont, et auprès de Ma-
dame Elisabeth. 11 termina sa carrière en écrivant ses mémoires en
trois volumes pour servir à l'histoire de sa vie et de son théâtre, et
mourut attristé et appauvri parla Révolution, le 8 janvier 1793.
 
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